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ABDOUL AZIZ KEBE, ISLAMOLOGUE « On a violé la loi en libérant les homosexuels »

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ABDOUL AZIZ KEBE, ISLAMOLOGUE « On a violé la loi en libérant les homosexuels »
Abdoul Aziz Kébé est islamologue et enseignant au Département Arabe de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (Ucad). Dans cet entretien accordé à L’Observateur, il revient largement sur la place de l’Islam, en général, et celle des confréries dans la société sénégalaise. M. Kébé donne aussi son point de vue sur la question des homosexuels dans le pays, estimant que la libération des «gays» emprisonnés est illégale.

Libération des homosexuels

«Dans une société musulmane, il y a une éducation spirituelle, une éducation à l’éthique, qui devrait être l’apanage des confréries. Dans notre société, on doit promouvoir et défendre des valeurs morales qui nous permettent d’être en conformité avec nos croyances, avec Dieu, mais surtout de créer les facteurs d’équilibre pour la société. Vous savez, dans l’Islam, on interdit de consommer de l’alcool, on interdit la fornication et l’adultère. Il y a deux dimensions par rapport à cela : une dimension relative au péché et une autre liée au délit et au crime. La dimension du péché est ce qui est entre l’individu et Allah ; a commis le péché celui ou celle qui commet l’adultère et qui n’a pas été pris en flagrant délit ou en situation de trouble à l’ordre public ou d’offense à la morale publique. Et c’est entre lui et Dieu. S’il demande le pardon d’Allah, c’est bon.

Mais si l’individu fait un trouble à l’ordre public, la dimension du péché existe toujours, mais la dimension délit ou crime est là ; cela est réglé par le Code pénal, c’est ce qui fait qu’on emprisonne ou tue. Cela n’a rien à voir avec le péché, ça c’est l’ordre public, c’est la société qui veut garder un équilibre, un espace moral. Donc, c’est exactement la même chose dans ce cas d’homosexuels, si ceux-ci ont opéré dans une situation qui viole l’ordre public ou qui atteint la morale publique, et qui peut donner un mauvais exemple à d’autres personnes, à d’autres jeunes qui ne sont pas encore matures pour faire un choix. Car, je suis, entièrement, d’accord quand on parle d’orientation sexuelle. Mais qui oriente ? C’est ça le problème, parce que si c’est la télé, est-ce qu’il y a une liberté dans ce choix ? Cette dimension de délit social doit être punie. Il faut que les gens protègent les plus faibles. Donc, on a violé la loi en les libérant. On ne devait pas les libérer.»

Place de l’Islam dans la société sénégalaise

«La place de l’Islam dans la société sénégalaise est une place privilégiée du point de vue de l’extension, de l’expansion ; du point de vue démographique, c’est encore une place privilégiée. D’un point de vue historique également, l’Islam fait, aujourd’hui, partie des éléments qui ont configuré, structuré le Sénégal sur le plan social, familiale, de la conscience sociale, d’une certaine façon. Mais, malgré tout cela, on peut dire que l’Islam reste un projet inachevé au Sénégal, si l’on voit qu’il y a un certain nombre de comportements qui sont, en réalité, en porte-à-faux avec les enseignements religieux. On peut dire que, sincèrement, c’est un projet inachevé. Il y a une sorte de paradoxe par rapport au nom et à l’histoire, ainsi qu’à la conscience que chaque Sénégalais ou Sénégalaise, s’approprie l’Islam en tant que religion, vécu, et considéré comme une ressource permanente et constante pour tous les instants de la vie de l’individu, de la vie collective.»

Particularité de l’Islam au Sénégal

«La particularité de l’Islam au Sénégal est qu’il est un héritage de deux mamelles. D’abord, il a hérité d’un courant conquérant, Jihadistes, donc, d’un courant rigoriste et expansionniste. C’est le courant animé par El Hadj Omar Foutiyou Tall, Maba Diakhou Bâ. C’est un courant qui est pur, je n’ose pas dire dur, en tout cas, qui englobe l’ensemble des sphères de la société et même de l’Islam qui voudrait être politique et gérer l’Etat.

Dans un autre sens, c’est un Islam qui s’est nourri de la mamelle Soufie qui enseigne, à la place de ce rigorisme conflictuel entre l’individu et l’autre personne, une introspection, une lutte contre ses propres passions, ses propres limites. La dimension Soufie enseigne le Jihad nafs, c’est-à-dire la lutte contre les passions de l’âme. Elle déroule un plan d’amélioration personnelle qui permet à l’individu d’acquérir les meilleures vertus pour, ensuite, en faire une ressource de vie dans sa relation avec l’autre, fondée sur la reconnaissance et le respect mutuels et sur la construction des facteurs de paix et du vivre ensemble. Etant entendu que c’est Allah Soubhana hou Watala qui, lorsque arrivera la résurrection, attribuera les points à qui il veut. Donc, l’Islam au Sénégal a hérité de ces deux mamelles. Maintenant, cet Islam-là a beaucoup été marqué par le soufisme enseigné par El Hadji Malick Sy, Cheikh Ahmadou Bamba, El Hadji Abdoulaye Niasse, ainsi que les autres communautés religieuses Khadres, comme Cheikh Saad Habibi qui, bien qu’étant en Mauritanie, a également ses disciples au Sénégal, et encore Mame Bou Kounta. Ses différentes souches ont beaucoup plus imprégné les Sénégalais, ce qui fait que dans le pays, règne un Islam qui prône une compréhension et une solidarité mutuelles, un respect de l’autre et une quête perpétuelle de la conscience de Dieu.

Maintenant, il faut dire que ce sont ces principes soufis qui ont été reçus par les chefs religieux qui ont tenté de l’organiser dans les confréries. Mais, il y a une sorte de déperdition, en tout cas de ralentissement par rapport aux résultats escomptés, c’est-à-dire à la construction d’un homme imbu de sa personnalité religieuse, gorgé de spiritualité et également en quête de l’amélioration des conditions de vie dans la société. Dans ce cas, on peut dire que les confréries, bien qu’étant sur la voie, n’ont pas réussi réellement le projet des ancêtres.»

L’Islam confrérique au Sénégal

«L’Islam confrérique ne devait pas être une source de division au Sénégal. Vous savez, la compétition n’est pas source de division. Si les gens comprennent bien, la compétitivité ne relève pas de l’animosité, ni de l’adversité, mais à qui va faire mieux que l’autre pour le bien-être des êtres humains. Par conséquent, les confréries ne devaient pas être une source de division, mais au contraire, une source d’émulation, de compétition. Comme dit le Coran : «Compétissez vers le meilleur à qui mieux-mieux pour produire le meilleur pour les humains.» Malheureusement, avec les confréries, aujourd’hui, il y a une sorte de quête du nombre. Ils sont devenus des mouvements sociaux qui gèrent beaucoup de choses à la fois. C’est-à-dire qu’en plus de la gestion du spirituel, qui était leur champ privilégié, traditionnel et habituel, s’est greffé, aujourd’hui, le champ social. Cela fait que les confréries, quelquefois, ont tendance à marcher, à fonctionner comme les autres mouvements sociaux, qui établissent une compétition entre eux. El Hadji Abdoul Aziz Dabakh disait : «Les confréries ne devaient pas être source de division, par exemple, des cravaches pour fouetter ses adversaires.» De toutes les façons, ce n’étaient pas le vœu des fondateurs des confréries, parce que le Coran, qui est la matrice du Soufisme, dit : «Faites que vos relations avec vos frères soient les meilleures possibles.»

Ces organisations sociales ne peuvent être que des organisations qui facilitent l’accès aux ressources pour la vie, la quintessence de la religion et à son esprit. Ce sont des entités d’encadrement des musulmans pour les exercer à s’approprier les valeurs islamiques pour pouvoir les partager avec les autres. Si les confréries sont devenues des facteurs de division, ce n’est pas la faute au soufisme, ni aux fondateurs. Mais à nous autres qui sommes dans les confréries et qui ne comprenons pas le sens des confréries et qui avons dévié les confréries de leurs voies originelles, de leurs objectifs primordiaux.»

Relations confrériques tendues ?

«Les relations ne sont pas tendues. Parce qu’il faut voir les confréries dans leurs institutions, dans leurs organisations et dans leurs compositions, ainsi que dans leurs activités. Si on les regarde dans leurs structurations institutionnelles et doctrinales, c’est-à-dire dans leurs fondamentaux doctrinaux, il n’y a aucune animosité, ni aucune différence entre les confréries. Il n’y a aucune relation de tension entre elles.

Si on les regarde du point de vue de leur composition, de leurs adeptes qui n’ont pas d’éducation spirituelle idoine, qui ne sont pas arrivés à un niveau de compréhension de la confrérie, on peut en faire des éléments de compétition malsaine. Et dans ce cas, il peut y avoir des moments où des tensions existent entre les différentes confréries compte tenu des intérêts de ceux qui animent ces confréries non pas au niveau central, mais périphérique. Parce que les confréries ont des organisations périphériques qui sont tout autour, et qui ont des intérêts particuliers qu’ils essaient de légitimer sur la base de la légitimité originelle de l’ancêtre qui a fondé la confrérie, qu’ils essaient de légitimer en se greffant sur la structure originelle de la confrérie. Mais cette légitimation originelle n’est rien d’autre qu’une couverture qui essaie de cacher des intérêts qui sont propres et immédiats et qui, quelquefois, n’ont rien à voir ni avec la religion ni avec l’éducation spirituelle.

Dans ce cas effectivement, il peut y avoir des tensions parce que les intérêts, s’ils sont d’ordre matériel, de pouvoir et de sous ou d’être plus proches du pouvoir politique ou d’avoir un peu plus de ressources de la part de ceux qui les distribuent. Ses intérêts n’unissent pas. Les intérêts divisent en général. Et puisque les intérêts divisent, quand on les colle à un parti politique, à un syndicat, à une organisation religieuse, c’est exactement la même chose. Dans ce cas, il faut se rendre compte que ce n’est ni par la religion ni par la doctrine, encore moins par l’institution centrale d’où provient la division. Mais, c’est dans la dynamique d’implantation dans la société, du recrutement du plus grand nombre, dans la dynamique de recherche de symbole de privilèges, d’avoirs, de pouvoir, qu’il peut y avoir des tensions. Ce qu’on peut déplorer aussi, c’est qu’il n’y a pas une coopération entre les différentes confréries au Sénégal sur les enjeux qui les interpellent en commun. Ce sont des enjeux de société, d’éthique, moraux. Il n’y a pas vraiment de coopération entre ces différentes confréries. Chacune a ses activités parallèles à celles de l’autre.»



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