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Vendredi 01 Juin, 2018 +33
Politique

[ ÉDITORIAL ] Par Mamadou SEYE : Dérives démocraticides

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[ ÉDITORIAL ] Par Mamadou SEYE : Dérives démocraticides

Le jeu de la démocratie est un exercice de haute portée républicaine. Il est un ensemble de codes et de comportements qui célèbre la différence et écarte les particularismes, ceux-ci étant des sources de conflits sans intérêt pour le grand nombre. Le débat contradictoire nourrit la diversité d’opinions. Il n’est pas une confrontation systématique avec l’autre. Il est, quand l’objectivité y adhère, une somme de convergences sur l’essentiel. Cet essentiel, aujourd’hui plus que jamais, est le Sénégal. L’homme qui incarne la souveraineté populaire, par la grâce de deux verdicts des urnes sans appel en 2000 et en 2007 sans compter deux législatures (2001 et 2007) dominées haut la main par son camp en plus des locales de 2002, se livre encore, depuis deux semaines, à cette épreuve exaltante d’écoute de son peuple. En marathonien rétif à l’idée de rester dans la bulle climatisée et lustrée des lambris du pouvoir, il se soumet, de tout temps, aux rigueurs du terrain. Il est l’oreille et les yeux de sa mission de chef de l’Etat. Il se garde de se chercher un porte-voix lorsque survient l’heure de rencontrer les douleurs et les espérances de ses compatriotes. C’est là un pacte de confiance qui n’est pas né de ce contexte électoral.

La moisson de voix n’explique pas, à elle seule, ce dialogue direct. Entre le président et ses concitoyens, le temps des semailles est vieux comme un mariage de raison pour lequel les deux parti(e)s ne se posent pas la question de l’intérêt. Bien sûr, l’homme d’Etat est un acteur politique averti à qui les électeurs n’hésitent pas à confier leurs joies et leurs angoisses lorsque sonne la cloche des heures graves. Parfois, l’alliance est scellée jusque dans la douleur des tons légèrement ou totalement au-dessus des limites conventionnelles entre une institution et des citoyens. Là, se situe la frontière de lucidité dans le mode d’interpellation.

La manifestation de colère est une donnée en démocratie. Elle vivifie même le contrat de gouvernance. Seulement, il faut se garder de prendre pour armes légales des dérives démocraticides. Nous nommons là cette maladie infantile de la démocratie qui incline ceux qui en portent les germes à penser qu’ils peuvent tout se permettre sous le prétexte de la si élastique « liberté d’expression ».

Ces derniers temps, quelques mots peuplent le registre lexical des « A C » ou « Agités de Campagne » : « huées », « invectives », « jets de pierres » et « brassards rouges ». Il n’y a que ces deux derniers mots (« brassards rouges ») qui répondent à l’esprit de la contestation acceptée par la démocratie. Les morceaux d’étoffe sont un symbole par lequel le chef de l’Etat a appelé les citoyens à manifester leur colère et exprimer leurs doléances. Me Wade, lui-même, en prend souvent pour les brandir avant de donner la parole aux délégués des Sénégalais ayant des inquiétudes à formuler dans leur mandat d’alerte des pouvoirs publics.

Quant aux « huées », « invectives » et « jets de pierres », ils nous renvoient à l’âge primitif de la démocratie dans les pays les plus allergiques à la tolérance. Oui, c’est bien d’intolérance qu’il s’agit ! L’espace public est ouvert à toutes les coteries politiques et à tous les élans citoyens. Les opinions les plus fantaisistes y ont droit de cité au risque d’un constat civilisé de désaccord. Toutefois, ce pari de l’ouverture éprouve la capacité de dépassement et le sens de la mesure des admirateurs du chaos à tout prix. A maints égards, l’accessoire et le futile sont élevés au rang d’essentiel. Même dans la manière d’appréhender un sujet aussi polémique que l’accueil réservé à un homme d’Etat de la trempe de Me Wade ! Dans l’histoire du Sénégal, aucun chef d’Etat n’a montré une si grande passion pour le dialogue direct avec les foules. Aucun homme politique n’a non plus fait preuve d’un aussi beau courage physique.

Le contexte de crise économique et financier international n’a pas raison de sa nature. Seule une intelligence des ferveurs républicaines donne à lire ce message d’engagement, d’humilité et de loyauté d’un guide vis-à-vis de son peuple. Autre supercherie de ces dérives, la mémoire sélective oublie de dire la part prise par la manipulation de foules aux fins de sabotage d’une rencontre. La relation passe à côté du pacte de gouvernance sans cesse renouvelé, y compris dans les discussions contradictoires avec l’homme d’Etat, pour porter en écho les faits divers politiques. C’est un effet de mode dégradant en démocratie que d’amplifier les « mérites » des saboteurs en passant sous silence les voies de fait sur des acteurs paisibles de la démocratie.

La privation de parole et les agressions aussi bien physiques que verbales ne sont pas deux cailloux jetés à Me Wade ; c’est bien une roche posée sur la diversité et la liberté d’expression au détriment d’un adversaire politique en plus d’être un attentat contre l’institution qu’est le chef d’Etat dans ses visites économiques, en marge de la campagne.

Sa fonction présidentielle, convenons-en, n’est pas mise entre parenthèses. Question : qui a peur de qui ?

L’intolérance dont fait montre une partie de la classe politique touche aussi la campagne de Karim Wade, investi sur la liste de la Coalition Sopi 2009 à Dakar. Le manque de fair-play est poussé au point de juger sa campagne sur la base des canaux éculés du bavardage politicien et des mots volant bas.

La démarche de rupture est volontairement chahutée par les tenants des anachronismes conceptuels en politique. Son « silence » est amplifié comme une limite de son action. Il s’agit d’une ignorance des codes de communication politique et sociale dans leur ensemble.

Communiquer ne signifie pas toujours prendre possession de la rue et, comme un troubadour endimanché et enfiévré, crier à tue-tête, balancer des communiqués de salon, se contorsionner voire insulter l’intelligence de ses vis-à-vis dans le premier micro qui arrive.

Communiquer, c’est rester à l’écoute de ses (futurs) mandants pour être digne de leurs espoirs. Au milieu des périls rampants et de la nuit qui menace de s’étirer si les gens sincères sont mis à la porte par les vaines clameurs des conspirateurs aux paramètres d’appréciations relevant de l’irrationnel, il faut apporter l’aube d’un jour nouveau. Un jour d’action et de faits ?

Concrètement ! C’est par ce biais que l’élu devient commissaire de sa circonscription. La célébration de la différence est une vertu en République. La République accepte que Karim Wade soit légalement combattu ou adulé. Les faits prouvent que ses adversaires y vont à fond jusque dans les excès d’un acharnement qui mobilise tout l’arsenal loyal ou non.

Reconnaissons-lui, au moins, le mérite d’avoir campé, en trois mots, un style de communication et d’action : « écouter, analyser, agir ». Un triptyque annonciateur d’un nouveau mode de gouvernance avec des circonscriptions qui ont accès à leurs élus dans un forum continu et ouvert. Il sait que la transparence a un prix. Le temps de l’action aussi. Ce temps est celui d’une proximité courageuse sur un terrain qu’il sait miné par une compréhension aussi bancale que crypto-personnelle de l’adversité politique : Sandaga, Maristes, Parcelles assainies, etc.

L’aveu d’une femme, requise pour porter un foulard rouge à Karim Wade pour 10.000 francs Cfa est édifiant sur le cynisme de politiciens en mal d’inspiration. La marche continue.

Les dix-neuf communes d’arrondissement sont quadrillées dans un maillage qui aménage des points de rencontre physique et de célébration d’une convergence conceptuelle avec des leaders de la Coalition Sopi 2009. Quartiers, leaders d’opinions et places publiques reçoivent le leader politique... qui refuse de faire de la politique comme un disque pré-conçu mais diablement rayé et en déphasage avec la nécessaire émergence d’un leadership moins volubile et plus efficace.

L’action est parole, n’est-ce pas ? La suite se fera à Ziguinchor où il apportera un appui précieux à Abdoulaye Baldé ; Matam, Bignona entre autre. Pour la Génération du Concret, aucune crainte particulière n’entoure ce scrutin. Le staff se bat plutôt pour relever le taux de participation et sécuriser le vote. Un pari sain en démocratie pour un candidat dont la dérobade au scrutin était prédite par les météorologues politiques. Contempteurs suffisants dans leur science du mode de dévolution du pouvoir, ils le voyaient plutôt dans le confort d’une ascension par la courte échelle.

Le fait de se soumettre au suffrage est déjà un défi relevé pour Karim Wade. Il s’en savait capable mais ce sont les autres qui ne voulaient rien comprendre à son respect des règles républicaines. La suite sera dans sa capacité à transformer en vécu les rêves de ses électeurs. Pour cela, il l’a compris, il faut qu’il soit élu.



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