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Sénégal : L’irrésistible ascension de Karim Wade

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Sénégal : L’irrésistible ascension de Karim Wade
Continentalmag.com - Jusqu’à ce jour du 19 mars 2000, qui vit Me Abdoulaye Wade, l’opposant historique à Léopold Sédar Senghor puis à Abdou Diouf, accéder à la magistrature suprême, presque personne n’avait jamais entendu parler de son fils. Aujourd’hui, Karim Wade est devenu un personnage central de la galaxie politique sénégalaise. Histoire d’une ascension inattendue.

Mars 2000, les Sénégalais découvraient, aux côtés de son paternel rayonnant, un solide gaillard de près de deux mètres (il mesure précisément 1,90 m), au sourire carnassier, cultivant la ressemblance avec son président de père, en arborant un crâne aussi dégarni que le sien. Depuis, "Karim", comme l’appellent simplement ses amis et les partisans d’Abdoulaye Wade, n’a plus quitté les devants de la scène, au point de ne pas voir un projecteur sans se précipiter dans sa lumière ! Une attitude qui commence à incommoder bon nombre de ses compatriotes, et que certains jugent même "envahissante". Karim Wade, c’est une évidence, ne laisse guère les Sénégalais indifférents.

Depuis que ce conseiller spécial de son père a été hissé à la présidence de l’Agence nationale pour l’Organisation de la conférence islamique (Anoci), fer de lance de chantiers pharaoniques qui sont en train de transformer la capitale, Dakar, en ville futuriste, son nom ne quitte plus la une des magazines people et des quotidiens. Tous rapportent méthodiquement ses moindres faits et gestes, faisant ainsi de sa vie un véritable feuilleton, qui fascine ou agace prodigieusement les Sénégalais. Depuis sept ans qu’il est aux côtés de son père, Karim Wade, autrefois expert en finances à la City de Londres –ses détracteurs prétendent qu’il n’y était que guichetier !–, a soigné son image d’homme moderne et de jeune cadre compétent et dynamique. C’est aussi une icône de la jetset. L’homme s’affiche avec son ami le roi du Maroc, Mohammed VI, dont il partage la passion pour le jet-ski et les échecs.

Parce que certains le qualifient de "toubab" (homme blanc), à cause de son wolof (la langue sénégalaise) très approximatif et de son long éloignement du pays – il est né à Paris et a pratiquement toujours vécu à l’étranger–, le fils du président se croit obligé de porter en bandoulière sa "sénégalité". Il affectionne ainsi les grands boubous brodés, se fait tirer le portrait, assis parmi les fidèles musulmans, à la mosquée, et confie à son entourage qu’il a gardé des contacts avec son ancien maître coranique, qui se trouverait actuellement en Guinée. Il prétend beaucoup aimer le mbalax, la musique sénégalaise, et s’honore de l’amitié que lui portent des vedettes de la chanson, comme le crooner Thione Seck et le très populaire humoriste Sanekh. On l’a même aperçu, un soir de 2005, à un concert de rap au Centre culturel français de Dakar.

Karim sait cultiver avec soin son image de travailleur acharné. Il n’est pas rare de le voir, souvent tard dans la nuit, en jean et baskets, sur ces chantiers de la corniche de Dakar, inspectant les travaux en cours. Ses proches assurent que son rythme de travail est "presque surhumain". Il se targue, tout comme son père, de ne dormir que quatre heures par nuit. Avec de telles cadences, il ne peut qu’user ses collaborateurs dont l’un nous avoue : "À n’importe quelle heure, il peut réveiller l’un d’entre nous pour des détails. Un document, un fait, un rendez-vous..." Commentaire du quotidien dakarois "L’As", qui a dressé un portrait haut en couleur, et plutôt flatteur : "Pour Karim, le diable se cache dans les détails. C’est ce qu’il dit souvent à ses proches."

Si on le dit "gentil, affable et généreux", le fils du président peut, semble-t-il, se montrer arrogant et cassant. Ainsi il aurait publiquement menacé, dans un restaurant, une journaliste qui avait osé écrire un article très peu apprécié de lui, sur sa soeur Syndiéli, également conseillère de son père. "Toi, je vais te casser !", aurait-il notamment vociféré à notre consoeur ébahie ! Le sens de la famille dont il se prévaut aura ainsi conduit Karim, qui affiche d’ordinaire des moeurs policées, à se comporter comme un goujat, voire un malappris. On le dit également rancunier.

La méga star Youssou N’Dour l’aura appris à ses dépens. Karim a intenté un procès en diffamation à "l’enfant de la Médina", réclamant 750 millions de francs CFA, à titre de dommages et intérêts. Le motif ? Il a soupçonné Youssou N’Dour d’avoir orchestré une campagne de presse contre lui, à la suite de son refus d’intervenir auprès du président afin que soit attribué au chanteur un financement de 300 millions de francs CFA. Il obtiendra du tribunal 40 millions à titre de dommages et intérêts, qu’il se proposera, par la suite, de distribuer à des nécessiteux.

Mais l’homme a malgré tout du panache. Avec son air d’Humphrey Bogart "jeune", il émane de Karim un charisme certain. Le célèbre acteur américain avait lui-même donné une définition du charisme qui lui va à merveille : "C’est s’entendre répondre oui à une question que l’on n’a pas clairement posée !" Il sait en user au risque d’en abuser parfois. Ses sorties, très médiatisées, son entregent, sa propension à "mettre la main à la poche", offrant à tour de bras des billets d’avion pour La Mecque, la cour assidue qu’il fait aux marabouts de Touba (ville sainte du mouridisme) où il s’est récemment rendu pour remettre un 4x4 tout neuf au calife général Serigne Saliou Mbacké... tout cela a achevé de donner au personnage l’image d’un homme agité, se consacrant entièrement à ce qui semble être aujourd’hui son objectif premier et ultime : succéder à son père.

En forgeant le concept de "Génération du Concret", Karim Wade, qui aura 40 ans le 1er septembre 2008 et qui s’est entouré de jeunes cadres de sa génération, appartenant pour la plupart au cercle dirigeant du Parti démocratique sénégalais (PDS), la formation politique de son père, a manifestement pris pied sur la scène politique. Mais à force de confondre agitation et action, le jeune loup aux dents longues, et dont la boulimie dans le domaine des affaires lui vaut le surnom de « Monsieur 100% », commence à effrayer la classe politique tout entière. À commencer par les candidats potentiels à la succession d’Abdoulaye Wade, aujourd’hui âgé de 84 ans, en particulier ceux issus des rangs du parti présidentiel à qui l’activisme effréné du « jeune » donne bien du souci.

Dans ce contexte, la démarche de l’actuel président de l’Assemblée nationale et ancien Premier ministre Macky Sall, qui a osé convoquer devant le Parlement le fils du chef de l’État, pour rendre compte de sa gestion à la tête de l’Anoci, où l’on a fait état d’un dépassement de plus de 8 milliards de francs CFA, a été perçue comme un crime de lèse-majesté.

Mal en a pris à Macky Sall –pourtant un ami intime de Karim Wade– qui a suscité le courroux de "Sa majesté le président Wade", comme l’ont écrit les journaux dakarois. Depuis, bruissent des rumeurs de l’imminente révocation de l’infortuné, aussi bien de son poste de numéro deux du PDS que de la présidence du Parlement.

L’éviction du président de l’Assemblée nationale ouvrirait indiscutablement la voie royale qui mènera sans doute le fils du chef de l’État à la direction du parti au pouvoir. Une véritable OPA se prépare dans ce sens. La Génération du Concret, un cercle fondé par Karim, qui multiplie l’installation de coordinations départementales à travers tout le pays, est en train de tisser sa toile autour d’un parti que sa large victoire aux dernières législatives semble avoir plongé dans une profonde léthargie.

Un mystérieux "Front pour la restauration de l’authenticité libérale (sic)", vraisemblablement inspiré par le sulfureux Farba Senghor, ministre des Transports (il a depuis été nommé au ministère de l’artisanat et du commerce lors du remaniement du 3 décembre 2007 NDLR), qui a l’écoute d’Abdoulaye Wade, s’est récemment fendu d’un communiqué tout en faveur de Karim. Ce communiqué en appelle, sans retenue, à la cooptation de Karim, "un homme susceptible de ne jamais trahir", au sein du comité directeur du PDS. Le même texte incendie littéralement Macky Sall dont "le mutisme, la multiplication des attaques à l’encontre de ses proches, les combines et la gestion douteuse du parti expliquent la léthargie de la formation face aux attaques dirigées contre le secrétaire général national (le président Wade, ndlr) par le Front Siggil Sénégal (coalition de l’opposition, ndlr)." L’opposition observe avec un certain amusement teinté d’agacement cette foire d’empoigne, voire cette entreprise de démolition engagée au sein du parti au pouvoir où les coups et les paroles volent souvent très bas.



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