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Politique

Senghor- Dia : Roland Colin, auteur d’un portrait croisé des ‘’frères séparés’’

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Senghor- Dia : Roland Colin, auteur d’un portrait croisé des ‘’frères séparés’’

Dakar, 18 août (APS) - Les premiers pas du Sénégal indépendant et son devenir, se jouant sur fond de portraits croisés ‘’grandeur nature’’ de Mamadou Dia et Léopold Sédar Senghor, sont retracés par Roland Colin, dans son ouvrage ’’Sénégal, notre Pirogue. Au soleil de la liberté, Journal de bord 1955-1980’’, Paris, Présence Africaine.

Roland Colin, ancien élève de Senghor à l’Ecole nationale de la France d’Outre-mer, deviendra plus tard très proche collaborateur de Mamadou Dia, premier chef du gouvernement de l’autonomie, puis de l’indépendance (son directeur de cabinet, 1958-1961). Cette posture autorise l’auteur à retracer l’histoire commune de ces deux ‘’frères séparés’’.

‘’Le grand tournant sénégalais de ces décennies ardentes a été ce temps d’utopies et de chantiers porteurs d’espérances que Roland Colin restitue ici avec minutie, une ampleur de vue, une lucidité et une chaleur dont chacun lui saura gré’’, écrit l’historien Elikia M’Bokolo, dans sa préface intitulée ‘’De l’Afrique des Etats à l’Afrique des peuples : un combat pour la liberté’’.

Le préfacier relève aussi ‘’le récit, rare dans son genre, de la plongée d’un homme et des siens, partageant le même engagement et une attitude complicité, dans +l’ère nouvelle de l’Afrique+. Son témoignage est un acte de courage, d’honnêteté et de fidélité à l’égard de celui qu’il continue d’appeler +le Patron+, Mamadou Dia’’.

Récusant toute assimilation de l’ouvrage de Colin à un projet de ‘’réhabilitation’’, M’Bokolo rappelle que ‘’le livre s’achève d’ailleurs par une évocation croisée et très mesurée des parcours de Léopold Sédar Senghor et de Mamadou Dia puisque aussi Roland Colin fut l’un des premiers à recueillir des éléments autobiographiques de Senghor (1974) et, assurément, le premier à qui Dia ait raconté en détail sa vie propre (1975-1978)’’.

L’auteur de ‘’Sénégal, notre Pirogue’’, 397 pages, présente une restitution de l’histoire ou un portrait grandeur nature de chacun des acteurs, à la place qui a été la sienne et dans la posture qu’il a effectivement prise. Cependant, le livre met l’accent sur le parcours de Dia lequel est mieux servi que Senghor.

La recherche de l’équilibre entre les deux leaders de l’indépendance du Sénégal n’empêche pas les grands traits de ‘’l’instituteur de brousse’’ d’apparaître au grand jour, du moins plus éclatants que ceux de ‘’professeur agrégé’’. Colin qualifie Dia d’‘’homme des communautés de base’’ à la probité sans faille.

Quelque peu subjugué, l’ex-assistant technique français rapporte cet extrait du discours programme de son ‘’patron’’ à l’Assemblée : ‘’Nous ne devons pas confondre dignité de la fonction avec le luxe et le gaspillage, inadmissibles chez les représentants d’un peuple aussi démuni que le nôtre.’’

Colin avait fait la connaissance de Mamadou Dia dès son affectation à Saint-Louis, en 1956. ‘’J’avais ressenti, d’entrée de jeu, une estime profonde pour le militant fougueux et limpide, doué d’une intelligence roborative et entraînante’’, se remémore-t-il. ‘’Je ne savais pas encore jusqu’où cette rencontre (avec Dia) me mènerait.’’

En juillet 1957, Dia loua particulièrement sa bonne connaissance de ’’tous les rouages de l’administration du Territoire, tout comme le personnel politique sénégalais’’. ’’Nous abordons une période cruciale’’, dit ’’le Patron’’ sénégalais à son collaborateur français à qui il disait : ’’J’ai besoin que vous me secondiez sur trois plans’’.

D’abord, indiquait-il, ’’assurer les rapports avec la haute administration française siégeant à Dakar. Ensuite établir et gérer les liaisons de la vice-présidence (du Conseil du gouvernement en période de semi-autonomie) avec les ministères sénégalais qui ont vocation à s’installer à Dakar’’.

Cela signifie, expliquait Dia, ’’en particulier, que vous aurez la responsabilité d’organiser le transfert de la capitale de Saint-Louis à Dakar, selon la décision que nous venons de prendre en Conseil de gouvernement, en relation avec l’Assemblée’’.

Enfin, poursuivait-il, il s’agit aussi ’’d’amorcer la création d’un service des relations interterritoriales, qui ne peut se concevoir efficacement qu’à partir de Dakar.’’

Colin évoque l’épisode de la fronde contre les tenants de ‘’l’Algérie française’’ et ses répercussions sur les relations franco-sénégalaises. Paris redoutait un effet de contagion dans son ‘’précarré’’. Au Sénégal, la polémique sur le transfert de la capitale de Saint-Louis à Dakar, à l’époque capitale fédérale, s’ajoutait aux velléités indépendantistes des milieux de gauche et du ‘’syndicalisme radical’’. Les références doctrinales marxistes-léninistes des protestataires préfiguraient, pour les Français, la naissance d’un parti communiste africain.

‘’Dans une démarche quelque peu intempestive, le général Gardet, commandant supérieur des forces militaires françaises en AOF (Afrique occidentale française), vint faire visite à Mamadou Dia pour s’assurer que les pouvoirs sénégalais se rallieraient à ce qu’il appelait le +mouvement national+. Il se fit éconduire sans aménité superflue’’, rapporte Colin.

Abordant le conflit fatal au tandem Senghor-Dia, il se montre convaincu d’une divergence doctrinale entre les deux leaders sur ‘’le socialisme authentique africain’’. Selon lui, l’agitation fébrile des factions affidées à l’un et à l’autre et le manque de neutralité de certains cercles ou intérêts français, à Dakar et en Métropole, ont ensuite eu raison de l’amitié des ‘’deux cousins’’, aussi imbus l’un et l’autre de leurs valeurs d’ascendance respective.

‘’(…) Ma conscience m’interdisait de désavouer Mamadou Dia, (…) je conservais ma déférente reconnaissance à Senghor qui avait été, pour moi, un maître d’initiation majeur au regard de la culture africaine’’, répondit-il à André Peytavin, reconduit au ministère des Finances, et chargé par le vainqueur du duel de décembre 1962 de le faire revenir au Sénégal.

Pour raison médicale, Colin était absent du territoire sénégalais au moment de la confrontation. De loin, il a vécu dans sa chair l’opération ‘’chirurgicale’’ de séparation des deux frères siamois. Et, sa conscience n’en était que troublée. ‘’Il m’eût semblé déloyal de revenir servir au Sénégal tant que Dia serait en prison. André Peytavin insista, sans succès. On me rapporta que Senghor en prit quelque humeur…’’.

Fruit d’un ‘’journal de bord’’, ‘’Sénégal, notre Pirogue. Au soleil de la liberté’’ est volumineux certes, mais il s’appuie fortement sur des ‘’preuves matérielles’’. Ses 397 pages sont notamment illustrées de documents d’archives, de photos témoins et de quelques cartes. Roland Colin est aussi l’auteur de Kènèdougou, au crépuscule de l’Afrique coloniale, Présence Africaine, 2004.



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