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Politique

Me Mbaye Jacques Diop : « Il ne faut pas se focaliser sur Karim, il y en a d’autres »

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Me Mbaye Jacques Diop : « Il ne faut pas se focaliser sur Karim, il y en a d’autres »

Il s’était emmuré dans un long silence depuis que le Conseil de la République, institution qu’il a dirigée, a été dissoute, suite à une brouille avec le président de la République. Mbaye Jacques Diop revient, dans cet entretien, sur les péripéties de ces moments et donne sa lecture sur le débat autour de la succession agitée de Me Wade.

La Sentinelle : L’actualité des derniers jours a été marquée par la visite de Serigne Bara Mbacké au Palais. Vous avez été au cœur de cette audience que le Président lui a accordée. Qu’est-ce qui vous lie au Khalife ?

Mbaye Jacques Diop : Je m’honore d’être un mouride. Mon grand père, Alioune Diop, a été un talibé et compagnon de Serigne Touba, il fait partie des rares Sénégalais qui avaient, à l’époque, accompagné le Saint homme en Mauritanie. Mon père, Madické Diop, a été, quant à lui, le disciple de Serigne Fallou et moi, le disciple et talibé de Serigne Saliou. Mon père était un Moukhadam de Serigne Fallou et, c’est lui qui m’a mis la main dans celle de ce vénéré guide. Chemin faisant, Serigne Bara qui est devenu khalife a conforté les relations qui existaient entre nos défunts parents et m’a admis dans son cercle restreint. Il a fait de moi un de ses plus proches collaborateurs. C’est pourquoi, quand il y a eu cette brouille entre le Président et moi, il a fait en sorte que les équivoques soient levées. Ainsi, entre le Chef de l’Etat et moi, les relations sont au beau fixe.

Cela veut dire que dans la société sénégalaise, les chefs religieux de tous bords jouent des rôles de stabilisateur, d’apaisement et de conciliation. Quand le Président a eu l’idée géniale d’inviter Serigne Bara, ce dernier m’a fait l’amitié de m’inviter à ses côtés. De même, m’a-t-il fait la grande amitié de me recommander auprès du Chef de l’Etat. Le Président lui a dit : « vous me présentez un ami. » Mais, Serigne Bara revient à la charge pour lui dire en ouolof : « Je vous le confie personnellement. » Donc, je ne peux que les en remercier tous les deux. Cela veut tout dire. Et c’est important qu’un Président de la République vous témoigne de son amitié.

C’est en rentrant à Touba que le marabout m’a fait l’amitié de passer à Rufisque pour prier pour moi, pour mes amis et pour ma famille mais, la foule l’en a empêché. C’était un moment de grande ferveur religieuse et cela suffisait, d’ailleurs, à notre bonheur. Il voulait descendre mais la foule ne l’a pas laissé faire.

Que peut-on attendre de la fin de votre brouille avec le Président Wade ? Quel genre de rapports entretenez-vous actuellement ?

Nous revenons à notre point de départ. Nous nous honorons, mes amis politiques et moi, d’avoir été parmi ceux qui, en 2000, avaient battu campagne, voté et fait voter pour le candidat Abdoulaye Wade. En 2002, nous avons été le premier parti politique (Ppc) présent à l’Assemblée nationale par ses seules et propres voix, à faire une fusion organique officielle avec le Pds. En 2004, le Président de la République m’a fait l’honneur me nomme Président du Conseil de la République pour les affaires économiques et sociales, ce qui me met au rang protocolaire de quatrième personnalité de l’Etat. Le Professeur Assane Seck qui a préfacé le livre de Sidy Diop intitulé « Mbaye Jacques… ! », a écrit : « Mbaye-Jacques Diop est le premier et le dernier Président du Conseil de la République. » Donc, dans l’histoire de mon pays, on retiendra que Me Wade a mis une institution appelée Conseil de la République dont Mbaye Jacques Diop a été le premier et le dernier Président. Un fait unique au Sénégal.

Longtemps, j’ai été un responsable local, localisé quelque part, à côté de la base, travaillant à la base, pour la base. Et comme dit l’autre : « Rufisquois je suis né, et rufisquois je resterai. » C’est le Président Wade qui m’a élevé à ce grade national de quatrième personnalité de l’Etat après que j’ai été pendant longtemps député durant 24 ans et maire pendant plus de 15 ans.

Me Wade vous a nommés quatrième personnalité de l’Etat, il y a une brouille entre vous…

(Il coupe). Vous savez qu’une incompréhension peut naître de rien du tout. L’essentiel est qu’entre responsables et entre hommes d’Etat, nous sachions surmonter la difficulté. Et c’est ce que nous avons fait. Il ne faut pas ignorer que nous faisons partie de ceux qui l’ont élu en 2000 et réélu en 2007.

N’aviez-vous pas été victimes de jalousie de la part de vos adversaires politiques au sein du Pds ?

En réalité, comme le dit souvent mon jeune camarade Yatma Fall (il était conseiller de la République), peut-être, avons-nous été victimes de nos succès. Mais, nous restons avec le Président Wade en toute confiance.

Après cette entente, qu’est-ce que Me Wade vous a promis comme compensation ?

(Il rit aux éclats). Il n’y ni compensation ni consolation. Simplement, que nous sommes ensemble pour l’accompagner jusqu’à ce qu’il finisse de faire ce pourquoi les Sénégalais l’ont élu et réélu. Je reste à ses côtés avec tous mes amis. Il faut toujours prendre en considération qu’au-delà de ma famille biologique, j’ai une famille politique large qui accompagne le Président Wade depuis le 2 mars 2000.

Vous avez tout ce qu’il vous faut pour vivre. Vous n’avez jamais été nommé à un poste de responsabilité national et Me Wade a réparé cette injustice. La suppression du Craes n’était-elle pas une occasion pour vous de prendre votre retraite politique ?

J’ai exercé longtemps une profession libérale qui m’a permis d’être à l’aise financièrement. A l’heure où je vous parle, je suis le président honoraire de l’ordre national des experts et évaluateurs agrées du Sénégal. Cela dit, quand on travaille pour son pays, il n’y a pas de repos ou de retraite. Il y a des gens plus âgés que moi qui essaient d’apporter à la jeunesse des raisons de vivre et d’espérer. Il faut servir son pays et pleinement. Tant qu’on a le souffle fort, on doit continuer à servir son pays. On ne s’accroche pas à un poste ou à une fonction mais, on sert son pays de la manière la plus large et la plus profonde possible. Je suis un homme de devoir. En plus, j’ai une famille politique. Cette famille politique qui existe plus densément à Rufisque a son mot à dire dans le devenir de ce pays.

Pour rester à Rufisque, ces derniers temps, nombreux sont vos concitoyens qui vous ont demandé de revenir dans la gestion municipale. Quelle suite donnez-vous à cette requête ?

Tous les appels doivent être entendus, surtout quand ils proviennent d’hommes et de femmes de bonne foi. C’est pourquoi, le moment venu, nous donnerons notre position. Pour l’instant, je voudrais bien me faire comprendre. Je répète que « rufisquois je suis né, et rufisquois je resterai ». J’ai enterré à les miens à Thiawlène. J’ai été dans cette ville maire pendant longtemps. J’ai fait équipe avec des hommes et des femmes de grande valeur. Encore une fois, j’ai dépassé la compétition politique mais, je n’ai pas dépassé le devoir politique.

La famille politique de Mbaye Jacques Diop, c’est entre autres leaders, Yatma Fall, Seydou Diouf, Balla Dièye, Birane Seck, Ngoné Ndoye. En un moment donné, le débat autour de votre héritage politique s’était posé et Seydou Diouf a été choisi pour porter le flambeau. Mais aujourd’hui, il n’y a pas cette entente autour de ce choix, comment avez-vous vécu ce problème ?

C’est la nature humaine qui est ainsi faite. Il va de soi que vous avez cité des noms qui font partie de cette famille politique. Ils sont nombreux, très nombreux. Ceux que vous avez cités sont les plus en vue. Aujourd’hui, Seydou Diouf est député, Yatma Fall est Conseiller de la République sortant, Ngoné Ndoye est sénateur-maire. Pour la famille politique, Seydou Diouf en est le coordonnateur, Yatma est le porte-parole. Cette question est réglée en interne.

Ngoné Ndoye a toujours sa place à mes côtés et dans mon cœur. C’est Maurice Guèye et Alioune Badara Mbengue qui m’ont mis le pied à l’étrier, de la même manière, c’est moi qui ai mis les pieds à l’étrier à Ngoné Ndoye. C’est ma fierté. Je souhaite et j’espère que tous mes amis, avec les rufisquois, se retrouvent autour d’un programme pour Rufisque.

On ne peut pas parler de Mbaye-Jacques Diop sans penser au Pds. Quel regard portez-vous sur le parti ?

Le Pds est un parti, arrivé au pouvoir ‘aujourd’hui grâce à la ténacité et à la persévérance de son secrétaire général national, Me Wade. Le Président Senghor nous a appris à respecter l’Etat plus que le parti, mais il nous disait aussi que c’est grâce au parti que l’on accède au pouvoir et qu’on gère l’Etat. L’Etat rassemble autour de la nation ! Ainsi, le Pds étant arrivé au pouvoir, doit davantage être plus ouvert et aussi savoir rassembler. Comme je disais en 1998, au Ps, il faut savoir conjuguer le verbe rassembler, non pas au passé mais au présent de l’indicatif. C’est faute de l’avoir compris que le Ps a perdu le pouvoir le 19 mars 2000.

Quelle est votre situation dans le Pds aujourd’hui ?

Nous sommes au Pds à la suite d’une fusion et nous sommes des acteurs de l’Alternance. Nous n’avons pas attendu que le Pds arrive au pouvoir pour venir à lui et nous n’avons pas attendu la défaite du Ps pour le quitter. Ce qui nous fonde à dire que nous sommes des acteurs majeurs de l’Alternance. Cette collaboration se fait sur la base de valeurs que nous partageons. Des valeurs de sincérité, d’amitié, mais aussi des valeurs républicaines structurant le parti et fondant la République.

Il y a une tension interne au sein de votre parti et tout est parti d’un problème de succession. Il est prêté au Président l’intention de se faire succéder par son fils. N’est-ce pas lui qui ne met pas tous ces fils au même pied d’égalité ?

L’âge que Dieu m’a donné, le parcours militant qu’Il m’a permis d’avoir dans mon pays et à l’extérieur, le compagnonnage que j’ai avec Me Wade, tous ces facteurs me fondent, peut-être, à tenter d’esquisser une réponse à votre question.

J’ai déjà dit ailleurs, que nous avons un pays, qui, au lendemain de l’éclatement de la fédération du Mali, le 20 aout 1960 a permis au Sénégal d’être un pays indépendant. C’est après cela que le Sénégal a été reconnu par l’Organisation des Nations Unies. Depuis lors, quel est le chemin parcouru par notre pays ? Nous sommes restés une République fondée sur des bases constitutionnelles et où on accède au pouvoir par l’élection : Senghor, Abdou Diouf et Abdoulaye Wade. Demain encore, quand Abdoulaye Wade aura fini son mandat- il finira son mandat et nous lui souhaitons beaucoup de santé-. Un jour viendra où dans le Pds, se posera la question de la succession. Ce qui est normal. Tous les partis au pouvoir à travers le monde, ont eu un tel débat. Le débat se fera donc avec le secrétaire général du parti. La dévolution du pouvoir dans les partis démocratiques, comme le Pds, se fait après discussions de tous les segments du parti, de la base au sommet. Ce qui crée l’engouement qui accompagne le choix de la personne. La Génération du Concret s’anime, c’est son droit. D’autres structures aussi font de même, il arrivera un moment où le Pds, épine dorsale de toutes ces structures, avec ses alliés et ses satellites, formera un seul bloc pour ouvrir la discussion sur la dévolution démocratique du pouvoir. A partir de ce moment, chacun sera libre de s’affirmer. Alors, Karim Wade ou d’autres pourront lever la main comme candidat. Mais, il ne faut pas se focaliser dur Karim, il y en a d’autres.

Peut-être vous ?

Non ! J’accompagne le Président Wade, et demain, je conforterai son choix qui sera celui du parti.

Croyez-vous au retour effectif de Idrissa Seck ?

C’est possible. Il ne faut pas être sectaire quand on gère un pays ou un parti. Il faut s’ouvrir à tout le monde. En France et aux Etats-Unis, il y a eu tellement de composition et recomposition de partis politiques, il y a eu tellement de composition et de recomposition de courants politiques que je suis à l’aise de dire que je suis un social démocrate dans le Pds. Aujourd’hui, dans le Pds, il y a d’anciens communistes, d’anciens trotskistes, des libéraux de tous poils, des socialistes anciens et vieux et c’est ce qui fait la fierté de Abdoulaye Wade. C’est son génie de rassembleur.

Quelle est selon vous la part de responsabilité du régime dans la crise économique et sociale que traverse le pays ?

Nous vivons une situation économique et sociale très dure. Et j’ai souvent l’habitude de dire à mes amis que Dieu a dit dans le Coran qu’ « il y a des gens que j’ai mis au large ». Mais, nous ne devons jamais oublier qu’à côté de nous, il y a la souffrance, la précarité. Cette crise est le lot de tous les pays. Qu’est-ce que le Sénégal a déjà fait ? Beaucoup d’efforts ont été faits dans ce sens. Le Sénégal se nourrit essentiellement de riz, ce qui représente une manne financière de 400 à 600 milliards de francs par an. C’est une catastrophe ! C’est pourquoi, le Président de la République a eu la géniale idée de la Grande offensive agricole pour la nourriture et l’abondance (Goana). Il faut que les Sénégalais arrivent à manger ce qu’ils produisent dans leur propre pays. C’est une tautologie économique.

Même si la crise est mondiale, il se pose un problème d’orientation budgétaire au Sénégal. D’aucuns pensent qu’il faut réduire le train de vie de l’Etat, surtout les institutions comme le Sénat. (D’un ton ferme). Moi, je suis pour un Etat fort, dans un Etat de droit, respecté au-dedans comme au dehors. Il faut des hommes et des femmes crédibles à la tête de l’Etat. La souveraineté n’a pas de prix. Couvrir un Etat de ce manteau de respectabilité n’a pas de prix. Le train de vie de l’Etat ne doit pas être exagéré mais il ne faut non plus avoir un Etat désarticulé. Nous ne pourrons jamais accepter que le Palais de la République ne soit pas en bon état. Car, il symbolise la nation rassemblée. Nous ne pouvons pas non plus accepter que nos ministres et ceux qui sont à la tête des institutions soient « misérabilisés ».



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