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Qui ne dort pas dîne trop, et prend du poids

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Qui ne dort pas dîne trop, et prend du poids

C'est un grand pas dans la compréhension des liaisons dangereuses entre manque de sommeil et prise de poids, et un bon argument pour dormir jusqu'au bout de la nuit. Grâce à des expériences de laboratoire chez seize jeunes adultes, des chercheurs américains ont démontré que la privation de sommeil induit instantanément ou presque une augmentation des apports alimentaires, en excès par rapport aux besoins énergétiques. Ainsi, cinq courtes nuits (de cinq heures) ont suffi à faire grossir de quelque huit cents grammes en moyenne les volontaires, notent Rachel Markwald (Laboratoire du sommeil et de chronobiologie de l'université du Colorado, Boulder) et ses collègues dans leur article, publié dans les Comptes rendus de l'Académie américaine des sciences (PNAS) du 11 mars. "En soi, dormir moins ne fait pas grossir, mais cela conduit à manger plus que nécessaire", résume Kenneth Wright, coordonnateur de l'étude.

En France, comme dans la plupart des pays, le temps moyen de sommeil est à la baisse ces dernières décennies, et une proportion croissante d'individus dort moins des sept à neuf heures par nuit recommandées. De nombreuses études épidémiologiques ont établi que ces dettes chroniques de sommeil sont un facteur de risque d'obésité chez l'adulte et l'enfant, tout comme le manque d'activité physique et les excès alimentaires. Mais les mécanismes en cause restaient obscurs.

 

EXPÉRIMENTATION SOPHISTIQUÉE

 

Pour les élucider, les chercheurs américains ont mis en oeuvre une expérimentation sophistiquée, faisant appel à des chambres calorimétriques. Ces pièces, hermétiques, permettent à la fois de suivre de façon très précise les consommations énergétiques d'un individu en mesurant ses échanges gazeux (consommation d'oxygène et production de dioxyde de carbone), et de contrôler son environnement - lumière, bruit. Pendant deux semaines, les seize hommes et femmes enrôlés dans l'étude (âgés en moyenne de 22 ans, sveltes et bons dormeurs) ont vécu dans cet univers confiné sous la loupe des chercheurs. Après trois jours où ils étaient autorisés à dormir neuf heures par nuit, la moitié d'entre eux ont vu leur temps de sommeil réduit à cinq heures pendant cinq nuits, les autres restant au rythme de neuf heures quotidiennes. Puis les deux groupes ont permuté pour une période de cinq jours.

 

Durant les deux semaines de l'expérience, ils ont tous eu accès à de la nourriture en quantité illimitée, avec des repas copieux et des en-cas en libre-service sous forme de fruits, yaourts, glaces, chips... Les apports alimentaires étaient soigneusement mesurés. Deux séances quotidiennes d'exercice de vingt minutes étaient effectuées, pour mimer une activité physique normale. Rachel Markwald et ses collègues ont, par ailleurs, suivi l'évolution des hormones impliquées dans la régulation de l'appétit et de la satiété, comme la leptine, la ghréline et le peptide YY.

 

Le passage de neuf à cinq heures de sommeil s'est accompagné d'une hausse des dépenses énergétiques de 5 % en moyenne, soit, selon les auteurs, l'équivalent de vingt-quatre minutes d'aérobic pour un adulte de 70 kilos. Les apports caloriques ont, eux, augmenté dans une proportion un peu plus importante, de l'ordre de 6 %.

 

 "GRIGNOTAGE EN SOIRÉE"

 

"En réduisant leur temps de sommeil, les participants ont eu tendance à faire des petits déjeuners moins copieux, mais à grignoter davantage en soirée", précisent les chercheurs. Ils soulignent par ailleurs des différences selon le sexe. Face à une offre pléthorique de nourriture et en condition non limitée de sommeil, les hommes ont légèrement grossi alors que les femmes ont gardé la ligne en se restreignant. Mais ce contrôle n'a pas suffi quand la durée de repos nocturne a été réduite à cinq heures, femmes et hommes prenant alors du poids dans les mêmes proportions.

 

"Nos résultats suggèrent que l'augmentation des apports alimentaires est une réponse physiologique au manque de sommeil, afin d'apporter l'énergie nécessaire au maintien de la vigilance supplémentaire. Mais quand la nourriture est facilement disponible, la consommation dépasse les besoins", écrivent les auteurs, qui n'ont pas mis en évidence d'anomalie des hormones régulant le comportement alimentaire. Inversement, relèvent-ils, passer de cinq à neuf heures de sommeil a réduit l'apport énergétique, notamment de glucides et de lipides. Mais la perte de poids associée est restée très modeste, non significative sur le plan statistique.

 

"C'est ce type d'étude que l'on attendait pour expliquer les relations, bien documentées sur le plan épidémiologique, entre manque de sommeil et obésité, s'enthousiasme le professeur Arnaud Basdevant (service de nutrition de l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière, à Paris), qui salue la qualité méthodologique du travail de ses collègues américains. Ils montrent que le manque de sommeil entraîne une augmentation des dépenses caloriques, mais que la prise alimentaire est plus importante que ne le voudrait cette hausse des besoins énergétiques. Cela confirme aussi qu'outre son rôle énergétique et sa fonction de plaisir, l'alimentation joue un rôle important dans le maintien de la vigilance."

 

 PROGRAMMES D'ÉDUCATION AU SOMMEIL

 

Le professeur Damien Léger, responsable du Centre du sommeil de l'hôpital de l'Hôtel-Dieu (Paris), est sur la même ligne, ajoutant que ces résultats expérimentaux corroborent sa pratique. "Quand les gens sont privés de sommeil, ils ont tendance à plus se précipiter sur le sucré, relève-t-il. En revanche, quand ils dorment mieux, ils contrôlent davantage la qualité de leur alimentation." Pour les auteurs de l'étude de PNAS, des programmes d'éducation au sommeil devraient faire partie intégrante des stratégies de santé publique de prévention de l'obésité.

 

La question se pose en particulier pour les enfants, chez qui "la réduction du temps de sommeil, sans doute liée au temps croissant passé devant des écrans, devient problématique en termes de santé publique", insiste le professeur Basdevant.

 

Une étude auprès de plus de 9 000 écoliers, publiée en octobre 2012 dans PLos One par l'équipe du professeur Léger, a chiffré le déclin sensible du temps de sommeil dans l'adolescence. De neuf heures et vingt-six minutes chez les enfants de 11 ans, la durée moyenne du sommeil pour une nuit de semaine tombe à moins de huit heures à 15 ans. La privation de sommeil (appréciée par une différence de plus de deux heures entre la durée du sommeil une nuit de semaine et une nuit de week-end) concerne 16 % des enfants âgés de 11 ans et 40 % de ceux de 15 ans. Près d'un adolescent sur quatre déclare ne pas dormir assez, alors que la proportion n'est que de 2,6 % à 11 ans.

 

La question du manque de sommeil et de ses conséquences sur la santé et le poids se pose aussi avec acuité chez les travailleurs de nuit, où le risque accru d'obésité mais aussi de diabète est de mieux en mieux documenté.



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