Le président Wade a annoncé au cours de sa dernière visite en France, que le Japon va financer la réalisation de la route Dakar-Bamako. Mais les Japonais tiennent à tempérer l’euphorie du Chef de l’Etat sénégalais. L’Empire du Soleil Levant ne participe au programme que pour un tronçon évalué à 4 milliards de francs Cfa.
A l’occasion de la conférence de presse, qu’il a donnée le jeudi 9 mars dernier à la résidence de l’Ambassadeur du Sénégal à Paris, le Président Wade n’y était pas allé avec le dos de la cuillère pour s’en prendre à ses pairs et aux autres partenaires engagés dans le cadre du Nepad. Ainsi, disait-il notamment : «J’ai perdu toutes mes illusions sur l’équipe dirigeante du Nepad.» Le chef de l’Etat sénégalais en donnait pour preuve que «ce matin (Ndlr : jeudi 10 mars 2006), le Premier ministre japonais (l)’a appelé pour (lui) dire que le Japon allait financer la route Dakar-Bamako et le pont de Rosso». Me Wade de poursuivre : «Cela concerne le Nepad, ce sont des projets inter-régionaux. Je suis sûr qu’ils ne sont pas au courant….» La déclaration du président Abdoulaye Wade a suscité de l’émoi dans les milieux diplomatiques, mais c’est chez les Japonais qu’une telle annonce a le plus surpris.
Sans doute, conscients que «les beaux yeux» du Sénégal ne vaudraient pas de se mettre à dos le reste du continent, les officiels de «l’Empire du Soleil Levant» ont lancé le branle-bas pour savoir les tenants et aboutissants de cette «histoire de financement faramineux dont aucune structure officielle de coopération du Japon, à commencer par l’Agence japonaise de coopération internationale (Jica), ne semblait avoir été mise au parfum». Résultat des courses ? Bien des surprises.
Le bemol japonais
A l’ambassade du Japon à Dakar, la perplexité a été grande quand la presse a relayé l’information. «Nous ne sommes pas au courant de cela. Cela nous étonnerait que le Premier ministre du Japon annonce, comme cela, le financement d’un programme d’une telle envergure. Nous, nous n’annonçons nos accords de coopération, qu’après les avoir dûment signés avec les parties concernées.» Plus tard, le chef de la section Coopération de l’Ambassade du Japon à Dakar, M. Takazawa, après moult recherches, pourra éclairer notre lanterne, mettant ainsi un bémol dans l’euphorie du Président Wade. Le diplomate japonais nous dira sa surprise. «Il existe un programme d’aménagement routier et de facilitation des transports sur le corridor Bamako-Dakar par le Nord. Le Japon ne s’est engagé à n’en financer qu’un tronçon de 81,3 km reliant Kédougou à la frontière de la Falémé au Sénégal. Le montant de ce financement est de 960 millions de yen japonais, soit 8 millions de dollars américains (Ndlr : environ 4 milliards de francs cfa).»
Mais comment se fait-il que le président de la République du Sénégal n’apprenne cela que par le truchement d’un coup de fil du Premier ministre du Japon ? M. Takazawa précisera qu’un tel accord avait été signé depuis le 31 octobre 2005 à Tunis, au siège de la Banque africaine de Développement (Bad). C’était le ministre des transports, de l’Equipement et des Infrastructures de l’époque, Mamadou Seck, qui avait, au nom du Sénégal, apposé sa signature au bas du communiqué final signé entre autres par le Japon, la Bad, la Boad, la Commission de l’Uemoa, le Mali.
Ainsi, pour ce qui le concerne, le «Japon ne s’engage pas pour le global de l’axe routier mais pour un tronçon précis. D’autres bailleurs de fonds pourront financer les autres tronçons». Il reste que le Japon pourra, au plus, examiner l’éventualité de financer la «réalisation de trois ponts en territoire malien. Nous pourrons étudier cela», souligne, non sans prudence, M. Takazawa.
Les conditions de son financement
Le chef de la section Coopération de l’Ambassade du Japon à Dakar, se voudrait aussi précis sur les conditions de décaissement de l’argent que son pays compte mettre dans l’opération. «Nous osons croire que les différents partenaires qui se seraient engagés pour financer certains tronçons vont s’exécuter. Mais je peux vous dire que le Japon est en train d’organiser la cérémonie «d’échanges de notes» avec le Sénégal pour la mise à disposition du financement de 960 millions de yens.» Toutefois, notre interlocuteur ne voudrait s’engager sur un échéancier. «Nous ne sommes pas en mesure de dire quand ce sera prêt, encore moins quand les travaux seront réalisés. De toutes façons, la procédure régulière sera suivie, à savoir un contrat d’engagement international, un appel d’offres lancé par les autorités sénégalaises en collaboration avec la Boad, la sélection d’un consultant et d’une entreprise, pour que le financement soit libéré. La Bad jouera un rôle d’agent de préparation et garantira la transparence de l’opération.»
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