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Politique

PRESIDENTIELLE DE 2012, SUCCESSION DE WADE, KARIM, URD, BENNO… : DJIBO KA ETALE SES PLANS SECRETS

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PRESIDENTIELLE DE 2012, SUCCESSION DE WADE, KARIM, URD, BENNO… : DJIBO KA ETALE SES PLANS SECRETS
Il fait parti des rares alliés du Président Abdoulaye Wade à résister à l’épreuve du temps. Djibo Kâ, leader de l’Union pour le renouveau démocratique (Urd), qui capitalise plus de 6 ans de cohabitation avec Wade, revient, dans ce grand « entretien du lundi », sur les perspectives politiques qui se dessinent dans le court et moyen terme au Sénégal. Quand il parle de son parti, de son allié, Me  Wade et de l’Alliance Sopi pour toujours, de Benno, Idrissa Seck, Macky Sall…, c’est pour faire dans la nuance. Non sans miser, sur une victoire de Wade, à la prochaine présidentielle prévue en 2012. Djibo étudie les profils politiques en scène et s’essaie à la prospective. Comme il aime si bien le faire… Entretien.  

Monsieur Djibo Kâ, que vaut aujourd’hui votre parti, l’Union pour le renouveau démocratique (Urd) ?
Il se porte bien. Je le dis parce que c’est la réalité du terrain qui le démontre. Chaque fois que je vais à l’intérieur du pays pour voir les bases, je sens des changements profonds qui rappellent les débuts de l’Urd, alors qu’on était un courant de pensée au sein du Ps. À l’époque, il y avait un engouement populaire extraordinaire et je constate que c’est la même situation que nous sommes en train de vivre, il y a deux ans au moins, surtout au niveau des jeunes et des femmes. Samedi dernier, j’étais à Sagatta Djoloff pour assister à une réunion des jeunes de ce département de Linguère - c’est ma base et chaque homme politique qui veut être légitime doit s’incruster dans une base pour prétendre à quelque chose de plus -, une communauté rurale que nous n’avons pas gagnée depuis 1998, mais aujourd’hui, si on organisait des élections, on les aurait remportées devant n’importe qui. Avant cela, j’ai fait des tournées à Saint-Louis, à Podor et à Kaolack, il y a quelques mois, pour y présider une réunion des femmes. Le 30 janvier, les jeunes m’ont invité à assister à un rassemblement qu’ils avaient intitulé «Journée jaune, nous y croyons», au Cices. J’ai vu ce que je n’ai jamais vu, je n’ai jamais vu autant de jeunes enthousiastes, engagés massivement, venus du Sénégal des profondeurs sans qu’on aille les chercher. Je dis souvent aux camarades de discuter avec les bases, de maintenir le contact et de jouer cartes sur table, il faut écouter les gens et les entendre et prendre en charge les aspirations qu’ils expriment. Il y a une montée en puissance de notre parti. Cela également est important, notre devoir d’être plus présent auprès des bases et les aider à mieux s’organiser.

Vous parlez de montée en puissance alors que d’aucuns sont convaincus que l’Urd est au creux de la vague. Qu’est-ce qui l’explique ?
J’ai écrit un ouvrage en 2005 dans lequel j’ai raconté beaucoup de choses. Ce chapitre que vous évoquez, je l’avais intitulé «La tête hors de l’eau». Je ne cache pas la vérité, je dois avouer que ça était très difficile, surtout entre les deux tours. C’est un boulet que nous avons traîné pendant très longtemps. J’avais conscience que l’acte que je venais de poser pouvait être assimilé à un acte de folie philosophique. Vous savez qu’au Sénégal, nous sommes tous pareils, on croit avoir raison tout le temps, mais on a raison rarement et contre tout le monde. J’étais conscient que c’est cet acte que je devais poser et je l’ai fait. Cela me rappelle ce qu’un philosophe grec avait dit à propos du soleil qui tourne autour de lui-même. Il dit non, c’est la terre qui tourne autour d’elle-même, on l’a traité comme un fou, on l’a condamné à mort et pourtant, la terre tourne sur elle-même 24 h/24. Un esprit ordinaire ne peut comprendre cela. Je savais que ce que je faisais était grave, gravissime même. On est allé au fond du trou, mais sous sommes parvenus à sortir la tête de l’eau. C’est lié à la politique, c’est la politique qui est comme ça. Elle est comme ça parce qu’elle n’est pas une science exacte. C’est une science humaine et sociale, mais elle a besoin de méthode, de réflexion, de courage et de beaucoup de sang-froid.

L’Urd se porte bien, comme vous le dites, mais ne va jamais seule aux élections. Pourquoi cette tendance à toujours être à la remorque des libéraux ?
Si être dans une coalition, c’est être remorqué, donc tout le monde est remorqué. Personne ne peut plus aller seul aux élections. Personne ne le souhaiterait. J’ai essayé seul en 1998, c’était une gageure d’ailleurs. Je savais le risque que je courais, mais je savais que j’aurais de bons résultats parce qu’à l’époque, c’était la flamme. Actuellement, au Sénégal comme dans le monde entier, ce n’est pas une mode, c’est une réalité objective. C’est la coalition qui gouverne les pays, ce sont les alliances qui structurent la vie politique. Aucun parti ne peut plus s’isoler, s’il le fait c’est parce qu’il n’a plus le choix. J’ai choisi de m’allier avec quelqu’un qui, par hasard, est porté par les Sénégalais à la tête du pays. Jusqu’au moment où je vous parle, c’est ça mon engagement, mais je ne suis pas un fou. Mon option a été très claire en créant un parti. J’ai dit aux jeunes : «Ecoutez-moi bien, j’ai compris votre message et je connais votre vœu, mais pour cela c’est un combat dur qu’il faut mener. Si on est prêts à le mener, engageons-le ensemble». Je ne suis pas un homme pressé, je suis organisé, méthodique, je n’ai jamais improvisé une action quelconque. J’ai l’ambition d’être un homme réfléchi qui tient compte des réalités objectives de mon pays et du monde contemporain. Un jour viendra où nous serons peut-être devant, mais on ne souhaiterait pas, en ce moment, être seuls aussi. Je vais plus loin car je ne gouvernerai jamais ce pays seul. C’est un choix que nous avons écarté dès le début. Nous ne sommes pas le seul parti à le faire, donc c’est nous faire un mauvais procès de dire que nous sommes toujours remorqués.
J’ai lu ces derniers jours, dans une interview dans Le Quotidien, un homme que je respecte beaucoup, même si nous ne sommes pas dans une même mouvance, répondre à une question : «Il y a des poids lourds dans votre coalition ?» Il a répondu : «Un poids lourd ne rejoint pas une alliance, il va tout seul». Il a raison et je pense comme lui. Tout le monde fait comme moi et je fais comme tout le monde.

Vous avez toujours manifesté la volonté de devenir le quatrième président du Sénégal. Dans quel cadre politique comptez-vous réaliser ce vœu ?
Pour ne pas énerver les Sénégalais, j’ai décidé de ne plus répondre à cette question. Laissons les Sénégalais faire leur choix le moment venu. Pour le cadre politique, ça viendra. Ne vous pressez pas. J’ai planifié tout ce que je dois faire dans dix ans. Je ne suis pas pressé comme vous et je ne me sous-estime pas comme vous me sous-estimez. Je suis très modeste, humble même, mais je suis très lucide. On peut m’accuser de tout sauf de manquer de lucidité. N’oubliez pas que je suis un héritier spirituel de Senghor, c’est pourquoi je dis à mes jeunes camarades qu’ils ne seront jamais orphelins. Senghor inspire notre action et notre pensée. Quand on agit sans penser, c’est l’improvisation et c’est pire même, or je n’improvise jamais.

Vous avez parlé de stratégie, de prospective et de planification, mais l’on reproche à votre Alliance Sopi pour demain de faire toujours dans l’improvisation. N’y a-t-il pas problème entre votre esprit organisé et la gestion de l’alliance politique dans laquelle vous évoluez ?
Ceux qui ne sont pas là dans peuvent penser comme vous. Moi qui le vis de l’intérieur, je suis loin de penser comme vous. Tout ce que nous avons fait est réfléchi avant de mettre le nom. Quand on s’est rendu compte que ce nom pouvait donner lieu à beaucoup d’interprétations, nous l’avons changé sans aucune difficulté. On réfléchit pour savoir comment structurer cette alliance. Nous avons émis l’idée de mettre en place un directoire national présidé par les leaders de la coalition, des directoires régionaux, départementaux, communaux et ruraux, avec un siège pour chaque parti membre. C’est cela qui manque pour le moment. Nous avons décidé de coordonner par un coordonnateur trimestriel à titre rotatif. Chaque leader assumera les fonctions de coordonnateur. On est à ce stade, on a mis en place 14 commissions qui ont été constituées, leurs membres sont connus. On est au début et nous n’avons même pas fait deux mois. Donc pour moi et pour nous, «l’Alliance Sopi pour toujours», c’est le contraire de l’improvisation. Ça a été réfléchi depuis des mois sans qu’il ne soit rendu public. Ce sont des hommes d’expérience politique et d’expérience d’Etat qui la constituent. Ces gens ont le sens de la vie, ils ont géré beaucoup de choses dans leur vie. Ils ont beaucoup d’ambition pour eux et pour leur pays. Donc ils ne peuvent pas improviser quoi que ce soit. Tout est réfléchi, il ne s’agit pas de réagir sur un coup de tête, comme mes amis de Benno l’ont fait. Bref, c’est une façon de les taquiner.

Pour rester dans ce même chapitre de l’alliance avec les libéraux, il a été constaté que beaucoup d’alliances avec le régime de Wade se sont soldées par des regrets. L’on peut évoquer les cas de Me Mbaye-Jacques Diop, Serigne Mamoune Niasse, Moustapha Niasse… En étudiant ces cas, n’avez-vous pas peur de votre avenir politique auprès du président de la République ?
En tout cas, je suis avec lui depuis cinq ans, «mangui sante Yalla» (Je rends grâce à Dieu).

Qu’est-ce qui pourrait amener Djibo Kâ à rompre cette alliance et opter pour une démarche solitaire?
Pourquoi vous voulez que je sois solitaire ? Pourquoi vous êtes si pessimiste ? Moi, je suis optimiste. Je suis là dans, laissez-moi là dans s’il vous plaît. (Eclats de rires). Je comprends que les gens souhaitent qu’il y ait un clash, mais heureusement que nous sommes des hommes mûrs, responsables et patriotes. C’est cela notre cordon ombilical, le Sénégal. L’on pense pouvoir s’unir encore plus fortement pour gagner davantage et ensemble la présidentielle et les législatives. Le reste appartient maintenant à Dieu.

Pour les autres, l’on peut présumer qu’ils avaient cette même vision unitaire. Pourquoi ça a échoué au moment où cela vous réussit ? Quel est le secret de Djibo pour rester si longtemps aux côtés de Wade ?
Je ne peux pas répondre à leur place. Posez cette question à ces messieurs que vous avez cités et que je respecte beaucoup.

Vous dites être avec le président depuis cinq ans. Il est peint comme un homme imprévisible et nuancé de sorte que les gens s’attendent à un clash entre vous deux. Comment vous le percevez ?
Je suis content de savoir que ça marche bien.

Comment vous le définissez ?
Ce serait très prétentieux de ma part de définir le président Wade. C’est le chef de l’Etat quand même et pour qui j’ai beaucoup de respect. Il incarne l’Etat du Sénégal et la nation tout entière. J’ai trouvé en lui un homme courageux. Dieu a fait que j’ai connu beaucoup de d’expérience, j’ai été dans beaucoup de gouvernements, depuis Senghor dont j’ai été le dernier directeur de cabinet. J’ai servi mon pays pendant longtemps au niveau de l’Etat dans des postes de responsabilités très élevés. Je rends grâce à Dieu. Ainsi, je peux témoigner que le président Wade est l’un des hommes parmi les plus courageux, les plus audacieux et qui ne recule devant aucune difficulté pour son pays. Ceux qui l’ont approché peuvent le dire comme moi.
Comme vous me demandez de l’apprécier, un ministre ne peut pas apprécier son chef. On m’a appris du temps de Senghor qu’aux côtés d’un grand homme, il faut en profiter pour apprendre. J’ai appris beaucoup de choses de Wade. Je viens de le quitter et c’est pourquoi je suis venu en retard. (L’entretien s’est déroulé jeudi dernier, vers 21 heures). Il est resté le même alors qu’il a passé presque toute la journée en Conseil des ministres. Il laisse tout le monde parler, c’est rare. Napoléon avait l’habitude de dire que le Conseil des ministres n’est pas une instance démocratique. Il n’y a qu’une seule voix qui compte, qui tranche, qui décide, c’est le chef de l’Etat qui préside le Conseil des ministres. Mais j’ai observé Wade depuis qu’on est ensemble. Il laisse les ministres s’exprimer largement sur sa communication d’abord et sur celle du chef du gouvernement ensuite. Donc nous avons la latitude de dire beaucoup de choses. Certains chefs d’Etat ne l’acceptent pas, ne le permettent même pas. Il a une capacité d’écoute extraordinaire, c’est pour cela que je l’admire profondément.
Quand vous êtes ministre et homme politique à la fois, chef de parti de surcroît, vous avez intérêt à écouter les gens et surtout à les entendre, autant tenir compte de leurs avis. C’est ce qui se fait. Quand je ne comprends pas quelque chose, quand j’estime que je ne l’ai pas posé ici un problème, je demande à le rencontrer dans son bureau, et il n’a jamais refusé de me recevoir. S’il a besoin de me voir, il me le demande carrément et à chaque fois que je suis allé le voir, on a échangé profondément, largement sur les questions qu’il veut évoquer avec moi et sur celles que je veux évoquer avec lui. Après, c’est à lui de prendre la décision qu’il veut. Je ne lui demande pas ce qu’il va faire après. Jamais. Et je ne puis dire que c’est moi qui suis à l’origine de telle ou telle décision. Une fois que j’ai donné mon point de vue, je regarde devant. Peut-être que c’est la différence avec les gens que vous avez cités. Je ne critique pas, je fais seulement une distinction. C’est ma méthode. Ensuite, je tiens compte beaucoup de ce qu’il dit en Conseil des ministres et dans des rencontres avec lui. Le président ne dit jamais quelque chose par hasard. Il est nuancé, c’est vrai, si lui il le nuance.

Pour rester toujours avec le président Wade, il a annoncé sa candidature pour la présidentielle de 2012. Ce que d’aucuns analysent, au regard de son âge assez avancé, comme une candidature de trop. Etes-vous de leur avis ?
Non, pas du tout. Si je mets de côté l’aspect métaphysique comme la mort qui dépend de Dieu, je peux dire que le président Wade est plus endurant  que nous tous, Djibo Kâ et tous les leaders des partis politiques. La preuve, il a dirigé aujourd’hui (ndlr, jeudi dernier), pendant sept tours d’horloge, le Conseil des ministres. Même si je ne parle pas des délibérations du Conseil des ministres, je vous signale qu’il écoute tout le monde et intervient quand il le faut. La preuve, après le conseil, il m’a reçu au Palais. Et, il est toujours en train de recevoir. En plus, il est très lucide et pas du tout passionné. Ce qui n’est pas le cas de beaucoup de leaders politiques. Qu’est-ce qui vous dit qu’il ne va pas enterrer la plupart de ceux qui mettent en avant la question de son âge ? Vraiment, cette question de l’âge de Wade est un faux débat. Bilahi, c’est un faux débat. Tout ce que je peux affirmer, et je sais bien de quoi je parle, c’est que Wade est un homme politique accompli. Je l’ai toujours dit, et vous me donnez ici l’occasion de le réitérer, après Senghor, c’est Wade mon modèle. Donc, pour moi, sa candidature n’est pas de trop. Au contraire, il appartient aux Sénégalais de dire, le moment venu, s’ils lui font toujours confiance pour conduire leurs destinées.

Comment appréhendez-vous, sous ce rapport, les chances de votre coalition en direction de la présidentielle de 2012 ? Surtout avec ce qu’on peut qualifier, après sa victoire au niveau de certaines villes symboles, de montée en puissance de Benno Siggil Sénégal.
Vous savez, messieurs, cette histoire du 22 mars est une grande illusion pour l’opposition qui croit, maintenant, avoir le vent en poupe. Je ne vais pas revenir sur les causes de cette victoire dans certaines grandes villes, mais retenez qu’il y a une grande différence, comme l’indiquent leurs dénominations, entre les élections locales et l’élection présidentielle. Mais la plus politique de toutes les élections, ce sont les législatives qui déterminent les majorités parlementaires. Comme nous sommes en régime démocratique, elles constituent la vraie bataille. Tout cela pour vous dire qu’une élection présidentielle est la rencontre d’un homme et d’un peuple, autour d’un projet, un vote où le quotient personnel du candidat compte beaucoup, à la différence d’une élection législative qui est politique par excellence. Alors que les élections locales sont parasitées par beaucoup de choses. Pour vous dire qu’il faut tirer les leçons de cette chaude alerte et dégager des stratégies pour inverser la tendance à la présidentielle. Surtout, ne me demandez pas quelle est notre stratégie, car je ne vous la dirai pas.

Donc, vous allez vers 2012 en claquant les doigts …
Loin de là. Nous sommes très vigilants. Quand Benno jubilait à Dakar, je disais, à Linguère, que nous avons gagné haut la main, que c’est bien que l’opposition reste dans son illusion. Sur le plan global aussi, il faut dire qu’on écrase de loin, en termes de suffrages globaux, Benno. Il s’y ajoute qu’on n’est pas en train de nous batailler pour chercher un candidat. Ce qui n’est pas le cas pour le camp d’en face. S’ils en trouvent, tant mieux pour eux. S’ils n’en trouvent pas, tant pis pour eux. Ou bien, tant mieux pour nous. Même s’ils en trouvent, nous les battrons à plate couture. Et ce n’est pas une simple proclamation. Je disais, l’autre jour à Louga, que je crains que beaucoup de leaders de l’opposition abandonnent avant 2012. Même si tel n’est pas le cas, ils seront ramollis. Je n’en dirai pas plus.

Vous partagez l’«Alliance Sopi pour toujours» avec un homme politique, Idrissa Seck en l’occurrence, avec qui vous n’avez pas toujours eu les meilleurs rapports. Quel est l’état de vos relations ?
Vous voulez savoir ? Je vous répondrai que j’ai dépassé l’âge de faire du «tessënté». Ne comptez pas sur moi pour revenir sur le passé. Je n’ai pas connu Idrissa Seck. Maintenant, on a partagé, récemment, un petit-déjeuner, autour d’une même table, chez le président Wade. C’était cordial et convivial. Et on a échangé sur beaucoup de choses. Quand on va en bataille, on n’a pas le temps de ressasser ce qui s’est passé hier. En tout cas, moi, c’est ce que j’ai décidé.

Les observateurs remarquent aussi une certaine complicité entre le président Wade et vous. Est-ce que ça ne crée pas une certaine jalousie à votre endroit ?
Non, franchement, je n’ai jamais vécu ce genre de problème. Je ne l’ai même pas senti. Maintenant, nous sommes des êtres humains. Mais, quand on a une capacité d’analyse de très haut niveau, on n’a pas ce genre de problèmes. Je n’y pense même pas.

Toujours dans le même registre, peut-on s’attendre à voir votre alliance stratégique avec Me Wade déboucher sur une fusion organique ?
Pour votre gouverne, c’est Macky Sall qui avait parlé, lors de notre congrès, d’alliance stratégique. Il était, sans doute, enthousiasmé par l’accueil de nos militants qui scandaient «Djibo, 4ème président». C’est mon jeune frère, mais il a encore besoin de temps pour acquérir beaucoup d’expérience. C’est une parenthèse que j’ouvre, mais amicalement. Sur la question de la fusion, je vous rappelle que le président Wade avait voulu mettre sur pied un grand parti, du genre Ump qui existe en France. Mais nous sommes arrivés à la conviction partagée, qui colle plus aux réalités sénégalaises, qu’il faut une alliance structurée. Grâce à la compréhension particulièrement efficace du président Wade, nous avons réussi la prouesse de mettre sur pied l’Alliance Sopi pour toujours. Vouloir faire autre chose n’est pas dans notre programme, encore moins notre perspective.

D’ailleurs, à propos de Macky Sall, quelle est, aujourd’hui, selon vous, sa valeur sur l’échiquier politique ?
Il serait très prétentieux, de ma part, d’évaluer sa valeur. Pour savoir ce qu’il pèse, il aurait fallu, d’abord, qu’il aille seul à une élection. Ce qui est une autre paire de manche. Et, comme il est un homme intelligent, ça m’étonnerait fort. 

Croyez-vous à un retour de Macky Sall au Pds ?
C’est très difficile de répondre à votre question. J’aurais souhaité qu’il conserve son parti, et réfléchir sur le rôle qu’il a joué aux côtés du président Wade et la part positive qu’il a apportée au Pds. Le militantisme est, par essence, la liberté en mouvement. C’est ça la philosophie à laquelle je crois profondément. Cela dit, je respecte  beaucoup son choix. Car je ne voudrais surtout pas donner l’impression d’être un donneur de leçons.    

Toujours dans ce sillage, ne pensez-vous pas que Macky Sall est en train de reléguer à l’arrière-plan les leaders de l’opposition ?
J’aimerais bien que vous posiez la question aux leaders de Benno. Un homme politique me disait, après les élections législatives de 1998, après un dîner au Casino du Cap-Vert, que je les avais mis hors-jeu. Mais comme les Sénégalais aiment la nouveauté, ce succès ne m’est jamais monté à la tête. Mieux, le président Senghor disait toujours que nous sommes des bulleurs. Comme nous sommes aussi très enclins à donner une grande importance aux rumeurs. De façon plus sérieuse, je crois beaucoup au terrain réel qui est la véritable unité de mesure en politique.

Il y a également le processus électoral qui bat de l’aile. Quelle est votre position sur ce débat qui cristallise aujourd’hui les passions entre le pouvoir et l’opposition ?
La position de principe de mon parti, l’Union pour le renouveau démocratique (Urd), reste la même. D’abord, nous proposons comme médiateur l’Ong américaine Ndi, qui ne peut pas être qualifiée de partiale. Ensuite, nous souhaitons que les commissions de révision des listes électorales soient permanentes. Et, en dernier lieu, nous préconisons un audit du fichier électoral pour clore, une fois pour toutes, le faux débat sur les possibilités de fraude.   

Un autre cas. C’est la carte Karim Wade qui est toujours agitée. Partagez-vous l’idée selon laquelle il a un destin présidentiel ou, à tout le moins, il y a une volonté de son père de lui mettre le pied à l’étrier ?
Il n’y a que l’un ou l’autre qui peut répondre à cette question. Mais, ce que je peux vous dire c’est que Karim Wade a bien le droit, comme tous les Sénégalais, de vouloir diriger son pays. Et ça, personne ne peut le lui contester.

Est-ce que vous avez le sentiment, à l’instar de beaucoup d’observateurs, que Wade a des arrière-pensées monarchiques au point de vouloir se faire succéder à la tête du pays par son fils ?
Franchement, je ne le pense pas. Et je me demande pourquoi les Sénégalais ont cette idée dans la tête. Wade est fondamentalement démocrate. Ceux qui l’ont pratiqué, s’ils sont honnêtes, peuvent en témoigner. Donc, pour moi, Wade ne peut pas avoir, vu son parcours politique, de velléités monarchiques. Maintenant, ce sont des procès d’intention, comme il en existe en politique. En tout cas, moi, je souhaite, aussi longtemps que je pourrais, être honnête en politique.

Pourtant, on remarque que Wade est enclin à monter au créneau - le dernier exemple en date est d’ailleurs une interview avec le journal français Marianne - pour blanchir son fils, à chaque fois qu’il est attaqué ou cité dans des affaires …

Ça dépend aussi de la question qu’on lui a posée. Je suis persuadé  qu’il n’a pas répondu comme ça ex nihilo. Même s’il est père, il agit en chef d’Etat. Et je peux en témoigner.

Vous l’avez vu dérouler l’organisation du sommet de l’Oci et vous le côtoyez dans le gouvernement. Pensez-vous que Karim Wade a vraiment l’étoffe d’un homme d’Etat ?

Ce que je peux dire de Karim, c’est qu’il est très intelligent, a beaucoup d’expérience, plus que de grands leaders de partis qui parlent beaucoup, et est très compétent. Mais, c’est vrai. Ce n’est pas méchant ce que je dis là. Je ne fais que répondre avec franchise à vos questions. Pour ma part, j’aurais souhaité avoir à mes côtés un garçon, je dirai plutôt un monsieur comme Karim Wade, que d’autres. Je crois que ce n’est pas juste de douter de ses qualités d’homme d’Etat.

Vous avez été épinglé par l’Agence de régulation des marchés publics (Armp). Quel est votre sentiment sur les audits qu’elle vient de rendre publics ?    
Je dirai que j’ai plutôt été égratigné. (Rires). Pour vous dire la vérité, et je n’accuse personne, je félicite l’Armp qui a fait un excellent travail. D’ailleurs, aucun de mes collaborateurs n’ose me soumettre des marchés de gré à gré. Je disais, l’autre jour, à M. Gilles Hervio, le Délégué de l’Union européenne (Ue), qu’on a toujours besoin de transparence. C’est pourquoi j’aimerais faire des propositions pour moderniser davantage le processus de passation des marchés publics.

Quelles sont ces propositions ?
Il faut allier la transparence et la rapidité. Tout d’abord, il urge de  supprimer les demandes de renseignements de prix qui sont des brèches dans lesquelles s’engouffrent certaines personnes. Il faut également interdire, formellement, les fractionnements de marchés. Donc il faut mettre en place des procédures transparentes et efficaces. Car les Sénégalais ont cette propension, si la porte est fermée, de passer par les fenêtres.

Écrit par Ndiaga Ndiaye, Papa Souleymane Kandji



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