Au Sénégal l’instrumentalisation de la Constitution à des fins politiques est le jeu favori des autorités. Sur près de trente sept révisions constitutionnelles effectuées par les chefs d’Etat qui s’y sont succédé depuis 1960, seulement une quinzaine sont considérées comme étant des révisions ‘consolidantes’, révèle le constitutionnaliste Ismaëla Madior Fall. Et en dix ans d’exercice du pouvoir, Abdoulaye Wade s’est taillé la part du lion, concernant les révisions ‘déconsolidantes’.
Par exemple, sur les sept révisions institutionnelles sous le président Senghor, les cinq sont ‘consolidantes’. Et sur les quinze révisions effectuées sous Abdou Diouf, les dix sont ‘consolidantes’ informe le Pr Fall qui co-animait une conférence, samedi, à l’occasion de la présentation du livre du Pr Seydou Madani Sy, intitulé : ‘ Les régimes politiques sénégalais de l’indépendance à l’alternance politique : 1960-2008’.
Sous Wade, poursuit le constitutionnaliste, ‘il y a eu quinze révisions constitutionnelles et seulement cinq sont consolidantes’. Parmi les révisions qui ont approfondi la démocratie et l’Etat de droit depuis l’indépendance du Sénégal, il y a celle de 1976 qui a instauré, sous le régime du président Senghor, l’ouverture avec la création de quatre courants politiques. La révision constitutionnelle de 1981 par Abdou Diouf, qui a instauré le multipartisme intégral et celle du 6 octobre 1991 qui a permis de ‘jeter les bases constitutionnelles du code électoral consensuel’.
Comme révision ‘consolidante’ sous Wade, le Pr Fall cite la révision qui a consacré l’octroi du droit de vote aux militaires, la révision sur la réforme de la Cour suprême et sur la parité.
Au cœur des révisions ‘déconsolidantes’, la logique de conservation du pouvoir. Sous Senghor, la loi du 6 août de 76 qui instaure le dauphinat au profit de Diouf est à classer dans ce registre. La même conservation du pouvoir est à lire dans la suppression de la limitation des mandats (une majorité absolue pour passer au premier tour…) sous le magistère d’Abdou Diouf, de même que l’allongement du mandat présidentiel de 5 à 7 ans. Il en est de même du couplage et du découplage par une révision constitutionnelle en 2007 qui fait qu’on est plus sûr de la tenue à date due des élections au Sénégal.
D’après l’historien Mamadou Diouf, directeur de l’Institut d’études africaines à Columbia University (Etats-Unis), c’est la recherche constante ‘d’une maîtrise des hommes, des choses et de l’appareil d’Etat’ qui explique le recours des chefs d’Etat à l’instrumentalisation de la loi suprême.
Abdoulaye Wade, dit-il, ‘formalise ce que Senghor faisait de manière informelle. Diouf, lui, joue la bureaucratie contre la loi ou utilise la bureaucratie pour tourner la loi. Il s’est écarté de l’héritage pour construire sa propre hégémonie en bureaucratisant l’appareil politique et en renforçant le pouvoir de l’administration’, analyse le conférencier.
4 Commentaires
Deug
En Octobre, 2011 (07:36 AM)Rich
En Octobre, 2011 (08:10 AM)Xeme
En Octobre, 2011 (08:42 AM)Peuls,
En Octobre, 2011 (11:03 AM)Participer à la Discussion