Meurtre d’une sénégalaise dans un bar à Genève : La cour requiert un traitement en milieu ouvert pour le meurtrier britannique

Le procureur avait soutenu la thèse de l’assassinat qui n’aurait laissé aucun choix au meurtrier qui allait être condamné à vingt ans ou à perpétuité. Son argumentaire était solide dans le cadre du procès d’hier vendredi relatif à la mort de la Sénégalaise Fatou Coulibaly, mais il n’a pas été suivi. Les membres du jury lui ont préféré le meurtre qui expose le Britannique Jeff Richardson à une peine comprise entre cinq et 20 ans.

GENÈVE - ‘La faute est lourde…, la motivation du meurtrier n’est pas expliquée. Hormis son état de santé, rien n’explique son comportement’, a dit le juge François Paychère dans son délibéré. Le magistrat genevois reconnaît que le Britannique Jeff Richardson, le meurtrier de notre compatriote Fatou Coulibaly, est pleinement responsable de son acte en donnant la mort. Cependant, la cour qui s’est réunie de mercredi à hier, vendredi 1er octobre 2010, a jugé qu’un traitement en milieu ouvert était mieux indiqué pour le meurtrier. Il y sera offert une thérapie à Jeff pour lui donner une meilleure chance de guérir et de se réinsérer. La Cour a prononcé une peine privative de huit ans dans un milieu ouvert où le meurtrier pourra se faire soigner. La Cour a confisqué son arme et a octroyé en réparation la somme de 35 mille Francs suisse à la maman de la victime. La Cour a également décidé le paiement des honoraires des deux avocats de la partie civile. Elle a aussi accordé 1 162 Fch à Mme Amy Triponez pour les frais de sépulture de sa fille enterrée au cimetière de Thonex à Genève.

Avec ce taux de réussite très élevé, le secrétaire général de l’Ois craint que les collèges, dont les effectifs sont déjà pléthoriques, ne puissent contenir tout ce monde. En effet, selon lui, les conditions ne sont pas réunies pour une éducation de qualité. Car les classes sont en surnombre, regrette-t-il. ‘Au Cem de Thiaroye, certaines classes ont des effectifs qui dépassent 107 élèves. Et dans celui de Pikine-Est des classes de troisième comptent jusqu’à 99 élèves. C’est dire que les conditions sont très loin d’être réunies. Même pour des surdoués’, fustige-t-il.

Mme Amy Triponez, la maman de la victime présente durant tout le procès en compagnie de son époux Thierry, était représentée par deux avocats suisses, Mes Laurent Moser et Guerric Canonica. Des membres de la Mission du Sénégal étaient présents au premier jour du procès. Il faut souligner que ni le président Wade ni le ministre des Affaires étrangères n’ont adressé un mot de condoléances à la famille éplorée qui avait officiellement saisi le chef de l’Etat pour solliciter son aide. A Dakar, cependant, les habitants du quartier de Mme Triponez ont organisé des prières et lectures de Coran pour le repos de l’âme de la défunte.

La Cour rejette la thèse de l’assassinat

Le procureur avait soutenu la thèse de l’assassinat qui n’aurait laissé aucun choix au meurtrier qui allait être condamné à vingt ans ou à perpétuité. Son argumentaire était solide, mais il n’a pas été suivi. Les membres du jury lui ont préféré le meurtre qui l’expose à une peine comprise entre cinq et 20 ans. La Cour n’a pas pourtant retenu des circonstances atténuantes pour Jeff Richardson, car il n’y a pas eu de sa part ’ni repentir sincère’, ‘ni détresse profonde’. ‘Je suis mal, je tue’ n’est pas recevable, mais la responsabilité limitée est retenue, car le Britannique, selon l’expertise psychiatrique, est un ‘alcoolique chronique’ qui présente ‘des troubles de personnalité’. Décrit comme ‘un dépressif’, Jeff Richardon est, selon les médecins, ‘atteint d’un trouble mental’. Le plancher de la peine tombe alors, allant d’un jour à 20 ans. Le jury a droit de changer la nature de la peine. En Suisse, trois peines sont prévues, la peine privative de liberté, la peine pécuniaire et le travail d’intérêt général. Le juge est ainsi libre d’appliquer la peine qu’il veut infliger aux termes de l’article 47 et de l’article 50 du Code pénal suisse.

Jeffrey Richardson, 58 ans, alcoolique, presque sans famille à Genève, n’avait rien à perdre… Fatou Coulibaly, elle, à 34 ans, ‘avait le temps de vivre, d’aimer, de faire des enfants’, a regretté le procureur. ‘En retenant le meurtre en lieu et place de l’assassinat, le jury a posé un regard humain sur le meurtrier’, a-t-il ajouté. ‘On le regarde avec compassion, mais il a commis l’irréparable’, martèle le procureur. En réalité, la peine est une mesure d’hygiène sociale pour dire qu’on ne doit pas faire n’importe quoi en société. C’est pourquoi, le législateur a prévu d’appliquer des sanctions appropriées. La gravité des faits est mesurée par rapport à la volonté, au mode d’exécution, aux mobiles, à la relation personnelle entre l’auteur et sa victime. Bien que la faute de Jeffrey Richardson soit lourde et sans réparation possible, la Cour a décidé de lui donner une seconde chance.

Le procès des occasions manquées

On ne peut s’empêcher de rappeler que la police genevoise avait relâché le meurtrier peu de temps après qu’il avait été dénoncé par la tenancière du bar dans lequel travaillait Fatou Coulibaly. Comment aussi oublier cette phrase de Jeffrey Richardson : ‘Je ne sais pas pourquoi j’ai tué Fatou’. Oui, Jeff et Fatou, qui n’étaient pas dans une relation amoureuse, étaient de bons amis. Mais la Cour n’a pas retenu de circonstances atténuantes, car si Jeff n’avait pas appuyé sur la détente, Fatou ne serait pas morte. Le meurtrier se dit affecté par ailleurs par la mort de Fatou. Jeffrey a raconté son enfance malheureuse, les humiliations qu’il a subies en étant jeune. Il est décrit comme un homme qui souffre et qui est au chômage. Le Britannique n’a pas eu d’antécédent. C’est ce qui fait que le procureur, en divisant la poire en deux, requerra neuf ans d’emprisonnement, après avoir perdu la bataille sur la qualification de l’acte criminel comme un assassinat. Le jury composé de douze personnes (neuf femmes et trois hommes) n’a pas suivi sa plaidoirie. En effet, les médecins ont sauvé le meurtrier en préconisant qu’il soit soigné afin de le réinsérer dans la société. Milieu fermé ou médical ? Telle était la question de fond, hier soir, au Palais de Justice de Genève. La position du ministère public a été contestée par l’avocat du meurtrier qui a plutôt défendu, et très longuement, que son client devait être pris en charge par un directeur psychiatrique en lieu et place d’un directeur pénitencier.

La fuite : l’angoisse qui fait plus de peine

Le citoyen britannique peut aujourd’hui échapper à la justice suisse et c’est ce que craint le procureur qui l’a dit publiquement : ‘Il y a bel et bien un risque de récidive et de fuite’. En réalité, le meurtrier n’a plus aucun intérêt à rester en Suisse. A près de 60 ans, il n’a ni travail ni famille proche en Helvétie. Et s’il arrivait à fuir en Grande Bretagne, il ne serait pas du tout extradé, car le pays de Sa Majesté Elisabeth II n’extrade pas ses ressortissants. L’avocat de l’accusé dégage en touche cette éventualité, sans donner de réelles garanties sur la surveillance du meurtrier assujetti en prison ouverte et qui serait bien surveillé par ‘les médecins sérieux’. ’Mon client est coupable, donc il est puni pour meurtre, mais il doit être soigné pour guérir’, a-t-il argumenté. Pour lui, il existe pour cela ‘des possibilités de succès en milieu ouvert. Vous savez ce qui se passe à Champ Dollon ?’, a-t-il insidieusement menacé, dans une question emphatique, le jury. En effet, cette prison est pleine. Construite pour près de trois cents personnes, elle accueille aujourd’hui le double. Des cas d’évasion et de suicide y ont été signalés. ‘Mon client n’est pas demandeur de liberté, il est demandeur d’accès aux soins’, tempère l’avocat pour mieux amadouer le jury où ne figurait aucun Noir.

La peine est atténuée selon le degré de la faute. Quand la responsabilité est diminuée, la peine est limitée. Jeffrey Richardson, le meurtrier de notre compatriote Fatou Coulibaly, pouvait échanger de temps en temps avec son avocat. L’accusé s’adossant sur la plaidoirie de son avocat, après avoir détaillé la chronologie de sa maladie, dira ces derniers mots à la Cour : ‘Je ne demande pas la liberté mais l’accès à des soins’. Fatou, elle, est muette, sous le sable de Thonex ! Sa mère Amy, faisant figure d’une grande dignité à l’image des femmes du Walo et de Ndeer, écoutait dans la douleur, contenant son cœur qui battait fort. Parfois, des larmes s’échappaient.

L’après-midi du 15 septembre 2009, Fatou Coulibaly se trouvait par terre, son corps couvert de sang, son cœur de battante refusait de s’arrêter. Ce cœur là même qui irrigue la vie d’une autre personne. Il y a une année, la jeunesse africaine mourait à Genève, notre compatriote recevait en pleine tête une balle tirée d’un revolver de calibre 357 Magnum.

Hier, vendredi soir, à la fin du procès vers 18 h, comme un autre vendredi où Fatou rejoignait sa dernière demeure, sa maman Amy Triponez nous tenait encore dans ses bras en nous confiant avec force : ‘Je m’en remets à Dieu et je prie pour Fatou. La loi, c’est la loi et il faut la respecter’.