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Pourquoi est-ce si long d'éradiquer une maladie ?

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Pourquoi est-ce si long d'éradiquer une maladie ?


Il n’y avait plus eu de virus de la poliomyélite au Nigeria depuis deux ans. La découverte récente de trois cas d’enfants paralysés a fait reculer la date à laquelle le pays – et par extension l’Afrique – espérait se débarrasser de la maladie. Le plan d’éradication a été lancé par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) en 1988. Jusqu’à maintenant, la variole est la seule maladie à avoir été éradiquée. Pourquoi ne parvient-on pas à agir plus rapidement ?

Alors qu’aucun cas de polio n’était signalé en Afrique depuis deux ans, deux cas ont été enregistrés en août dernier, au Nigeria et un troisième a été découvert dans l’État du Borno. La poche de circulation du virus se situe au nord-est du pays, dans la zone d’influence de Boko Haram. « Les campagnes de vaccination sont difficiles à mener dans ces endroits, explique Bruno Lina, professeur de virologie au CHU de Lyon et directeur du Centre national de polio virus. Le groupe de terroristes salafistes communique sur les vaccins, fait croire qu’ils rendent les femmes stériles ou qu’ils contiennent du sérum de porc. »

Un enfant souffrant de la polio, à Kinshasa, en République démocratique du Congo (RDC). La maladie aboutit à une paralysie irréversible dans 1 cas sur 200. (Photo : Reuters)

Conséquence de ces découvertes, un report des échéances dans le plan d’éradication de la maladie lancé par l’OMS… en 1988. « Cela ne remet pas en cause la stratégie mise en place. Si on compare avec la situation cinq ans auparavant, c’est presque parfait, les deux tiers du chemin sont parcourus », insiste Bruno Lina.

Le déroulement d’un plan d’éradication

Trois conditions doivent être réunies pour décider de l’éradication d’une maladie. « On ne peut s’attaquer qu’à un virus qui se transmet d’homme à homme, comme la polio, la variole, la rougeole… », détaille Bruno Lina. Ensuite, un vaccin ou un antiviral efficaces doivent exister. « Pour le moment, nous n’avons pas un antiviral efficace pour ces maladies. Pour la polio, seul le vaccin permet d’éviter l’infection. » Enfin, un effort collectif international est nécessaire pour lancer les campagnes massives de vaccination.

Lors d’une campagne de vaccination, à la frontière entre le Kenya et la Somalie. (Photo : Reuters)

L’éradication d’une maladie est un phénomène progressif. Petit à petit, au fil des vaccinations, le nombre de zones géographiques non touchées par la maladie augmente. La phase finale de l’éradication est la plus longue comme l’explique le professeur de virologie. « On peut passer de 800 000 cas à 50 000 en deux ans, puis, pour passer de 1 000 cas à 0, il nous faudra dix ans. » Car les dernières zones infectées sont les plus difficiles à atteindre : c’est ce qu’il se passe actuellement au Nigeria dans la zone contrôlée par Boko Haram. Dans le reste du monde, la poliomyélite est encore endémique (c’est-à-dire qu’elle y sévit de façon permanente), au Pakistan et en Afghanistan.

Un million de dollars pour un cas de variole

Avant de déclarer une maladie éradiquée, un certain laps de temps doit s’écouler sans qu’aucun nouveau cas d’infection soit détecté. Pour la polio, trois ans sans nouveau cas sont nécessaires. La surveillance de l’environnement, elle, ne s’arrête pas.

Le vaccin contre la polio peut être administré par voie orale. Un exemple, ici, en Afghanistan, où la polio est encore endémique. (Photo : AFP)

Des prélèvements de boues des stations d’épuration ou d’eau dans les rivières sont régulièrement réalisés. Même en France, où le dernier cas de poliomyélite remonte à 1989, « les eaux usées de Paris sont scrutées de près », indique Bruno Lima. Plusieurs raisons à cela : le quart de la population française réside en région parisienne, l’arrivée régulière de migrants et le nombre important de personnes de passage…

Une coquette somme peut aussi être promise au médecin qui signalerait un cas d’infection. « Pour la variole, le clinicien qui déclarait un cas après l’éradication officielle de la maladie, pouvait gagner un million de dollars. Jusqu’à maintenant, il n’y a pas eu un seul signalement », raconte Bruno Lina.

Recrudescence des cas de rougeole

L’éradication de la polio est en bonne voie. En revanche, d’autres maladies comme la rougeole, pour laquelle il existe un vaccin efficace (il fait partie des vaccins recommandés mais pas obligatoires en France), ressurgissent ces dernières années.

En France, le vaccin contre la rougeole ne fait pas partie des vaccins obligatoires. (Photo : Reuters)

Alors qu’elle était sous contrôle dans les années 1990, la maladie a fait des victimes – une dizaine d’enfants – depuis 2012, en France. En Australie et dans plusieurs pays d’Europe, les médecins parlent de « grosse épidémie ». En 2015, aux États-Unis, plus de 140 cas de rougeole ont été recensés, surtout en Californie. La majorité était le résultat de non-vaccination selon le Centre américain pour le contrôle et la prévention des maladies (CDC).

« Le risque et la perception du risque ont disparu, déplore Bruno Lina. Avant, les gens voyaient les dégâts des virus. À la fin de la Seconde Guerre mondiale, un enfant par classe présentait une paralysie partielle due à la polio. Les campagnes de vaccination remportaient donc l’adhésion de l’opinion publique. Aujourd’hui, les patients ne se concentrent que sur les effets secondaires du vaccin et perdent la notion de résistance à la maladie infectieuse. » Selon lui, une fois la polio éradiquée, la rougeole fera très certainement l’objet d’un plan d’éradication.

La polio, c’est quoi ? Une maladie très contagieuse, provoquée par un virus (polio virus 1, 2 ou 3), qui prolifère dans des zones aux conditions sanitaires précaires. Il envahit le système nerveux et peut détruire les cellules faisant fonctionner les muscles. Elle se transmet de personne à personne et par des aliments et de l’eau contaminés pour différentes raisons (mauvaise gestion des eaux usées, hygiène personnelle etc.). Elle affecte surtout les enfants de moins de 5 ans. Dans 1 cas sur 200, l’infection aboutit à une paralysie irréversible qui touche les jambes en général. Parmi les malades paralysés, 5 à 10 % meurent lorsque leurs muscles respiratoires sont immobilisés. Le nombre des cas a baissé de plus de 99 % depuis 1988, passant de 350 000 selon les estimations dans plus de 125 pays d’endémie à 74 cas notifiés en 2015 selon l’OMS.



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