Alioune MAR (Maire de Rufisque-Ouest) : ‘C'est la rareté du poisson qui pousse les jeunes à partir’

Si certains pensent que l'émigration va entraîner une pénurie de poisson, le maire de Rufisque Ouest croit lui qu'il faut inverser les termes. En effet, selon Alioune Mar, c'est la rareté du poisson qui conduit ces jeunes à vouloir voyager par tous les moyens.

Le maire de la commune la plus touchée par le phénomène de l'émigration est sorti de son mutisme pour déclarer, au cours d'un point de presse, qu'il condamne l'émigration clandestine, mais qu'une alternative doit être trouvée par les autorités. Selon Alioune Mar, ce n'est pas le voyage des pêcheurs qui va occasionner la pénurie du poisson. Mais plutôt la rareté du poisson qui pousse les jeunes à tenter cette aventure vers la mort. ‘En réalité ce n'est pas l'émigration clandestine qui va créer une pénurie de poisson, c'est plutôt le contraire’, rectifie le maire. ‘C'est parce qu'il y a une raréfaction de ressources halieutiques qu'il y a ce phénomène qui a surpris tout le monde, surtout les familles léboues. Les Lébous tentent rarement cette expérience bien qu'ils soient un peuple côtier’, dit Alioune Mar selon qui, ‘les jeunes Lébous ne connaissaient pas cette méthode d'émigration’. ‘Il faut faire une analyse beaucoup plus profonde, beaucoup plus prospective de ce phénomène pour savoir ce qui est à la base. La première cause c'est la pauvreté. En réalité ce sont des jeunes qui n'ont pas d'emploi, qui ne savent plus quoi faire et devant la tentation de partir, généralement ils ne peuvent pas résister’, souligne le maire.’

Le phénomène ne concerne pas uniquement les pêcheurs. Les gens venus de l'extérieur de la commune viennent prendre départ au niveau de la côte rufisquoise.

Dans la nuit du mercredi, les limiers du commissariat central de Rufisque ont débarqué les bagages prévus pour le voyage des clandestins. C'est ainsi que du riz, du gaz, de l'huile, des gilets de sauvetage et des fûts d'essence ont été confisqués par la police pour des besoins de l'enquête. Selon une source, les dix-sept prévenus seront déférés ce vendredi au parquet.

Nom de baptème de la nouvelle filière d'immigration : Djihad ou Guerre Sainte

La filière d'émigration née à Rufisque s'accompagne d'un nouveau vocabulaire. Ainsi, les jeunes qui tentent l'aventure disent qu'ils effectuent une Djihad c'est-à-dire qu'ils effectuent une Guerre Sainte. Pour ces jeunes, celui qui meurt au cours de cette traversée va droit au paradis. L'idée est tellement ancrée dans leur tête qu'il est difficile de leur faire comprendre le contraire. ‘Beaucoup de jeunes que j'ai rencontrés me disent qu'ils vont en Djihad. La première fois que j'ai entendu ce genre de raisonnement, je me suis dit qu'ils sont arrivés à un point de non retour. C'est comme les Palestiniens qui se tuent pour une cause’, dit le maire de Rufisque-Ouest.

D'autres utilisent le mot ‘Mbeukeu’ pour parler du voyage vers l'inconnu. Ce mot, selon les jeunes, signifie toucher le fonds de la mer. L'allusion à une embarcation naufragée est claire.