Mercredi 24 Avril, 2024 á Dakar
Vendredi 01 Juin, 2018 +33
Politique

Me Lamine Guèye - Un homme politique au service de sa communauté

Single Post
Me Lamine Guèye - Un homme politique au service de sa communauté

Quarante deux ans après sa disparation, Me Amadou Lamine Birahim Guèye, n'est pas toujours très connu des jeunes générations. Une situation paradoxale, que ses amis tentent de rectifier tant bien que mal. Chaque année, ils se font un point d'honneur de saluer sa mémoire, le 10 juin. Pour cette semaine, le Messager revient sur le parcours riche et bien rempli de ce valeureux fils d'Afrique.

Une vie au service de son prochain

Il est né le 20 septembre 1891 à Médine, dans le Soudan français, d'un père traitant originaire de Saint-Louis. En 1897, il est envoyé dans la ville de ses parents, où il fréquente l'école coranique.
En 1903, il est inscrit à l'institut des frères de Ploermel, qui devient ensuite l'école Brière de l'Isle. Il y passe trois (03) ans, réussit le certificat d'études et passe un an à l'école Faidherbe, établissement primaire, supérieur et commercial, où il obtient en juillet 1907 le brevet élémentaire local.
En tant que titulaire du brevet, Lamine Guèye choisit de débuter comme instituteur du cadre local à Dakar, place Protêt, à la rentrée de 1908. Les années qui précèdent la première guerre mondiale le trouvent en poste à Bakel, de 1910 à 1912 ; puis à Saint-Louis, de 1912 à 1914. Il est directeur d'école à Podor, Kaolack puis à Bakel, pendant les deux premières années de la guerre.
A partir de 1916, il obtient un congé administratif, qui lui permet de se rendre en France pour parachever ses études.
Il obtient le baccalauréat ès sciences en mars 1918, titre qui lui ouvre la porte du cadre général des instituteurs de l'AOF, auquel seuls les Européens accédaient.
Il s'inscrit à la faculté de droit de Paris où il bénéficie du décret du 10 janvier 1919, réservé aux étudiants mobilisés, qui écourte la durée des études.
Il passe sa licence en droit en juin 1920 et, à la rentrée, il est professeur de mathématiques à l'école William Ponty ; où il eut, entre autres, comme élèves, Félix Houphouët-Boigny de la Côte d'Ivoire et Mamadou Konaté du Soudan.
Le 1er février 1921, il est nommé avocat défenseur près la Cour d'Appel de l'AOF. La même année, il soutient son doctorat en droit sur le sujet : "De la situation politique des Sénégalais originaires des communes de plein exercice". Il obtient la mention "Très Bien" et devient le premier africain titulaire d'un tel diplôme, à 30 ans.
Lamine Guèye aura occupé professionnellement et politiquement toutes les fonctions, sauf la charge supérieure à la tête du Sénégal.
Le 21 juin 1925, il est élu au Conseil colonial et partage désormais son temps entre la capitale de l'AOF, Dakar où il a installé son cabinet, et Saint-Louis.
Il fut, après la deuxième guerre mondiale, député du Sénégal avec Senghor au Palais Bourbon à Paris ; maire de Dakar de 1945 à 1959 ; puis sénateur, vice-président du Sénat de la Communauté, membre du comité consultatif constitutionnel qui a rédigé la Constitution de la 5ème République française ; député du Sénégal indépendant ; puis Président de l'Assemblée nationale du pays indépendant, élu de 1961 jusqu'à sa mort le 10 juin 1968.

L'Aristocrate

Lamine Guèye est né le 20 septembre 1891 à Médine, Soudan français, (actuel Mali) d'un père commerçant, Birahim Guèye et de Coura Waly Cissé. Il est issu d'une famille sénégalaise originaire de Saint-Louis, ce qui en fait une des figures historiques de cette ville.
En 1930, il rencontre en France sa femme, Marthe Dominique Lapalun, qui est d'origine guadeloupéenne.
Leur fille, Renée, se marie avec un avocat ivoirien, Me Carlon ; leur fils, Iba, devient avocat et s'illustre également au cinéma.
Il suit les études traditionnelles coraniques et entre en maternelle en 1903. Il obtient le Certificat d'études primaires en 1906 puis le Brevet élémentaire en 1907 à l'École Faidherbe (École primaire supérieure et commerciale). Il devient instituteur-stagiaire à l'école Duval.
Il passe également une licence de mathématiques, ce qui lui permet d'être enseignant en classe de mathématiques à l'École William Ponty à Gorée. Il aura parmi ses élèves, Félix Houphouët-Boigny. Il enseignera pendant dix ans.
Lamine Guèye étudie le droit en France, durant la Première Guerre mondiale, devenant le premier juriste noir de l'Afrique française. Docteur en droit, il possède aussi deux DESS : droit privé en 1919 et droit romain en 1933.
Avocat brillant et altruiste et politicien de génie
Il devient avocat auprès des tribunaux et cours d'appel de l'AOF. Il défend des amis politiques tels que : Galandou Diouf au tribunal correctionnel contre Gaston Saucer ; Amadou Dugay Clédor (maire de Saint-Louis) contre la Compagnie française de l'Afrique occidentale (CFAO).
Amadou Dugay Clédor l'aidera à devenir magistrat, en intervenant auprès du gouverneur de l'AOF. Il devient magistrat en 1931 et sera, pendant 6 ans, président de Chambre correctionnelle. En février 1937, il est nommé conseiller à la Cour d'appel de la Martinique. En 1940, il quitte la magistrature pour redevenir avocat et rentre au Sénégal.
Avec quelques camarades de l'Association Culturelle "Aurore de Saint Louis" dont Abdoulaye BOYE, Alioune Marius NDOYE, Baka DIOP, Youssoupha CAMARA, Badara NDIAYE Mame Penda et Pape Mar DIOP, ils fondèrent en 1912 le premier groupe de revendication politique d'Afrique Noire dénommé "Jeunesse Sénégalaise". De retour au Sénégal en 1922, il adhère à la SFIO en 1923. En 1925, il devient maire de Saint-Louis. En 1924, il achète au député François Carpot le journal L'AOF qui deviendra le support de ses campagnes politiques. Mais cela ne sera pas suffisant, car il échoue aux élections législatives de 1928, battu par Blaise Diagne ; aux élections municipales de 1929 et aux élections législatives de 1930, battu par Galandou Diouf.
Déçu par ces revers politiques, il quitte le Sénégal pour occuper des fonctions de magistrat à l'île de la Réunion en 1931.
Blaise Diagne meurt en 1934. Un mouvement de jeunes étudiants sénégalais lui écrit une lettre, afin de l'inciter à revenir sur la scène politique. Lamine Guèye se représente aux élections législatives, mais il est battu de nouveau par Galandou Diouf.
En 1935, il réorganise le Parti socialiste sénégalais afin d'y attirer la jeune élite sénégalaise (le PSS fut le premier parti politique moderne de l'Afrique francophone). Le premier congrès de ce parti se déroule au célèbre cinéma « Rex », sur la place de l'indépendance.
En 1945, il se présente aux élections municipales de Dakar et devient maire de Dakar avec son colistier, L.S. Senghor. Il restera maire de Dakar pendant seize ans.
Il devient sous-secrétaire d'État à la Présidence du Conseil du gouvernement Léon Blum, du 16 décembre 1946 au 22 janvier 1947.

La loi française « Lamine Guèye »

En 1946, soutenu par la SFIO, Lamine Guèye remporta facilement la représentation des communes urbaines. À l'Assemblée nationale, il est l'auteur de la Loi Lamine Guèye, plus tard intégrée à la Constitution de la Quatrième République, étendant la citoyenneté française aux indigènes des colonies françaises.
La loi du 30 juin 1950 proclame l'égalité de traitements et d'avantages de toutes sortes à tous les fonctionnaires civils et militaires servant Outre-Mer, sans distinction de race, de religion ou de statut. Mais les défenseurs de la monogamie redoutent que cela incite à la polygamie, à cause des allocations perçues par les enfants dans les familles polygames.

Avec L. S. Senghor

1948 fut l'année de la rupture entre Lamine Guèye et son protégé, Léopold Sédar Senghor, qui va créer le Bloc démocratique sénégalais (BDS). Lamine Guèye aura privilégié l'électorat des villes, tandis que Léopold Sédar Senghor investit les campagnes, ce qui lui permet de constituer une base électorale beaucoup plus large. 1958 vit la fusion du Parti socialiste sénégalais (PSS) avec premier Bloc populaire sénégalais (BPS) de Léopold Sédar Senghor, pour former l'Union progressiste sénégalaise (UPS).
En 1951, il est battu aux élections législatives par Abbas Guèye (candidat senghoriste).
Il se retire involontairement en France, afin de se soigner d'une grave maladie. Durant ce séjour, il est nommé délégué de la France à la représentation politique auprès des Nations unies.
Les indépendances
Il revient en 1957 et prend la tête du Mouvement socialiste africain (MAS). Il devient directeur politique de la section locale sénégalaise, le Parti sénégalais d'action socialiste (PSAS).
Du 8 juin 1958 au 15 juillet 1959, il devient sénateur de la Quatrième République française.
En 1958, dans le cadre des négociations de l'accès à l'indépendance, il s'unit avec Senghor face aux autres leaders africains qui favorisent l'autonomie pour chaque territoire de l'AOF plutôt qu'une structure fédérative. Le Sénégal parvint ainsi à la création de la Fédération du Mali, regroupant le Mali et le Sénégal.
Le MSA et l'UPS fusionnent. Lamine Guèye devient directeur politique de l'Union progressiste sénégalaise (UPS). Il fait son entrée dans l'hémicycle comme député UPS, à l'Assemblée constituante du Sénégal. Puis il devient président de l'Assemblée nationale du Sénégal indépendant.
En décembre 1962, de vives tensions opposent Senghor au président du conseil, Mamadou Dia : les députés vont venir se réunir chez Lamine Guèye, afin de destituer le gouvernement de Dia et sauver ainsi le régime de Senghor.
Lamine Guèye maintient une intense activité politique au sein du parti au pouvoir et reste président de l'Assemblée nationale jusqu'à sa mort, le 10 juin 1968 à Dakar. Il sera enterré auprès de son unique fils Iba, décédé en 1963.

M F LO (source Wilképédia)

ANNEXE

La loi Lamine Guèye
Loi 46-940 du 7 mai 1946 tendant à proclamer citoyens tous les ressortissants des territoires d'outre-mer.

L'Assemblée nationale constituante a adopté,
Le président du Gouvernement provisoire de la République promulgue la loi dont la teneur suit :

Article unique. - A partir du 1er juin 1946, tous les ressortissants des territoires d'outre-mer (Algérie comprise) ont la qualité de citoyen, au même titre que les nationaux français de la métropole et des territoires d'outre-mer. Des lois particulières établiront les conditions dans lesquelles ils exerceront leurs droits de citoyens.

La présente loi, délibérée et adoptée par l'Assemblée nationale constituante, sera exécutée comme loi de l'Etat.

Fait à Paris, le 7 mai 1946
FELIX GOUIN
Par le Président du Gouvernement provisoire de la République:
Le ministre de l'intérieur,
ANDRE LE TROQUER
Le ministre de la France d'outre-mer,
MARIUS MOUTET

 

La Constitution de 1946 reprend et entérine la loi Lamine Guèye :
Préambule :
La France forme avec les peuples d'outre-mer une Union fondée sur l'égalité des droits et des devoirs, sans distinction de race ni de religion (...). Ecartant tout système de colonisation fondé sur l'arbitraire, elle garantit à tous l'accès aux fonctions publiques et l'exercice individuel ou collectif des droits et libertés proclamés ou confirmés ci-dessus.

Article 80 :
Tous les ressortissants des territoires d'outre-mer ont la qualité de citoyen, au même titre que les nationaux français de la métropole ou des territoires d'outre-mer. Des lois particulières établiront les conditions dans lesquelles ils exercent leur droit de citoyens.

Article 81 :
Tous les nationaux français et les ressortissants de l'Union française ont la qualité de citoyen de l'Union française, qui leur assure la jouissance des droits et libertés garantis par le préambule de la présente Constitution.

Le combat pour la citoyenneté
La loi Lamine Guèye menait à une révolution. Elle créait un dilemme majeur entre une option fédéraliste, peu compatible avec le modèle unitaire français, et une option assimilationniste, qui aurait eu pour résultat de faire siéger au parlement français un nombre d'élus d'outre-mer à peu près équivalent à celui de métropole.

Les opposants à ces réformes se rassemblèrent autour du général de Gaulle et créèrent le RPF en 1947, pour saboter cette Quatrième république qui trahissait la France éternelle, c'est-à-dire la France blanche, qu'elle soit chrétienne ou anticléricale. Le putsch des militaires en Algérie, le 13 mai 1958, portera au pouvoir le général de Gaulle qui abolira la Quatrième république. Nous vivons encore aujourd'hui sous cette idée, inspirée et consacrée par la Cinquième république, que la Quatrième fut une anarchie sans avenir, donnant un pouvoir excessif au législatif et à la représentation des citoyens.
.
Pour empêcher l'évolution vers le pluralisme, soit sous une forme fédéraliste, soit par une présence massive de députés d'outre-mer, les gaullistes inspireront dès le départ de Felix Gouin un certain nombre de mesures :
1 - La loi du 5 octobre 1946, modifiée par celle du 27 août 1947 établit des restrictions à l'exercice du suffrage universel : A Madagascar, un indigène sur 15 est inscrit sur les listes électorales ; en Oubangui-Chari et au Tchad, un sur trente. Le nombre des électeurs est bien inférieur au nombre des contribuables.
2 - La loi du 5 octobre 1946 institue un double collège d'électeurs ; d'un côté les européens, de l'autre les anciens indigènes.

Les élections dans les anciennes colonies furent, en outre, truquées au vu et au su de tout le monde. Marcel-Edmond Naegelen, gouverneur de l'Algérie de 1948 à 1951, a attaché son nom au système de fraude massive instauré dans les anciennes colonies ("les élections à la Naegelen").

Malgré ces freins, le processus engagé par la loi Lamine Guèye s'affirme à partir de la loi-cadre de 1956, qui introduit définitivement le collège unique.

Lorsque de Gaulle prend le pouvoir en 1958, il est trop tard pour revenir en arrière. Il ne reste plus qu'une solution pour sauvegarder la France éternelle et le modèle unitaire : L'instauration d'un nouveau régime avec une nouvelle Constitution (voir La Constitution de 1958), plus autoritaire et donnant un maximum de pouvoir à l'exécutif, dans la mesure où le parlement ne pouvait que faire la part de plus en plus belle à la représentation des allogènes de l'outre-mer. La décolonisation était la solution ultime, qui permettrait d'échapper à la nécessité du pluralisme et de reblanchir le parlement. La révolution pluraliste, menée par les députés noirs en 1946, fut confisquée, déconsidérée et effacée des mémoires.



0 Commentaires

Participer à la Discussion

  • Nous vous prions d'etre courtois.
  • N'envoyez pas de message ayant un ton agressif ou insultant.
  • N'envoyez pas de message inutile.
  • Pas de messages répétitifs, ou de hors sujéts.
  • Attaques personnelles. Vous pouvez critiquer une idée, mais pas d'attaques personnelles SVP. Ceci inclut tout message à contenu diffamatoire, vulgaire, violent, ne respectant pas la vie privée, sexuel ou en violation avec la loi. Ces messages seront supprimés.
  • Pas de publicité. Ce forum n'est pas un espace publicitaire gratuit.
  • Pas de majuscules. Tout message inscrit entièrement en majuscule sera supprimé.
Auteur: Commentaire : Poster mon commentaire

Repondre á un commentaire...

Auteur Commentaire : Poster ma reponse

ON EN PARLE

Banner 01

Seneweb Radio

  • RFM Radio
    Ecoutez le meilleur de la radio
  • SUD FM
    Ecoutez le meilleur de la radio
  • Zik-FM
    Ecoutez le meilleur de la radio

Newsletter Subscribe

Get the Latest Posts & Articles in Your Email