Ali Baba Gueye, 50 ans, pâtissier-diététicien, est un Sénégalais parti de rien pour s'élever au-dessus de la masse bêlante. L'Observateur vous conte la belle trajectoire d'un self made man, symbole vivant du rêve américain. Qui veut éradiquer la faim en Afrique.
De son bureau au «Ceci cela», le dandy svelte, guide avec des «par-ci, par-là». Il descend les escaliers, montre les salles de classe, le futur restaurant, avec son invite à l'entreprenariat : «Le seul échec, c'est de ne pas essayer», puis se dirige fièrement vers la ponte. Il sourit et serre des pinces, avec une bonne humeur ébouillantée d'énergie. «A nous revoir», dit-il, la voix mélancolique et la main qui tente de vous retenir une dernière fois, pour placer un dernier mot. Pour raconter une dernière anecdote sur sa vie-gâteau qu'il s'est faite sur les feux brûlants d'une existence longtemps vécue entre silence et pénitence. «J'ai toujours rêvé de rentrer au pays et de participer à la construction nationale, de transmettre ce que j'ai appris ailleurs aux jeunes pour les aider à se réaliser», confie-t-il, les yeux rivés sur son nouveau complexe école-restaurant, niché au cœur des Almadies (Zone 8), quartier résidentiel dakarois. Puis, un mot de gratitude : «Je ne suis pas un politicien, mais je tiens à remercier le Président Wade. Je le remercie infiniment. Il ne faut pas l'oublier. Sans lui, je ne serais pas revenu. Et peut-être jamais !»
«Issu d'une famille nombreuse et modeste»
Comme un retour au point de départ, Ali Baba Guèye, la cinquantaine, pâtissier connu et reconnu des... fins gourmets du monde, essaie de se faire une seconde vie en Afrique. Et, surtout, an Sénégal, pays de sa naissance, de son enfance et de ...sa grande galère. Né à Kaolack (Sara Ndiougary), dans la capitale du bassin arachidier sénégalais, le garçon issu d'une famille nombreuse et modeste, est confié, tout petit, à son oncle Mohamed Talla Cissé, greffier au tribunal régional de Diourbel. Dans cette ville du centre du Sénégal, antichambre de la puissante cité religieuse de Touba, berceau de la grande confrérie mouride, pousse un garçon débrouillard à la tête farcie de rêves étoilés. Ali Baba Guèye, en fils aîné, accommodant parce que responsable, docile parce que respectueux, a grandi avec la ferme volonté de réussir, non pas pour lui seul, mais pour les autres aussi. Mais si Diourbel ne nourrit pas son monde, au moins il lui offre la possibilité d'entrer en contact avec des émigrés qui peuvent aider à voyager. A s'exiler, comme leur guide, Cheikh Ahmadou Bamba, et de revenir auréolé de grâce et de gloire.
1978. Comme beaucoup de ses amis, Ali Baba, alors jeune paumé et sans grand avenir au Sénégal, décide de prendre les airs. Premier passeport («Que je garde encore dans mes bagages»), premier billet d'avion et direction de la France. Venu faire fortune dans la très grouillante capitale française, le jeune homme sera vite déçu de son... Paris.
«Les choses n'allaient pas trop bien là-bas», se souvient-il. Il y restera 6... longs mois, attendant que les lendemains se dépêchent de jouer leur rôle. Mais sa situation s'empire de plus en plus. Et comme le retour au pays natal est impossible, inconcevable, Ali Baba décide de passer la Sardaigne et d'aller en Italie. Au pays de la Tampa, le garçon trouve sa voie. Il se lance dans le commerce de faux habits et accessoires de luxe, dont de fausses montres Rolex. Milan et Rimini, dans le nord de la péninsule, Bolzano à côté de la plaine du Pô, le jeune Saloum-saloum fera le tour de la botte italienne pour écouler sa marchandise. Et c'est dans ces moments d'aventure improbable qu'Ali Baba fera la rencontre de sa vie. «J'ai rencontré un ami qui m'a parlé des Etats-Unis, raconte-t-il. Il m'a beaucoup parlé de New York.» La grosse pomme, capitale du fameux rêve américain.
«A New-York, sans un mot d'anglais et avec 28 dollars»
1985. Sans se faire un sang d'encre, Ali Baba. tente la nouvelle aventure. Il descend à l'aéroport John Fitzgerald Kennedy, sans un mot d'anglais et avec 28 dollars dans les poches. Tout ce qu'il avait gagné en Italie a déjà été partagé entre la famille et un petit compte d'épargne. Il lui faut tout recommencer. Ou presque. Mais New-York ,a accueilli des gens plus fauchés, des émigrés moins lotis. Entre sa statue de la Liberté, symbole de la vitalité de l'Amérique, à Central Park, en passant par le pont de Brooklyn jusqu'à l'Empire State building, il y a assez de stores et de services pour offrir du pain aux nouveaux arrivants. Et Ali Baba ne tardera pas à goûter au sien. Il est d'abord employé, tour à tour, comme plongeur au restaurant Bogdonoff, puis comme commis à Trois Jean, avant d'être recruté à Garden of Even comme chef de groupe. «Pendant tout ce temps, j'apprenais le métier sur le tas, raconte-t-il. Je dévorais aussi tous les livres de gastronomie, parce qu'entre-temps, j'avais pris des cours d'anglais et je pouvais lire et comprendre.» Une maîtrise de la langue qui ouvrira d'autres grandes portes au jeune Sénégalais. 1998. Alors qu'il est embauché au Grassroots, une table fréquentée par plusieurs grandes personnalités américaines, dont les stars du show¬biz, Ali Baba rencontre Erika Leifer, une femme de bonne famille, grande avocate New¬Yorkaise. La juriste réputée, tombée amoureuse de la cuisine du jeune gastronome sénégalais, lui propose d'ouvrir un restaurant. C'est la chance de sa vie. Ali accepte la proposition comme une manne du Ciel. Il met sur pied, au cœur du Greenwich Village, le restaurant Ali Baba pâtisserie sucrée-salée. Sa spécialité, des gâteaux au chocolat et noisettes fondants et petits-fours goûteux, sans beurre, œuf, lait, ni sucre blanc. Mais avec de la pectine de fruits pour sucrer et lier les ingrédients qui vont dans la confection de ces confiseries. Un bonheur de goût et de santé pour les adeptes du «tout sauf le cholestérol». Il fait le bonheur des New¬Yorkaises qui tiennent comme à la prunelle de leurs yeux, à leur ligne du concept «tout svelte». C'est le début d'une incroyable success story qui s'intitule : Ali Baba et les 40...saveurs.
«Rentrer en Afrique pour éradiquer la famine»
2000. Le Kaolackois est entré dans le troisième millénaire en pleine lumière. Derrière les fourneaux, Ali Baba, qui a lui-même plus de 200 recettes novatrices, a attiré les feux des projecteurs de la presse mondiale. Du New York Times en passant par la zagat Survey (bible de la gastronomie aux Etats-Unis, du Japan Times à l'Est républicain (France), Africa Magazine, Jeune Afrique .... Tout le monde lui a offert ses pages. Et les dirigeants les plus influents du monde le reçoivent et lui envoient régulièrement des correspondances pour l'inviter à leurs fêtes : Barack Obama (Etats-Unis), Abdoulaye Wade (Sénégal), le Sultan d'Oman etc.
2011. Malgré sa notoriété et son emploi du temps surbooké, le chef, Ali baba, qui a écrit 4 livres en gastronomie et voyagé un peu partout pour donner des cours aux quatre coins du monde, est aujourd'hui (définitivement ?) rentré au Sénégal pour apporter sa pierre à l'édifice nationale. «J'ai toujours dit que je voulais rentrer pour faire apprendre aux Africains à manger plus sain et moins cher. Parce qu'on a toutes les richesses chez nous pour sortir de la famine. Aujourd'hui, le Président Wade qui m'a reçu à New-York l'aimée dernière lors du sommet des Nations Unies, m'a conforté dans ma philosophie. Il m'a convaincu à rentrer et je suis heureux d'être là. » L'Afrique et le Sénégal aussi.
24 Commentaires
C
En Janvier, 2012 (03:42 AM)Gass
En Janvier, 2012 (03:44 AM)Omar Niang
En Janvier, 2012 (05:12 AM)Usa Today
En Janvier, 2012 (05:59 AM)Mangnsour Mbay
En Janvier, 2012 (06:43 AM)Sos
En Janvier, 2012 (07:10 AM)Aaron
En Janvier, 2012 (07:31 AM)Thiengal
En Janvier, 2012 (08:06 AM)Douds
En Janvier, 2012 (10:17 AM)je vis aux usa et gere une grande entreprise...mè mèfis toi des politiciens..
good luck for you amadou...
Foutaise
En Janvier, 2012 (12:31 PM)Gnoule
En Janvier, 2012 (13:00 PM)Sa Niece
En Janvier, 2012 (13:03 PM)4real
En Janvier, 2012 (14:23 PM)Rew Mi
En Janvier, 2012 (14:31 PM)Laye Loum
En Janvier, 2012 (16:03 PM)Ka
En Janvier, 2012 (20:51 PM)Reply_author
En Janvier, 2023 (07:06 AM)Gourmet
En Janvier, 2012 (13:58 PM)Diop Ndiaye
En Janvier, 2012 (06:26 AM)Doul Rek
En Janvier, 2012 (09:29 AM)Mais attention Amadou au Senegal TOUT LE MONDE MENT C'est tres DANGEREUX.
Sa Diarbat
En Janvier, 2012 (14:25 PM)Theo
En Janvier, 2012 (19:10 PM)Sa Diarbat
En Janvier, 2012 (00:06 AM)Khady
En Janvier, 2012 (02:25 AM)Arame Diaw
En Juillet, 2013 (15:00 PM)Participer à la Discussion