Barthélemy Dias est vraiment à la traque des fraudes dont il a la certitude qu’elles ont émaillé le dernier scrutin présidentiel. Le secrétaire exécutif de Convergence socialiste est déjà sur la piste de deux compagnies étrangères, l’une britannique, l’autre américaine, en plus d’une société informatique qui a pignon sur rue à Dakar. Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’on ne peut pas convaincre M. Dias que le système biométrique a fonctionné durant le scrutin présidentiel et que donc la victoire de Wade est si clean. Entretien…
Vous avez fait état de compagnies spécialisées dans la fraude électronique, qui auraient opéré au Sénégal pour la victoire du candidat Abdoulaye Wade. Etes-vous en train de faire des investigations plus poussées sur leur mode d’opération ?
La biométrie, c’est quelque chose que les services du ministère de l’Intérieur ont chanté sur tous les toits ; cette biométrie n’existe pas. La biométrie veut dire qu’une personne ne peut pas s’inscrire deux ou trois fois, a fortiori voter plusieurs fois. Je rappelle que l’informaticien de la Cena avait été renvoyé parce qu’il avait soulevé le cas d’un Sénégalais qui a eu à s’inscrire plus d’une dizaine de fois ; personne n’a réagi. C’est la raison pour laquelle M. Ousmane Sy, conseiller du Président pour les Ntic, a eu à dire qu’ils maîtrisaient bien le fichier.
Pour revenir à ces compagnies, l’une d’elles a été localisée à Dakar au troisième étage d’un immeuble qui abrite une grande station de radio, mais quand vous partez là-bas, on refuse de vous recevoir. La deuxième compagnie, je préfère ne pas en parler pour le moment car, nous avons des amis basés aux Etats-Unis qui sont en train de travailler là-dessus. En plus des compagnies sénégalaises. Mais nous, celles qui nous intéressent le plus sont celles étrangères : la compagnie britannique et l’américaine.
Quels rôles exactement y ont joué ces compagnies?
Ce genre de fraude électronique est indétectable par l’humain comme l’a précisé M. Clinton Curtis devant le président de la commission parlementaire (aux Etats-Unis : Ndlr) qui lui a demandé s’il y a un moyen de détecter la fraude. Ce spécialiste a bien répondu qu’elle ne peut pas être détectée par l’humain. Le contrôle ne peut être fait que par un autre logiciel qui est supposé auditer le logiciel-mère. Ce qui veut dire que le logiciel d’audit prendrait en compte la biométrie : des empreintes digitales, la photo, particulièrement les traits du visage et les desseins veineux de l’œil qui sont identiques à chaque personne. Donc, il faut un logiciel qui prendrait en compte toutes les données biométriques pour auditer le logiciel qui a déjà pris la biométrie en compte. Donc, si on veut rester dans cette voie, le seul moyen d’auditer ce logiciel, c’est d’amener un autre logiciel d’audit informatique fabriqué pour cela.
Est-ce que vous êtes dans les dispositions de l’avoir ? Le ministère de l’Intérieur aussi qui a en charge l’organisation d’élections transparentes et fiables…
Mais, il est évident que c’est le ministère de l’Intérieur qui planifie et organise la fraude. Il est supposé organiser les élections, mais ce sont eux qui sont à la base de la fraude. L’opposition doit se ressaisir et exiger la démission du ministre de l’Intérieur qui est partisan, capable de faire des choses machiavéliques pour Wade, que Wade lui-même ne ferait pas pour ses propres intérêts. Son comportement constitue une insulte à la démocratie sénégalaise. Le minimum que nous demandons, aujourd’hui, c’est d’avoir au moins les mêmes conditions qu’en l’an 2000 : un ministre de l’Intérieur indépendant, une Cena, une Ceni ou un Onel indépendant. Je rappelle au passage que M. Touré qui dirige la Cena, n’est pas du tout indépendant car, sa femme est militante du Pds. En plus d’exiger un fichier fiable et une carte électorale claire et assez riche en bureaux de vote pour éviter un vote sur deux jours.
Est-ce que l’exigence de la refonte totale du fichier électorale, brandie par l’opposition en vue des législatives, est finalement une solution pour contrecarrer cette fraude électronique ?
Vous parlez plus tôt de l’audit du fichier. Je vous rappelle, au passage, qu’il n’a jamais été audité comme il se le doit. Il y a eu l’affaire de la fameuse boîte noire. C’est comme si vous êtes arbitre sur un terrain de foot et on vous dit que vous n’avez pas le droit de regarder dans une des surfaces de réparation ou de siffler une quelconque faute dans cette surface de réparation. Je n’ai jamais été pour cette refonte totale du fichier. D’abord, parce qu’elle coûtait trop chère, je ne voyais pas son utilité. Et on nous a fait comprendre que la biométrie serait l’objectif recherché dans cette refonte. Il y a tout dans ce fichier sauf de la biométrie. L’encre n’était pas indélébile, les empreintes digitales, n’en parlons pas. Il y a des cas où l’on retrouve la même personne avec trois ou quatre cartes d’électeur. Il faut arrêter de prendre donc les gens pour des moutons de panurge et qu’on revienne à l’ancien fichier. Abdoulaye Wade, tant que nous ne descendons pas dans la rue et cassons des bus, pour lui, ce que nous réclamons n’a pas de sens. Aujourd’hui, si on retourne aux élections avec les mêmes conditions, ce n’est même pas la peine de battre campagne. Le vol, dans son fond, est un vol électronique. Quand Wade parlait de premier tour et de 55 %, il savait de quoi il parlait, parce qu’il avait tout sur un ordinateur. Ces résultats ont été préfabriqués par des gens qui ont fait leurs preuves aux Usa et en Europe. Je rappelle qu’aux Etats-Unis, les démocrates avec l’ancien vice-président Al Gore en tête ont dépensé des dizaines de millions de dollars, embauché des centaines d’avocats pour élucider les tenants et les aboutissants de la fraude aux Usa en 2000 et ils n’ont pu décortiquer ce qui c’était passé. Ceux sont des spécialistes et des compagnies qui ont dépensé des milliards pour gagner des milliards dans ce qu’ils font.
Nous allons aborder une autre question qui est d’actualité : la menace que le Président Abdoulaye Wade de mettre en vente la maison du Ps. Quelle lecture en faites-vous ?
D’abord, je veux revenir sur un premier point qui est très important à mon sens. Au niveau de la Convergence socialiste, nous avons toujours et continuons à réclamer une commission parlementaire pour éclairer les Sénégalais sur l’état mental du président de la République. C’est pourquoi j’espère que, cette fois-ci, le Ps va envoyer des jeunes à l’Assemblée nationale pour exiger certaines choses.
Si Abdoulaye Wade pense qu’il peut venir prendre la maison du Ps et que cela s’arrêtera là, il se trompe lourdement. Je rappelle, au passage, que la permanence du Pds qui se trouve à la Vdn, il faut bien qu’un jour qu’on nous dise comment elle a été financée. Il faut que les Sénégalais sachent une autre chose que le Ps ne veut pas dire : Abdoulaye Wade a le complexe des socialistes. C’est la raison pour laquelle il ne cherche qu’à débaucher les socialistes. Aujourd’hui, il ne peut pas comprendre pourquoi Ousmane Tanor Dieng et le Ps refusent d’aller intégrer son gouvernement. Je veux vous signaler une chose : Ousmane Tanor Dieng, même s’il voulait se lever pour l’intérêt du Sénégal et intégrer son gouvernement, en homme d’Etat, il ne peut pas s’asseoir dans un gouvernement avec du bétail et de la volaille. Il faut aujourd’hui que Wade sache que si nous sommes dans l’opposition, nous y sommes à l’aise. Nous rendons grâce à Dieu. Nous ne sommes pas fatigués ; ce n’est pas comme son cas, à lui, quand il était dans l’opposition. Wade cherche à nous forcer à rentrer dans son gouvernement et il utilise tous les moyens.
Il faut que toute l’opposition sache qu’il faut l’arrêter, parce que je leur dis : «Si vous n’arrêtez pas Wade, demain il va se lever et exiger de prendre vos femmes. Il prendra une excuse pour dire que vos femmes, selon telle loi ou tel décret sont les siennes. Et si vous ne l’arrêtez pas, il va vendre vos enfants et les vendre comme des esclaves, comme certains Sénégalais ont été vendus pour 13 milliards en Espagne.»
Mais, n’avez-vous pas l’impression que, dans cette affaire, les gens sont en train de se laisser divertir et être détournés de l’essentiel ?
Wade doit comprendre une chose : il a été formé par le Ps. Je lui reconnais au moins d’être un fin politique, parce qu’il a eu à divertir les gens avec la présidentielle. Ce ne sera pas le cas cette fois-ci. Qu’il fasse ce qu’il veut, mais qu’il sache qu’il ne viendra pas prendre la maison du Ps et trouver ici des gens qui vont se mettre à l’applaudir. Et il ne faudrait pas qu’il vienne avec des lacrymogènes et des matraques, mais avec des chars de combat et l’armée car, ce sera notre honneur et notre héritage qui seront en jeu. Il peut continuer à rêver. Ce qui est écœurant dans ce pays, c’est de voir des voleurs crier au voleur. Abdoulaye Wade doit savoir une chose, surtout ces cireurs de pompes apprivoisés autour de lui, qui lui montent la tête, doivent savoir que si Wade part demain, que personne ne vienne nous dire : «Non, ne faites pas ça !» Wade est en train de créer et de semer les conditions d’une répression. Je veux le dire et que ça rentre dans la tête de tout le monde, une bonne fois pour toute : le retour au pouvoir du Ps est imminent. Wade doit savoir que, quand nous reviendrons au pouvoir, même si lui n’est pas en vie, les membres de sa famille et de son entourage sont là. Les gens qui, hier, étaient dans les Ndiaga-Ndiaye et en clandos, qui aujourd’hui sont des milliardaires, s’ils pensent qu’ils vont se promener dans le pays, se trompent.
Ousmane Tanor Dieng est clair sur la question des licences de pêche. Si Abdoulaye Wade veut aller au fond des licences de pêche, il n’a qu’à aller au fond. Ousmane Tanor Dieng s’est déjà prononcé là-dessus. Il ne va pas y revenir car, c’est un homme d’Etat. Et de la même manière, Habib Thiam ne polémiquera pas là-dessus. Nous avons fabriqué des hommes d’Etat qui ne vont pas rentrer dans des débats de charretiers. Nous sommes fiers de nos 40 ans de gestion du pouvoir et nous l’assumons pleinement. Que je sache les Sénégalais n’ont pas connu les milliards sous le régime socialiste.
En parlant tout à l’heure de la question de la représentation du Ps à l’Assemblée nationale, vous aviez insisté sur le mot «jeunes». Est-ce là une volonté de rajeunissement que vous exprimez aux hauts responsables socialistes pour coller au slogan «nouvel élan» de votre candidat à la présidentielle ?
Qui parle de nouvel élan parle de nouveaux hommes. Aujourd’hui, le Ps n’a pas d’autre choix que de rajeunir son élite politique. Nous sommes en 2007, si vous prenez des gens qui sont là depuis le Sénégal indépendant, ils ont aujourd’hui 70 ans passés. Si vous faites d’eux des députés, quel âge auront-ils dans 5 ans ? Qu’est-ce que ces gens peuvent apporter politiquement parlant au Ps ? Absolument rien du tout ! Aujourd’hui, Abdoulaye Wade a tous les défauts, mais aussi bien lui qu’Idrissa Seck mettent l’accent sur les jeunes. Même s’il y a eu cette fraude aux élections, il faut aussi reconnaître qu’il y a eu au moins des jeunes auprès de ces leaders politiques libéraux. Ce serait difficile, vu les réalités politiques sur le terrain de demander à des jeunes qui sont supposés défendre la jeunesse socialiste, défendre les intérêts du Ps, combattre les jeunes libéraux qui, eux, sont ministres ou députés. Il y a une réalité au niveau du terrain qui fait que nous, au niveau du Ps, on dit qu’un nouvel élan égale de nouveaux hommes.
Personnellement, je critique l’âge du président de la République. Je ne peux pas présenter aux Sénégalais des responsables qui sont, à la limite, des petits frères du président de la République. Ce n’est pas normal ; ce n’est pas sérieux. Ce n’est même pas ambitieux pour un parti comme le Ps. Soyez rassurés, pour ces législatives, car les jeunes seront bien représentés sur la liste du Ps, Inchallah.
Justement en direction des législatives, quelle lecture vous faites des positions disparates et du discours contrasté au niveau de l’opposition sénégalaise ?
J’ai entendu un parti entre guillemets de l’opposition ou qui est de l’opposition depuis quelques semaines, dire qu’il ne va pas s’allier avec le Ps.
Vous voulez parler de l’Aj/Pads ?
Non ! Je vous ai dis que je ne voudrais pas citer de nom. C’est des gens qui ont besoin de se réveiller le matin et de se regarder dans le miroir. C’est des gens qui constituent une honte pour la jeunesse du Sénégal. Ils ont contribué à piller ce pays pendant sept ans. Comment vous pouvez dire que vous vous accompagnez avec des voleurs pendant 7 ans et que vous étiez au courant de leurs actes, mais que vous n’avez rien à vous reprocher ? C’est honteux et aberrant. Et aujourd’hui, ils sont en train de «larbiner» pour des postes à deux francs cinquante. Ces gens, nous n’en avons pas besoin ; nous cherchons des porteurs de voix. Quand le Ps vient dans une coalition, il apporte et sacrifie certains de ses éléments dont des jeunes. Mais aujourd’hui, le Ps à lui seul peut avoir un groupe parlementaire. Donc, si nous acceptons d’aller en coalition, ce n’est pas parce que nous avons besoin d’avoir un certain nombre de députés, mais pour un objectif précis : être majoritaire à l’Assemblée.
Est-ce que vous maintenez votre affirmation selon laquelle Idrissa Seck était incontournable pour battre Abdoulaye Wade. Vous l’aviez dit juste à la veille de la mise sur pied de la défunte coalition Jam ji…
Mais, c’était avant qu’Idrissa Seck décide d’aller au Pds. Idrissa Seck est un homme politique pour qui j’ai beaucoup de respect et de considération, mais il nous a tous surpris. Et je répète encore une de ses phrases : «Allah n’aime pas les traîtres». Idrissa Seck a surpris tout le peuple sénégalais de par son comportement. Nous, sans connaître son vrai poids électoral, avons fait preuve de dépassement et lui avons donné exactement la part du Ps. Nous lui avons fait confiance ; Idrissa Seck nous a récompensés à sa façon. Aujourd’hui, si l’objectif est de se débarrasser d’Abdoulaye Wade, si Idrissa Seck le comprend bien, il sait ce qu’il a à faire. Mais, il est hors de question pour nous de nous lever et d’aller vers quelqu’un comme Idrissa Seck qui ne sait pas ce qu’il veut, politiquement parlant. Je ne peux pas comprendre que quelqu’un qui est jeune, qui a l’avenir politique devant lui, se dédise d’un moment à l’autre ou bien trahit ses alliés à un moment crucial de la vie politique.
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