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Politique

TOUBA, LE SENS D’UNE FATWA :Quand Méoundou Diakhaté solde ses comptes avec Wade

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TOUBA, LE SENS D’UNE FATWA :Quand Méoundou Diakhaté solde ses comptes avec Wade

La situation se dégrade un peu plus pour le Parti démocratique sénégalais (Pds) à Touba, la récente fatwa du Khalife général Serigne Saliou Mbacké ne visant ni plus ni moins que les libéraux qui, au demeurant, sont ceux qui ont le plus à perdre dans cette affaire. Et en remontant les sources du mal, l’on est obligé de constater que ce qui se passe dans la capitale du mouridisme que le Pds s’est attelé pendant tout son règne à ériger en chasse gardée électorale n’est que le résultat des erreurs cumulées par le président Wade et son parti dans le choix des hommes et surtout la gestion de ceux-ci. Il y a notamment le mépris avec lequel le pouvoir traite l’ancien député libéral Méoundou Diakhaté, sans jamais avoir pris en compte la capacité de nuisance de celui-ci.

Source : Le Devoir


Lorsque Serigne Saliou Mbacké a pris la décision de proscrire les activités politiques à Touba, ce n’est pas son porte-parole officiel, Makhtar Diakhaté qui passe pour son premier serviteur et qui en plus, exerce les fonctions de président du Conseil rural, qu’il a mandaté pour rendre publique sa volonté. Ce n’est non plus personne parmi ceux-là qu’on cite traditionnellement comme constituant le premier cercle de l’entourage du guide qui a eu en charge cette mission de confiance. Le vénéré Cheikh a fait appel à quelqu’un connu du grand public et particulièrement des libéraux, mais qui, depuis un certain temps, précisément depuis le 19 mars 2000, avait perdu toute visibilité dans l’espace publico - politique national. Méoundou Diakhaté, l’homme qui a informé l’opinion de la décision de Serigne Saliou, certes, est le chef de village de Touba Mosquée (le site d’origine) et dirige le regroupement des chefs de quartiers de l’agglomération de Touba. A ce titre, il a bien le profil pour porter le message qu’il a délivré au public. D’autres considérations permettent cependant de scruter plus loin que ce degré élémentaire, et un faisceau d’indices concordants est perceptible, autorisant à lire la fatwa du guide à un autre niveau. Méoundou Diakhaté est une vieille connaissance du Pds, dont il fut un député lors de la précédente législature. C’est à la veille des élections de 2000 que, sur « ndigël » de son marabout, Serigne Sidy Ibn Cheikh Abdoul Ahad Mbacké, qu’il se résolut à transhumer au Parti socialiste (Ps). Bien malgré lui, s’accordent à plaider à sa décharge, tous les observateurs avertis. Toujours est-il que le sort donna Wade vainqueur de Diouf. Dans les moments qui vont suivre, Méoundou Diakhaté, une fois de plus sous la conduite de son marabout, le même, changea de camp politique pour revenir à ses origines libérales. Manifestement, Wade ne lui a pour autant jamais pardonné ce que, lui, le chef du Pds, doit percevoir comme un lâchage, voire carrément une trahison. Diakhaté fut réadmis dans les rangs du Pds pour être envoyé au garage. Pourquoi le leader du Pds n’a pas voulu faire preuve à son endroit de la même mansuétude qui a permis à Ousmane Ngom, Babacar Gaye, Baïla Wane, entre autres, d’être aujourd’hui là où ils sont ? Pourquoi Méoundou n’a t-il pas bénéficié du même sens du pardon « wadiste » qui a fortement joué en faveur de tous ces caciques socialistes de naguère, ayant combattu Wade jusqu’à leur dernière goutte d’énergie, et qui n’en sont pas moins, aujourd’hui, parmi les piliers du régime de Wade ? Nul ne sait. Ce qu’on sait en revanche, c’est que ce sens du pardon largement reconnu à l’actuel chef de l’Etat et qui, il est vrai, ne tient en rien d’une fiction ou des excès de thuriféraires, a tendance à se manifester de manière sélective. A ce jour, un Marcel Bassène par exemple n’a jamais pu en bénéficier. Méoundou Diakhaté aussi. Dans le Baol, comme partout ailleurs au Sénégal, le Pds a recruté d’anciens adversaires et récupéré d’anciens renégats pour leur confier des responsabilités enviables, passant l’éponge sur l’adversité souvent déloyale ou la félonie d’hier. Mais Méoundou, lui, fut frappé d’exclusion. Plus jamais on n’entendit parler de lui. Tous ceux qui connaissent bien Wade s’accordent à dire que quand le leader du Pds méprise quelqu’un à l’extrême, il va jusqu’à oublier même son existence. Il semble bien que c’est ce sort qui a frappé l’ancien député libéral de Touba. Il semble aussi que c’est là une erreur stratégique dont le Pds est en train de faire les frais.

Un adversaire à forte capacité de nuisance

Avant d’être un député libéral passé chez l’ennemi avec son mandat, Méoundou Diakhaté est un Cheikh mouride de la puissante famille Diakhaté alliée et apparentée de longue date aux Mbacké. Sous Serigne Abdoul Ahad Mbacké, il était incontournable dans le dispositif mouride, exerçant à l’époque les fonctions de président de la Communauté rurale de Touba. Même si Cheikh Béthio Thioune, béni par Serigne Saliou Mbacké, a par la suite évincé Méoundou de la direction de la collectivité locale, on aurait eu tort d’avoir considéré cela comme un signe de défiance de l’actuel guide de la communauté mouride vis-à-vis de Diakhaté. D’ailleurs, le même Cheikh Béthio, sans avoir jamais quitté les grâces du grand Cheikh, n’a-t-il pas dû lui aussi céder le poste tant convoité à Makhtar Diakhaté, l’actuel occupant ? Méoundou Diakhaté pour sa part, en héritant du poste de chef de village de Touba, après avoir perdu la présidence du Conseil rural, s’est retrouvé avec un lot de consolation loin d’être négligeable. Cette position à partir de laquelle il vient de démontrer qu’il peut faire mal, il la renforce par ses liens avec Serigne Saliou dont il est un proche parent, et qui l’écoute plus qu’on est tenté de le croire. La preuve, l’on révèle dans la cour du guide, que c’est après un briefing de Méoundou que l’autorité suprême de Touba a édicté sa fatwa prohibitive. Et comme pour donner pleins pouvoirs au même Méoundou pour veiller à l’application stricte de cette volonté exprimée (après tout, en tant que chef de village, il est la première autorité administrative de Touba), il le chargea de porter le communiqué. Enfin, pour boucler la boucle, lorsqu’un groupe de politiciens s’engagea dans des manœuvres confusionnistes sur le maintien et le sens de la fatwa, c’est encore Méoundou qui eut le privilège de (re) monter au créneau pour clarifier les choses dans le sens de la confirmation de la décision du khalife. Wade et le Pds ont commis l’erreur d’avoir méprisé Méoundou, un ancien frère qui avait lâché le groupe aux moments les plus difficiles pour revenir à l’ère de la prospérité. Ce mépris, on l’a poussé jusqu’à oublier les attributs communautaires de Diakhaté que son statut de chef de village désigne comme un interlocuteur prioritaire des autorités publiques à Touba. L’homme est ignoré, et exclu de tout ce qui se fait dans la capitale du mouridisme au nom de l’Etat. Sa demeure ne figure pas sur la liste des passages obligés des dignitaires du régime et des délégations libérales se déplaçant dans la ville sainte. L’on pensait qu’on pouvait faire le jeu sans lui ; il vient de brandir un début de preuve dans le sens contraire. Des observateurs l’ayant côtoyé s’accordent à dire qu’il en a tellement dans le cœur, qu’il ne peut plus en absorber, et est décidé à ne plus s’en laisser administrer. Méoundou Diakhaté, dit-on, est déterminé à solder les comptes avec ceux qui ont pensé le plonger sans risque dans le mépris.

Menace sur le « ndigël » implicite

Le Pds joue gros à Touba, et ce n’est pas le genre de démarche initiée avant-hier par trois responsables libéraux, qui va améliorer les choses. Le système mouride repose sur une discipline rigoureuse, et la soumission totale à l’autorité du guide. Vouloir finasser et manœuvrer pour passer outre une décision du Khalife général des mourides à Touba, c’est lourd de danger pour le parti au nom et pour le compte duquel agissent les manœuvriers. Les libéraux s’exposent à une sanction radicale en pays mouride, s’ils n’ont pas la clairvoyance de se plier stoïquement à la volonté exprimée par Serigne Saliou. Surtout que, au-delà de Méoundou Diakhaté, il ne manque pas d’orthodoxes proches du guide de Touba, à l’image du fils de celui-ci, Serigne Moustapha Saliou, qui s’accommodent difficilement de ce qui ressemble fort à une tendance du pouvoir à banaliser l’autorité suprême et le symbole sacré de toute une communauté forte de plusieurs millions de membres (l’on garde encore en mémoire l’investiture de Serigne Saliou sur les listes électorales lors des dernières élections locales). Si l’on y ajoute la ferme volonté de nombreux jeunes Cheikhs de Touba d’en découdre avec le pouvoir, retenus jusqu’à maintenant par leur seule soumission à Serigne Saliou, on réunit les conditions d’une « dé - libéralisation » radicale de la communauté mouride. Du côté de Touba, l’on estime que la seule réaction qui convenait aujourd’hui de la part du parti au pouvoir, ce serait de faire disparaître de la ville sainte tous les signes distinctifs de l’envahissement de la vie quotidienne par ce parti. On prône notamment le retrait des 11 véhicules mis à la disposition de la fédération du Pds ainsi que l’arrêt des financements mensuels de 3 millions aux activités de la même structure. L’on estime en effet, qu’en plus de leur dimension politique ostentatoire, ces deux acquis sont au centre des bien des envies et des convoitises, et ont été à l’origine de l’aggravement des tensions internes à la famille libérale, ce qui a donné naissance à des dérapages qui eux-mêmes ont fondé la fatwa du khalife général. Plus fondamentalement, l’erreur du Pds semble être d’avoir voulu contrôler Touba en faisant fi de l’histoire et de la sociologie locale dans le choix des hommes qu’il a responsabilisés sur place. Et il n’a pas non plus su identifier convenablement et intégrer dans son dispositif, les personnes de recours qui auraient pu, dans des situations comme celle présente, anticiper sur les évènements et en faire une gestion préventive. La fatwa de Serigne Saliou n’a surpris aucun observateur averti, sauf les libéraux eux-mêmes. Et sans nul doute, il aurait été plus aisé de prévenir la mesure que de l’anéantir une fois qu’elle est prise et publiée. Pourtant, le Pds a besoin de faire sauter cette fatwa. Touba, avec un potentiel électoral d’environ 400 mille voix, peut déterminer l’issue de n’importe quel scrutin national. Dans ce potentiel, seule la moitié est pour le moment inscrite sur les listes, l’autre moitié ayant besoin d’être « encouragée » par différents types d’activités pour aller s’inscrire. Et jusqu’à maintenant, le parti gouvernant mène le jeu sur place, en sachant tirer profit des impressions créées par l’image d’un Serigne Saliou très attaché à Wade, sans pouvoir donner de ndigël en sa faveur du fait qu’il s’interdit strictement de se mêler de choses politiques. La foi des disciples aidant, les libéraux ont su jusqu’à maintenant capitaliser cette situation pour placer le pays mouride dans une sorte de situation de ndigël implicite, qui leur est fortement profitable. Or, dans la conscience de nombreux talibés, si le Khalife général interdit de manière aussi rigoureuse, les activités politiques dans la ville, c’est que simplement la politique ne l’intéresse nullement. Cela peut favoriser un questionnement, et une remise en cause de l’engagement aveugle. Bonjour les dégâts.



1 Commentaires

  1. Auteur

    Allons Y Molo

    En Octobre, 2010 (18:37 PM)
    --
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