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Politique

PARLEMENT - Le régime à la recherche d’un second souffle : La dissolution pour une légitimité renouvelée

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PARLEMENT - Le régime à la recherche d’un second souffle : La dissolution pour une légitimité renouvelée

Le Sénégal, bloqué sur son flanc politique, secoué par la crise sociale et par de fortes turbulences économiques, dirigé par un homme contesté et contestable, peut-il faire l’économie d’une redistribution des cartes électorales au peuple souverain ? Dans l’intérêt du pays, de sa stabilité, de son avenir, l’organisation d’élections législatives anticipées aux termes de la deuxième année de législature semble de plus en plus incontournable. Aujourd’hui, les politiques publiques ont besoin d’une légitimité fondamentalement renouvelée pour pouvoir s’imposer aux citoyens. Mais le projet présidentiel sur cette question a des visées plus politiciennes que démocratiques.

Est-il possible de maintenir le cap actuel de la vie politique jusqu’en 2012, terme légal des mandats en cours du Président de la République et de l’Assemblée nationale ? L’extrême tension sociale ambiante due au renchérissement du coût de la vie, l’état lamentable dans lequel baigne le monde paysan, une année scolaire en lambeaux même si elle va à son terme, les pressions syndicales de toutes origines qui s’exercent sur le gouvernement, représentent incontestablement des facteurs de crise généralisée touchant à la quasi-totalité du système. Cette situation est aggravée, en parallèle, par la déliquescence des rapports politiques à l’intérieur du régime, imputable à des luttes de positionnement permanentes, l’épée de Damoclès agaçante que le Front Siggil Senegaal maintient sur la tête du Chef de l’Etat, l’ajustement budgétaire recommandé par le Fonds Monétaire international (Fmi). Faut-il continuer à rester sur les statistiques électorales de 2007 prises comme soubassement de la légitimité du président Abdoulaye Wade et de son régime ? En réalité, les éléments de crise cités plus haut suffisent amplement pour indiquer qu’en l’espace d’une année, Me Wade a perdu une grosse partie de la légitimité acquise avec les résultats officiels de l’élection présidentielle du 25 février 2007.

Jamais, en huit ans de gouvernance, son pouvoir n’a été aussi contesté et contestable du fait de politiques publiques qu’il est le seul à comprendre. L’exaspération sociale actuelle qui pousse les jeunesses politiques organisées ou les militants des mouvements consuméristes à défier l’Etat et ses structures de répression de plus en plus ouvertement, est un signe patent de la représentativité problématique dont jouit le chef de l’Etat.

Incidemment, ce déficit de légitimité se ressent nettement aujourd’hui, sur le terrain politique et social. Me Wade est en effet dans une telle mauvaise passe qu’il a de la peine à se faire défendre des attaques d’adversaires ayant facilement pris le contrôle de la «rue publique». Aujourd’hui, et contre toute attente, ce sont les oppositions parlementaire et boycotteuse des législatives de juin 2007 qui ne trouvent pas d’adversaires dans le camp présidentiel. Les députés libéraux, logiquement en déphasage total avec l’expression publique des attentes sociales et populaires, se tournent les pouces entre activisme dans les réseaux parlementaires, absences rédhibitoires de l’Hémicycle et promotion du «modèle» sénégalais à travers le Parlement de la Cedeao. C’est pour le moins inquiétant pour un régime qui se prévaut du soutien de 56% des Sénégalais, d’une écrasante majorité dans une Assemblée nationale élue par environ 30% des Sénégalais, d’un Sénat 100% bleu mais mortellement illégitime.

DES INSTITUTIONS MALADES

Face à un pareil contexte où l’étincelle peut venir de partout et de nulle part et mettre le feu, le président de la République ne dispose pas d’une marge de manœuvre illimitée. Certains de ses ministres «sociaux» sont carrément dépassés par les événements et se réfugient sinon dans le silence de l’impuissance, du moins dans un déferlement médiatique qui cache à peine des velléités d’agir déstructurées par une absence de perspectives politiques claires et soutenables. L’un d’entre eux, Abdourahim Agne, a été éjecté du Commerce après qu’il a avoué ne pas détenir de solution miracle pour juguler l’inflation. Il a peut-être été victime de son courage ! Le cul-de-sac dans lequel trône le président de la République peut bien se nourrir de l’usure des complaintes, du pacifisme généralisé des Sénégalais, de la certitude d’avoir déjà pris le bon cap… Ce qui s’impose, c’est que l’urgence d’une légitimité renouvelée s’impose à tous les acteurs politiques.

A Me Wade d’abord, principal carrefour des contestations politiques et sociales, tête de turc du Front Siggil Senegaal (Fss) et supposé premier responsable de «la crise multidimensionnelle» que traverse le Sénégal, qui plus est dépossédé par certains de ses opposants de son statut de «Président de la République» pour un très anonyme «Ablaye Wade». Au Fss ensuite, engagé avec les Assises nationales dans une dynamique de «restauration des valeurs de la République», convaincu aujourd’hui de l’illégitimité fondamentale du Président de tous les Sénégalais. Aux partis politiques d’opposition franche siégeant à l’Assemblée nationale et pris dans le piège de l’«illégitimité» qui caractériserait une Assemblée nationale élue par moins de 30% de l’électorat, suite au boycott massif des législatives de juin 2007. Député et patron du Mrds, imam Mbaye Niang défend cette idée là car, dit-il, la dissolution de l’Assemblée nationale est le plus grand service que le président de la République puisse rendre au peuple sénégalais.

Des élections anticipées sérieusement organisées au terme de la deuxième année de la législature en cours apparaissent donc comme un moyen de départager la classe politique à propos des orientations globales à dégager pour les prochaines années. C’est dans cet esprit, et sans doute dans un autre, que les «stratèges» de la mouvance présidentielle apparentés à la «Génération du concret» ont proposé et obtenu du président de la République, le report des élections locales initialement prévues au mois de mai prochain, afin de les coupler à des législatives anticipées en 2009. Ce qui donne un aperçu de la valeur à accorder à la version officielle, malheureusement défendue par le député Aminata Tall. Qui ne s’est jamais demandée pourquoi sa propre formation politique, si prompte à classer le Sénégal dans le cercle des démocraties majeures, n’a jamais estimé possible d’organiser des élections partielles pour les nouvelles collectivités locales sans reporter le scrutin du 18 mai …

Selon nos informations, le président Abdoulaye Wade a souscrit aux pressions «familiales» de la Gc pour quatre raisons d’ordre politique : liquider de manière démocratique Macky Sall et vider l’Assemblée nationale des fidèles qui osent encore se réclamer de lui ; favoriser le retour de l’opposition classique dans le jeu parlementaire car le boycott des législatives de juin 2007 a assez fortement dégradé son image à l’international ; reverser dans les collectivités locales les potentiels responsables libéraux sortis frustrés des législatives ; faire des économies d’échelle en couplant financièrement les scrutins locaux et législatifs. Ce à quoi une partie de l’opinion ne dirait pas non, eu égard aux critiques sur les tendances dépensières du régime et sa volonté de ne pas toucher au train de vie de l’Etat en période de difficultés économiques et sociales.

UNE NOUVELLE LEGITIMITE S’IMPOSE

Ce scénario paraît convenir aux intérêts stratégiques du camp présidentiel, mais pas dans l’immédiat. Il serait suicidaire pour le président de la République de dissoudre l’Assemblée nationale par les temps qui courent. C’est inimaginable pour un habitué des combinaisons politiciennes comme lui. Simplement, la situation ne s’y prête pas. La dissolution est une arme politique n’ayant de sens que dans des circonstances considérées comme favorables. Or, le contexte sénégalais est déjà ce qu’il est. Lourd et morose, socialement tendu, politiquement sur une pente dangereuse. Et si Me Wade n’a pas de conseillers aussi «nuls» que Alain Juppé, recommandant en 1997 à Jacques Chirac des législatives anticipées pour pousser à la retraite Lionel Jospin et le Parti socialiste, il ne tombera pas dans l’erreur. En fait, le président Wade n’a pas l’embarras du choix, ses grands écarts dans la gouvernance lui imposent une nouvelle légitimité car il est contesté et contestable, un nouveau souffle car il ne fait plus rêver, un nouveau départ car il a perdu l’élan permis naguère par les starting-blocks. Le repli sur sa famille élargie et sur les serviteurs apparentés du régime, amorcé avec le réaménagement gouvernemental du 31 mars, ne constitue pas un substitut pertinent à la défiance à laquelle il fait face.

Le Sénégal est aujourd’hui coupé en deux, gouverner y requiert un minimum de sérénité et de consensus sur les grandes questions nationales. L’accueil mitigé réservé à la «Grande offensive agricole pour la nourriture et l’abondance» (Goana) prouve que cet impératif d’entente nationale sur un projet aussi ambitieux que l’autosuffisance alimentaire, est incontournable. Le volontarisme ne fait pas la politique.

Si élections anticipées il doit y avoir en 2009, les contentieux seront encore au cœur de grosses controverses entre le président de la République et le Front Siggil Senegaal. Cette opposition-là prendra forcément part aux scrutins, elle devra s’accommoder du même fichier électoral qui a valu à Me Wade un second mandat.

Cependant, le programme de gouvernement pour le «Redressement national» qui sortira des Assises nationales sera, à son profit d’abord, un puissant outil de campagne et de propagande. Et c’est là tout le risque qu’encourt le président de la République en cas de dissolution : une majorité précaire à l’Assemblée nationale ou, de manière plus dramatique, une défaite qui lui ouvrirait les portes de la cohabitation avec Tanor Dieng, Moustapha Niasse, Abdoulaye Bathily, Amath Dansokho... Et comme il a dit urbi et orbi qu’il ne vivra jamais cette expérience politique… Dans tous les cas, la dissolution aura été, pour tous, une idée fatale.



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