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VOTE DES LOIS - L’ASSEMBLEE NATIONALE GARDE TOUTE SA PRIMAUTE : Wade crée 100 sénateurs pour rien

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VOTE DES LOIS - L’ASSEMBLEE NATIONALE GARDE TOUTE SA PRIMAUTE : Wade crée 100 sénateurs pour rien

Ce Sénat, créé de toutes pièces, est d’un mystère imposant, car il ne sait rien faire par lui-même. Il ne peut demander une session extraordinaire, doit même passer par l’Assemblée nationale pour faire valider ses propositions de loi, ne détient aucune initiative en matière de révision constitutionnelle, ne peut mettre en jeu la responsabilité politique du gouvernement, ni voter une motion de censure. Au regard des faits issus des lois votées pour son érection, le Sénat, hier honni par le Président Abdoulaye Wade, est d’une vacuité exceptionnelle qui ne relève en rien le niveau des institutions de la République.

L’on a peut-être un peut très tôt ennobli le Sénat, dernière des institutions de la République née pour «parachever» l’architecture démocratique de notre pays, au détriment de l’Assemblée nationale. Dans un système désormais passé au bicaméralisme par la seule volonté du Président Abdoulaye Wade, et sous l’emprise quotidienne des débats dits de succession, il était suggéré que l’heureux futur patron des futurs sénateurs serait presque assuré de remplacer l’actuel locataire du Palais si ce dernier décidait, pour mille et une raisons, de passer la main. Cette sorte d’opinion générale était d’autant plausible que le nouvel article 39 de la Constitution stipule que : «En cas de démission, d’empêchement définitif ou de décès, le Président de la République est suppléé par le Président du Sénat. Celui-ci organise les élections dans les délais prévus à l’article 31.» La loi organique n° 24/2007, adoptée par l’Assemblée nationale le 4 juillet dernier, qui vient compléter le Code électoral, a mis en place les conditions de désignation des sénateurs, après le vote des lois constitutionnelles des 12 février et 15 mai 2007.

Mais en fait, une lecture attentive et critique de ces différentes lois indique, selon le Pr Abdoulaye Dièye, de la Faculté de Droit de Dakar, qu’il y a une véritable méprise sur la place et le rôle qui sont dévolus aux deux Chambres du Parlement. Par rapport à ce qui serait la primauté du Sénat sur l’Assemblée nationale, l’universitaire affirme n’en avoir vu des signes ou preuves nulle part dans les textes de loi relatif à la nouvelle Chambre législative. En effet, «il ressort de la loi du 12 février que c’est l’Assemblée nationale qui fixe le calendrier et la durée des sessions ordinaires, à l’exception de la date d’ouverture qui, elle, est laissée à la discrétion du président de la République». Dans cette matière, le Sénat est placé hors du coup. Il subit les sessions. Ce point est important, mais il y en a un autre qui ne l’est pas moins, ajoute le Pr Dièye. «Le Sénat ne peut pas demander la tenue d’une session extraordinaire, alors que les députés en ont les moyens», même s’ils n’en usent pas toujours.

Ce qui ressemble bien à une primauté évidente de l’Assemblée nationale apparaît également dans ce que Abdoulaye Dièye appelle «le dernier mot». Avec l’érection d’une deuxième Chambre au Parlement, «la loi doit être d’abord adoptée par les députés, et ensuite seulement par les sénateurs». Et situation cocasse relevée par le juriste, il est fait obligation aux sénateurs éventuellement porteurs de propositions de loi d’avoir l’obligeance de les déposer, avant tout, sur le bureau de l’Assemblée nationale, sans doute pour approbation ! Glissant dans les pratiques comparatives en la matière, l’universitaire juriste rappelle qu’en France, «projet de loi comme proposition de loi peuvent être déposés tant au Sénat qu’à l’Assemblée».

Des tiraillements entre les deux composantes du bicaméralisme, on en trouve régulièrement, notamment si les majorités politiques y sont différentes. S’il y a accord à propos d’une loi, l’adoption de celle-ci ne pose aucun problème. Cependant, en ce qui concerne le Sénégal, note Abdoulaye Dièye, «un désaccord entre les deux institutions permet à l’Assemblée nationale de statuer définitivement» en toute… légalité, et quelle que soit la position bien fondée du Sénat sur cette question. A ce niveau, il est relevé une différence fondamentale entre notre pays et l’Hexagone. «Au Sénégal, en matière de révision constitutionnelle, même si le Sénat exprime son opposition, on a donné à l’Assemblée nationale le pouvoir de voter la loi de façon définitive.» Or, en France, «au moins le Sénat est incontournable en ce qui concerne les lois constitutionnelles, car lorsqu’il s’agit de lois ordinaires, l’Assemblée peut statuer définitivement».

Selon M. Dièye, «il faut revenir aux missions fondamentales pour se rendre compte que l’on ne peut pas soutenir valablement que le Sénat (qui va être bientôt installé) a la primauté sur l’Assemblée nationale». S’appuyant sur le principe du suffrage universel qui envoie les députés à l’Hémicycle de la Place Soweto, il relève a contrario les modes d’élection et de nomination des sénateurs, tous issus du suffrage universel indirect, «et même pas pour tous, mais seulement pour une partie d’entre eux».

Ces missions fondamentales, elles sont au nombre de deux : «Le vote de la loi et le contrôle de l’action gouvernementale.» Sur le premier point, «le dernier mot revient à l’Assemblée nationale» ; ensuite, «on se rend compte que le gouvernement n’est pas responsable devant le Sénat, mais devant… l’Assemblée». Et cela a des conséquences, au nombre de trois que le Pr Dièye énumère. «D’abord, le Sénat qui va s’installer bientôt ne peut mettre en jeu la responsabilité politique du gouvernement ; ensuite, il ne peut voter aucune motion de censure pour le renverser ; enfin, il ne peut rejeter une question de confiance.» Autant d’attributs dont l’institution, aujourd’hui dirigée par Macky Sall, peut se prévaloir. Dans la réalité, il est, néanmoins, évident que le gouvernement est concrètement responsable devant le Président Abdoulaye Wade du fait de la très forte présidentialisation du régime. Cette anomalie, le Pr Dièye la met sur le compte du «phénomène majoritaire» qui étrangle les députés, car «dans les textes, le gouvernement est responsable devant l’Assemblée nationale». Cette institution, justement critiquée pour ce qu’elle est censée être et qu’elle ne fait pas, détient, avec l’obligation de la Déclaration de politique générale du Premier ministre devant elle et non devant le Sénat, un autre principe de primauté sur la nouvelle Chambre. Ce Sénat là, sorte de coquille vide, a quand même reçu une contrepartie pour digérer sa vacuité absolue : le Président Wade ne peut le dissoudre, selon Abdoulaye Dièye ; et lui non plus ne peut renverser le Président ! 



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