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Vendredi 01 Juin, 2018 +33
Politique

[ EDITORIAL ] Wade, un lion en cage

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[ EDITORIAL ] Wade, un lion en cage

Le Président Wade donne l’impression de quelqu’un qui maîtrise toute la situation. Malgré la détérioration progressive du tissu économique, la crise politique bien présente et les incertitudes face à l’avenir, le chef de l’Exécutif ne manifeste aucun signe de nervosité. Les apparences sont bien trompeuses.  Me Abdoulaye Wade n’a jamais été autant acculé, depuis bientôt 10 ans qu’il est au pouvoir. 

Les allers et retours d’Idrissa Seck au Palais ont ceci de bien révélateur que Me Abdoulaye Wade n’a plus toutes les cartes en main. Depuis les dernières élections locales, qui ont marqué un tournant, avec la montée en puissance de Benno Siggil Senegaal, celui qui était perçu comme la «seule constante» du Pds est ébranlé dans ses certitudes politiques. Il est clair, même s’il ne l’a pas affiché ouvertement, qu’il a activement soutenu son fils Karim Wade. Qui n’a pas su garder la forteresse Dakar, tombée dans les mains de l’opposition. En même temps que des capitales régionales stratégiques comme Saint-Louis, Kaolack, Diourbel, etc. Cette nouvelle donne ne se traduit pas seulement en termes de pertes de zones-fiefs. Il se manifeste également et surtout par une déconfiture poussée de l’appareil du Pds qui avait sciemment été déstructuré pour permettre à de nouvelles forces, favorables au fils, d’émerger. Après la «déseckisation», c’est ce que la presse a appelé à un moment donné «démackysation». Une opération de liquidation aussi bien au niveau de l’appareil d’Etat que politique du Pds, suivie de ce que nous appellerons une «karimisation» des appareils. Cette dernière opération a eu un effet négatif sur le Pds, du fait que les forces les plus représentatives ont été frappées d’une sorte d’anesthésie de leurs capacités. Une dislocation de l’élite libérale accompagnée d’une démobilisation à la base. C’est donc sans surprise qu’on a pu observer une débandade généralisée de la troupe, à l’image de la chute d’un empire, après l’effondrement des lignes de défense de la forteresse. Pape Diop, Ousmane Masseck Ndiaye, Abdoulaye Faye, etc., tous les lieutenants de Wade, se sont fondus dans la nature, après la défaite des Locales. Invisibles sur scène. Les défenseurs les plus loquaces du parti ont avalé la langue. Certains, à l’image d’Abdou Fall, pourtant très friand de médias, évitent le micro. Plus personne ne porte la parole du Pds. Les comités directeurs sont devenus rares. Le cérémonial fade et leurs conclusions presque frappées de confidentialité.  En vérité, le choc psychologique issu de la défaite des Locales, n’a pas encore produit tous ses effets. Au moins une chose est sûre, le Pds sait, aujourd’hui, que perdre le pouvoir ne relève plus de simples élucubrations de journalistes ou intellectuels en quête de reconnaissance. C’est devenu une hypothèse politique crédible. D’autant plus que la cassure politique est alimentée par l’usure économique. Pour les libéraux, c’est une bien terrible révélation que de comprendre que le pouvoir peut échapper même aux mains les plus adroites. Ce n’est pas un hasard si un technicien des finances, comme Sogui Diarisso, pousse la galanterie de la sacro-sainte omerta gouvernementale jusqu’à se transformer en Cassandre de la République. Prédisant des lendemains sombres pour Goorgoorlu, alors que la situation économique est déjà intenable. Le problème est complexe. Il est à la fois dans le mécontentement de certaines autorités au sein même de l’appareil d’Etat, lié à la position taillée sur mesure pour Karim Wade (ce qui a un impact évident dans la marche des affaires de l’Etat). Le problème est aussi politique, en raison du poids du fils du Président dans l’orientation politique stratégique. Il est enfin social du fait de l’effritement bien constatable de la cote de popularité du Vieux, lié en grande partie à la crise économique. Un vrai imbroglio ! Les tentatives de Karim Wade de se tailler une place dans le cœur des Sénégalais ne sera donc pas aisée. Ce n’est pas en jouant sur le registre du symbolisme primaire, en enfourchant le pied à l’étrier un cheval blanc ou en faisant le siège d’une télévision devant un siège vide qu’on peut inverser de bien lourdes tendances. Le maquillage a ses limites. Les obstacles sont légion et bien gros.

En politique quand même expérimenté, qui a roulé le très fin Senghor dans la farine, Me Wade ne peut donc pas ignorer que le choix du Concret est éminemment risqué. La situation économique se serait-elle améliorée pour les Sénégalais qu’ils fermeraient volontiers les yeux sur la volonté affichée par la nouvelle bourgeoisie née depuis 2000, de se hisser au…sommet du pouvoir. Mais la dégradation du tissu économique ne facilite pas la tâche au Président. Et tout se passe aujourd’hui comme si sa tête lui dicte un choix rationnel au moment où le cœur émet sur un autre tempo. C’est toute la complexité de l’opération- restructuration que le Pds a engagée. Qui constitue aujourd’hui l’alchimie politique la plus risquée pour le parti au pouvoir, depuis l’avènement de l’alternance. A un peu plus de deux ans de la prochaine échéance électorale, ça passe ou casse. Parmi toutes les options qui s’offrent au Pds, celle qui propulserait Karim Wade aux commandes aggraverait la descente aux enfers des libéraux. C’est ce que d’importantes franges du Pds soutiennent en off (la peur des représailles politiques est passée par là) avec force arguments. Le temps est bien compté pour les tenants du pouvoir. Et même si le Pds réussit à temps sa mue, rien ne garantit que les populations qui ont prouvé depuis les dernières Locales qu’elles savent toujours sanctionner, vont se jeter sur la «nouvelle mariée». 

Il est cependant vrai que le Président Wade garde, intacte, sa capacité de nuisance politique. Il reste constant dans sa méthode, plutôt faite de manœuvres et d’infiltrations des lignes ennemies. Sur ce plan, il est de la vieille garde politique. Derrière la main tendue se cache une «patte de Léopard». Les termes du «consensus» sont toujours manipulés. Les leaders de Benno Siggil Senegaal le savent bien, ils sont conscients que ce sont les nouveaux rapports de force qui imposent à Wade cette posture politique. Mais au-delà du dialogue et de ses pièges, les leaders de Benno Siggil Senegaal craignent beaucoup plus les opérations clandestines de débauchages de certains lieutenants de la coalition. D’autant plus que les personnalités politiques concernées par ces micmacs politiciens ne dévoilent leur jeu que dans les moments décisifs, comme les veilles d’élections. Les jeux sont loin d’être faits.



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