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Politique

Malan Bécaye Sagna, candidat à la présidence bissau-guinéenne : ' L'indépendance de la Casamance est une utopie '

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Malan Bécaye Sagna, candidat à la présidence bissau-guinéenne : ' L'indépendance de la Casamance est une utopie '
Deux passages à la tête de l’Etat bissau-guinéen lui ont filé le goût du pouvoir. De sorte que, pour la troisième fois, il est prétendant au fauteuil. De passage à Dakar, Walf l’a accroché. Pour débattre avec lui de son programme, de la situation de son pays, devenu, par la force des choses la plaque tournante d’un intense trafic de drogue, des relations de son pays avec le Sénégal, de la Casamance, de la suite judiciaire du double assassinat qui a eu lieu, récemment, à Bissau. Entretien.

Wal Fadjri : Vous avez été reçu par Me Abdoulaye Wade. Peut-on savoir sur quoi a porté votre entrevue ?

Malan Bécaye Sagna : Le président Wade, c'est mon père. Je l'appelle même ‘papa’ C'est aussi un ami. Je le considère comme un grand chef d'Etat, une des figures les plus importantes de l'histoire contemporaine de l'Afrique. Le président Wade est connu à travers le continent comme étant un grand panafricaniste. Et cela remonte à bien avant son accession au pouvoir. C'est un grand panafricaniste qui ne manque jamais l'occasion de défendre la cause de l'Afrique. Je dois dire qu'il a beaucoup fait pour la Guinée-Bissau en tant que président de la République du Sénégal. Et moi, en particulier, il me considère comme son fils. Il m'a offert l'hospitalité au Sénégal. Et il me soutient beaucoup. C'est la raison pour laquelle, je ne peux pas être candidat à la l'élection présidentielle sans l'informer. C'est pourquoi, je me suis déplacé en personne pour l'informer de ma candidature à l'élection présidentielle du 28 juin 2009, au nom de mon parti, le Parti africain pour l'indépendance de la Guinée Bissau et du Cap-vert (Paigc) qui m'a investi officiellement. Je compte sur son soutien. Et si demain, je suis élu président de la République, nous allons travailler ensemble. Je suis sûr et certain que le président Wade va m'apporter son aide pour sortir la Guinée-Bissau de la situation difficile dans laquelle, elle se trouve. Il m'a assuré d'avance de son soutien moral et politique.

Wal Fadjri : Dans le passé, le Sénégal avait soutenu financièrement les élections en Guinée-Bissau. Avez-vous eu un nouvel engagement en ce sens de la part du chef de l'Etat sénégalais ?

Malan Bécaye Sagna : Je crois que cela, c'est la tâche du gouvernement. C'est une prérogative du gouvernement de la Guinée-Bissau d'aller chercher de l'argent pour l'organisation matérielle de l'élection présidentielle. Mais en tant que candidat à l'élection présidentielle, je ne peux pas aller demander de l'argent pour l'organisation de l'élection présidentielle. Mon sentiment personnel est que si le gouvernement actuel de la Guinée-Bissau en fait la demande, le Sénégal, comme par le passé, sera toujours prêt à apporter son aide à la Guinée-Bissau pour réussir l'organisation d'une élection présidentielle libre et transparente. Notre souhait personnel est que cette élection soit libre et transparente afin qu'une nouvelle page puisse s'ouvrir pour la Guinée-Bissau. Depuis plusieurs années, la Guinée-Bissau vit dans une instabilité chronique. Les derniers événements violents ont coûté la vie au président Nino Vieira et au général Tagmé Na Waié. A mon avis, ce sont les pires événements sanglants que l'on a vécus en Guinée-Bissau. Pourtant, on n’était pas en guerre, mais la façon dont ils ont été assassinés est inhumaine. Ce qui fait que tout le monde est préoccupé par la situation en Guinée-Bissau, surtout le président Abdoulaye Wade qui reste attentif à tout ce qui se passe actuellement en Guinée-Bissau. Je pense donc que si le gouvernement de mon pays lui adresse une demande dans ce sens, il va participer financièrement pour l'organisation d'élections transparentes.

Wal Fadjri : Les élections, c'est dans quelques jours. Peut-on avoir une idée de votre programme de campagne ?

Malan Bécaye Sagna : Mon programme pour l'élection présidentielle du 28 juin prochain est à peu près le même que celui que j'ai proposé en 1999 et en 2005 et auquel les populations de la Guinée-Bissau avaient bien cru. Mon ambition est de créer d'abord et avant tout un environnement de paix, de réconciliation et de stabilité. Si je suis élu, je veux assurer la paix définitive dans le pays. Les populations de la Guinée-Bissau ont soif de paix. Parce que la paix, ce n'est pas seulement l'absence de guerre. C'est d'abord la paix dans l'esprit des gens. Les gens ont aussi besoin d'avoir confiance au gouvernement et de sentir qu'ils sont gouvernés et protégés par un Etat. C'est cela que je veux pour mon pays. Les populations veulent sentir qu'il y a une autorité dans le pays. Et je veux faire revenir l'autorité de l'Etat pour défendre les gens et lutter contre l'injustice. Les populations ne veulent plus d’une succession de coups d'Etat. Mon programme de campagne, c'est en un mot stabiliser la Guinée-Bissau. Car, sans la stabilité, il n'y a pas de développement. Aujourd'hui, en Guinée-Bissau tout est prioritaire : la santé, l'éducation, les infrastructures, etc. Le secteur privé est quasiment absent, parce que décapité faute d'argent et surtout d'investissement. Et si je suis élu, je m'engage solennellement à redémarrer l'économie nationale. Et pour avoir l'aide de la communauté internationale, il faut un gouvernement crédible dirigé par un président crédible. Le président doit être non seulement crédible devant la communauté internationale, mais également devant le peuple de la Guinée-Bissau. Le gouvernement que je propose sera également capable de proposer aux populations des programmes concrets de développement. C'est seulement avec la stabilité, la paix et la réconciliation qu'on pourra développer la Guinée-Bissau. Aujourd'hui, c'est ce dont la Guinée-Bissau a besoin. Nous avons fait une guerre de libération très violente pour libérer notre pays. Le combat pour nous est de construire maintenant le bien-être des populations dans le progrès économique et social. Je crois que ce que les populations de la Guinée-Bissau demandent c'est de mener une vie normale comme tout le monde. Nous sommes dans le troisième millénaire, ce n'est pas normal qu'un pays reste quatre mois ou plus sans pouvoir payer les salaires des fonctionnaires. Ce n'est pas normal que, dans un pays, on se retrouve avec deux à trois années scolaires invalides. Ce n'est pas non plus normal que l'armée reste comme cela dans de très mauvaises conditions dans les casernes : sans manger et sans s'habiller correctement. Je souhaite, en tout cas, que la Guinée-Bissau vive dans le monde moderne, c'est-à-dire dans le développement.

Wal Fadjri : Le système politique bissau-guinéen est, aujourd'hui, sous l'emprise de l'armée. Que comptez-vous faire pour vous dégager de cette emprise ?

Malan Bécaye Sagna : Un militaire, c'est avant tout un citoyen. Un militaire a besoin de vivre dignement comme tout le monde. On ne peut pas prendre trois mille à quatre mille hommes et les mettre comme cela dans les casernes sans de bonnes conditions de vie. Et comme les militaires ont des armes, s'ils n'ont pas le minimum pour vivre, ils vont inéluctablement prendre les armes pour réclamer leurs droits. Et c'est cela qui est la source de l'instabilité. Pour éviter que les militaires sortent souvent des casernes, il faut créer les conditions pour qu'ils sentent que l'on se préoccupe de l'amélioration de leurs conditions de vie. Il faut aussi leur faire jouer leur véritable rôle dans le processus de développement. Je pense aussi qu'il faut aller vers la réduction des effectifs de notre armée. Parce qu'on ne peut pas avoir une armée de cinq mille à six mille hommes qu'on ne peut pas nourrir. Il faut qu'on mette en place une armée professionnelle que l'on peut nourrir et qu’on est sûr de pouvoir équiper et habiller correctement. L'armée doit également jouer un rôle dans le processus de développement. Aujourd'hui, l'ingénierie militaire dans d'autres pays apporte une valeur ajoutée dans le processus de développement.

Wal Fadjri : En Guinée-Bissau, si les militaires restent dans les casernes, ne mangent pas bien, ne s'habillent pas bien et sont sous-utilisés, il est évident qu’ils vont prendre les armes.

Malan Bécaye Sagna : Autre chose, je crois que les hommes politiques bissau-guinéens doivent prendre leurs responsabilités. Si les hommes politiques gouvernent bien, les militaires, à coup sûr, vont rester dans les casernes. Mais si nous ne prenons pas nos responsabilités, on ne gouverne pas bien le pays, alors qu'il appartient à tout le monde, ce qui est sûr c'est que les militaires vont intervenir dans le jeu politique. Surtout que nous avons une armée très politique qui est issue de la lutte de libération nationale. Plus de 70 % à 80 % des officiers de l'armée de Guinée-Bissau sont des anciens combattants de la lutte de libération nationale. Donc, les militaires font partie intégrante de l'histoire de notre pays. Si on laisse l'armée dans des conditions difficiles, les militaires vont demander aux dirigeants leurs droits pour bénéficier des fruits de la richesse nationale. Ce sont ces manifestations récurrentes de l'armée pour exiger de meilleures conditions de travail que les gens appellent ‘coups d'Etat’ ou ‘tentatives de coup d'Etat’. Si je suis élu président, le 28 juin prochain, je vais redimensionner l'armée. Je vais réformer en profondeur l'armée. Si je suis élu, l'armée de Guinée-Bissau ne va recruter que le nombre de soldats qu'elle peut nourrir, habiller et équiper. Nous allons construire une armée moderne et républicaine qui sera subordonnée aux hommes politiques. Mais, (…) tout se fera dans la dignité et le respect des droits de chacun.

Wal Fadjri : D'un autre côté, votre pays est miné par un intense trafic de drogue. Ne craignez-vous pas que le prochain président bissau-guinéen soit obligé de composer avec les narco-trafiquants pour ne pas subir le même sort que Nino Vieira ?

Malan Bécaye Sagna : Si c'est pour être complice des narco-trafiquants, ce n'est pas la peine que je me présente à l'élection présidentielle. Je me présente à la magistrature suprême par ce que je veux donner une nouvelle image de la Guinée-Bissau. Un pays sérieux ne peut être considéré comme un pays de narco-trafiquants. La première proposition que je vais faire si je suis élu président de la République pour montrer ma détermination à lutter contre les narco-trafiquants c'est de faire voter une loi par l'Assemblée nationale qui pénalise le trafic de drogue. Et c'est une loi qui sera appliquée aussitôt après sa promulgation. Et je prendrai des mesures concrètes pour poursuivre en justice toutes les personnes impliquées dans le trafic de drogue. Il est temps de prendre des mesures ardues et d'arrêter les déclarations d'intention. A mon avis, la meilleure manière de lutter contre le trafic de drogue, c’est de développer le pays. Aujourd'hui, nos concitoyens vivent dans la misère. Par exemple, un policier qui reçoit quarante mille francs par mois et reste souvent quatre mois sans percevoir son salaire, si un trafiquant de drogue lui remet cinq cent mille francs pour acheter son silence, il est évident qu'il va le laisser passer. Donc, il faut créer les conditions pour que la corruption ne puisse plus exister et que ceux qui sont chargés de traquer les trafiquants puissent faire leur travail convenablement. Même si les gens n'ont pas de gros salaires, le plus important c'est que le salaire soit fixe et régulier. L'arme par laquelle je compte lutter contre le trafic de drogue, ce sera la loi pour arrêter et juger les trafiquants et parallèlement promouvoir le développement du pays. Les narco-trafiquants ne sont puissants que lorsqu'ils ont des complices chez les autorités. Mais, s'il n’y a pas cette complicité, les narco-trafiquants vont disparaître. Je serai ferme et je ne serai jamais l'otage des narco-trafiquants. Si c'est nécessaire, je laisserai ma vie dans ce combat contre le trafic de drogue. Ce trafic doit finir en Guinée-Bissau.

Wal Fadjri : Si vous êtes élu, quelle suite judiciaire entendez-vous donner au double meurtre de Nino Vieira et de Tagmé Na Waié ?

Malan Bécaye Sagna : Après leur décès, deux commissions d'enquête ont été créées. Il y a une commission d'enquête militaire et une autre au niveau du gouvernement. Mais jusqu'aujourd'hui, ces commissions d'enquêtes chargées de faire la lumière sur ces assassinats n'ont encore rien donné comme résultats, du moins publiquement. Je sais que les commissions sont en train de travailler, mais on attend encore les résultats. Si je suis élu, alors que les choses ne bougent pas, je vais accélérer le processus. Et si je vois qu'il est nécessaire d'impliquer la communauté internationale dans l'enquête, je le ferai. Les auteurs de ces assassinats ne resteront pas impunis. On ne peut pas commettre un crime de cette nature et rester impuni. Ce n'est pas possible. Je ferai tout pour faire la lumière sur ces assassinats au besoin s'il y a des difficultés, je ferai appel à la communauté internationale. Je vous assure que les auteurs de ces assassinats barbares seront punis sévèrement.

Wal Fadjri : La Guinée-Bissau a souvent constitué la base de repli des maquisards du Mfdc. Si vous êtes élu qu'allez-vous pour mettre fin à cette situation ?

Malan Bécaye Sagna : D'abord, je dois signaler que la Guinée-Bissau ne peut pas continuer à être une base-arrière des rebelles de quelque pays que ce soit. La Guinée-Bissau ne va pas servir de refuge pour déstabiliser un autre territoire. Tout ce que l'on peut faire pour régler la situation en Guinée-Bissau, nous le ferons. En tout cas, si on nous le demande, nous allons nous impliquer dans le processus de recherche de la paix en Casamance. Même les rebelles qui sont dans le maquis en Casamance savent qu'aujourd'hui lutter pour l'indépendance de la Casamance est une utopie. Donc, comme c'est une utopie, c'est un rêve impossible. Je ne vois pas pourquoi les gens sont encore dans le maquis. Nous n'accepterons pas que les gens continuent de se battre et de piller les biens des populations à la frontière. Nous sommes des panafricains, nous croyons à la stabilité du continent, à sa sécurité et à son développement. Et si nous sommes élu président de la République, nous allons nous engager pour cela. La Guinée-Bissau ne sera pas la base-arrière de quelque mouvement que ce soit. Nous sommes prêt a donner notre contribution pour une résolution définitive de la situation en Casamance. Si je suis élu, je travaillerai en intelligence avec le président Wade. Donc, le Sénégal et la Guinée-Bissau ne peuvent pas avoir de problème à la frontière. C'est pourquoi, nous ne donnerons jamais notre espace national à quelqu'un pour déstabiliser le Sénégal. Et nous nous y engagerons pour le retour définitif de la paix en Casamance.



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