LOI SUR LA PARITE - LE SENEGAL SUR LES PAS DE LA FRANCE : FATOU A L’ECOLE DE MARIANNE
L’Assemblée se penche aujourd’hui sur le projet de loi fixant la parité entre hommes et femmes sur les listes proportionnelles aux législatives de juin prochain. Une première imitée d’une loi française dans ses aspects contraignants, mais enrobée chez nous, dans une stratégie de manipulation politicienne qui ne semble se soucier d’aucune vision globale de la question genre.
A partir de ce 27 mars 2007, le Sénégal se sera sans doute doté d’une loi sur la parité comme on n’en attendait pas, vu le contexte politique et au regard des enjeux en perspective. L’Assemblée nationale est, en effet, saisie d’un projet de loi devant imposer aux partis politiques sénégalais désireux de prendre part aux scrutins législatifs du 3 juin prochain, de compter autant d’hommes que de femmes sur leurs listes proportionnelles. Comme dans un chronogramme établi de longue date, des groupes féministes, avec à leur tête quelques femmes hyper médiatisées, sont allés au Palais de la République exiger du Chef de l’Etat que la parité soit votée ici et maintenant. Et comme dans un réflexe longtemps mûri sur les «dividendes» qu’il pourrait tirer de cette initiative, le président Abdoulaye Wade a dit oui séance tenante car il faudrait «rendre justice» à cette majorité silencieuse, éternellement broyée dans le rouleau compresseur de cet univers macho qu’est la politique. Il est vrai que Wade a un gros souci devant lui, la quête d’une majorité parlementaire confortable, qu’il n’est pas forcément assuré d’obtenir en dépit des apparences. Mais le constat est flagrant : en quatre mois, le président de la République est passé d’une conviction moyenne à un grand enthousiasme qui déborde les frontières de la responsabilité. Devant les députés, l’hardiesse des femmes à obtenir l’égale représentation des deux sexes avait été poliment contenue par le vote d’une résolution de soutien de l’Assemblée nationale à leur cause. C’était en décembre 2006. La cause était portée, notamment, par Aminata Mbengue Ndiaye et Haoua Dia Thiam, soutenues par beaucoup de députés, mais avec les réserves de plusieurs autres.
Aujourd’hui, on en est à un projet de loi pur et dur que des impératifs politiciens de survie veulent rendre loi. Une précipitation qui «copie» finalement une bonne partie de la loi française du 6 juin 2000 qui institue «l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et aux fonctions électives». Cette loi dispose que les formations politiques dont les listes de candidatures aux élections législatives ne respectent pas le quota égalitaire de 50% d’hommes et de femmes «à 2% près» sont sanctionnées financièrement. Pour cette même «faute», les listes de candidatures, cette fois dans des élections au scrutin de liste, sont rejetées par le législateur. Le caractère contraignant de la partie de la loi qui concerne les scrutins législatifs a poussé l’Union pour une majorité populaire (Ump, parti majoritaire) à envisager le paiement d’une amende qui la libérerait du carcan de la parité. Au Sénégal, la loi, ou plutôt le président de la République n’ira sans doute jamais au bout de la logique que le législateur français a empruntée. En France, les dispositions de juin 2000 ont été suivies d’une autre loi, en 2001, qui consacre «l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes». Rien de tel au Sénégal pour accompagner une volonté soudaine de régler en un coup de baguette magique une question aussi fondamentale pour un certain équilibre politique et social dans notre pays. L’heure est plutôt à la manipulation politicienne d’un enjeu qui, aujourd’hui, ferait bien les affaires du président Wade.
Ce qui serait autrement plus grave si le vote de cette loi paritaire a lieu, c’est que, contre toute attente, le président de la République et sa majorité auront essentiellement violé le principe constitutionnel de l’égalité entre les sexes. La politique étant une compétition par essence, ils auront écrasé un autre principe de taille, l’équité, qui seule met les individus sur un pied…d’égalité. Les leaders féministes qui ont mené cette bataille rétrograde ont beau jeu de fermer les yeux sur une manipulation trop évidente pour passer inaperçue. Elles pourraient en être les bénéficiaires principales directes au lendemain des législatives du 3 juin prochain. Le drame, c’est qu’elles auront favorisé la récupération politicienne d’une idée généreuse appelée à être fortifiée sur le long terme.
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