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Alioune TINE, secrétaire général de la Raddho : ‘ Le Sénégal a une image dégradée ’

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Alioune TINE, secrétaire général de la Raddho : ‘ Le Sénégal a une image dégradée ’

Même si le Sénégal a été félicité sur les questions de droits de l’Homme, il n’empêche que le seul fait que la plupart des pays occidentaux aient demandé au Sénégal d'inviter les rapporteurs spéciaux sur les questions de torture, sur l'indépendance de la justice, la liberté de la presse et surtout la dépénalisation qui a été soulevée de manière récurrente…, cela prouve que le pays n’est pas exempt de reproches. L’analyse est du président de la Raddho, Alioune Tine.

Wal Fadjri : Le Sénégal a été largement félicité par les différents Etats qui ont pris la parole. D'autres ont fait des recommandations. Que pouvez-vous dire à l'heure actuelle ?

Alioune TINE : Je voudrais souligner qu'il faut beaucoup plus de concertation entre l'Etat et les Ong. Quand ces concertations existaient avec Mame Bassine Niang et avec certains ministres que nous avons connus comme le Général Mamadou Niang, il y avait eu beaucoup d'amélioration dans le domaine des Droits de l'Homme. Mais ce à quoi, on assiste aujourd'hui, franchement, cela n'existait pas. Le problème des morts en détention s'est multiplié et cela préoccupe les Sénégalais depuis deux ans entre 2008 et 2009. Quand vous êtes mort en détention, les présomptions de torture réelles doivent être soulevées, des sanctions doivent être suivies.

Il est évident que le ministre s'est défendu mais le seul fait qu'il y ait un débat sur les questions de torture, le seul fait également que la plupart des pays occidentaux respectueux des droits de l'Homme aient demandé au Sénégal d'inviter les rapporteurs spéciaux sur les questions de torture, sur l'indépendance de la justice, montrent effectivement que les questions qui sont soulevées par les Ong sénégalaises des droits de l'Homme sont réels. Le seul fait également que la question de la liberté de la presse et surtout de la dépénalisation soit soulevée de manière récurrente ici malgré les dénégations du ministre Madické Niang, cela veut dire aujourd'hui qu'il faut faire des efforts. S'y ajoute la demande formulée concernant l'abrogation de l'article 80. D'autres questions ont été posées par nos Ong qui ont bien travaillé, notamment celles qui s'intéressent aux droits des enfants, à l'égalité en genre, sur la violation faite aux femmes et sur la question des handicapés.

Je voudrais qu'on mette de côté la mauvaise foi parce que pour quelqu'un qui sait bien décoder le langage diplomatique, c'est qu'en réalité nous avons une image dégradée. Je suis venu ici hier, j'ai écouté beaucoup de pays mais les questions qui ont été posées au Sénégal concernant les droits de l'Homme et les préoccupations exprimées sont de nature à singulariser le Sénégal. Les diplomates sénégalais ont intérêt à dire la vérité à l'Etat du Sénégal pour qu'on corrige le tir. Nous sommes prêts en ce qui nous concerne à jouer notre rôle pour promouvoir les droits de l'Homme et promouvoir également l'image du Sénégal dans ce domaine. Nous ne sommes pas là pour détruire, pour dénoncer ou pour dégrader l'image du Sénégal. Nous sommes là quand bien même pour dire attention. Et je pense que ce langage là doit être entendu.

Wal Fadjri : Et sur le procès de Hissène Habré qui a été soulevée par certains intervenants ?

Alioune TINE : La question de Hissène Habré a beaucoup été soulevée ici. Je pense qu'il est temps, par rapport au cancer de l'impunité en Afrique, d'avoir un symbole. Les questions financières qu'on pose, ce sont de faux problèmes à partir du moment où le Sénégal montrera la volonté politique pour le juger.

Wal Fadjri : Vous pensez vraiment qu'il n’y a pas une volonté politique réelle du Sénégal de juger Habré ?

Alioune TINE : Oui, il y a bien sûr une volonté de juger Habré, il faut le reconnaître. Le fait qu'il y ait eu des réformes, juridique, constitutionnelle et législative font que le Sénégal dispose d'une des meilleures lois en matière de compétence universelle. Ce qui est extrêmement positif, nous l'avons exprimé. Mais permettez-moi de dire tout de même que ce n'est pas digne du Sénégal qu'on dise si je n'ai pas tous les moyens financiers, je ne vais pas faire le procès. Je pense qu'il faut avoir le courage de dire au président qui est le Chef de l'Exécutif que c'est d'abord une immixtion intolérable dans l'indépendance de la magistrature. On a même demandé à ce que le rapporteur spécial sur l'indépendance de la magistrature aille au Sénégal pour voir ce qui se passe, donc il y a des efforts à faire dans ce sens là.

Il faut noter que depuis l'indépendance, le Sénégal n'a pas fait véritablement de réforme de la justice parce que notre pays a fait l'alternance démocratique et politique sans passer par les transitions que l'on a connues ailleurs en Afrique, ni les conférences nationales ni même les débats nationaux, etc. C'est ce qui fait qu'on a fait l'impasse sur un certain nombre de choses depuis la fin de la colonisation. Il est donc temps de revoir tout cela avec beaucoup de sérénité pour qu'on aille en avant. Le Sénégal n'appartient ni à Wade ni à Madické Niang ; il nous appartient à nous tous. S'ils montrent la volonté politique, il est évident que les Ong seront derrière.

Wal Fadjri : La question de l'homosexualité a notamment intéressé des pays comme la France. Quel commentaire faites-vous ?

Alioune TINE : Ecoutez, il est même absurde que la question de l'homosexualité se pose alors que les homosexuels ont toujours existé au Sénégal. Tout le monde les connaît. Ils participent à de grandes cérémonies et à beaucoup d'autres animations ; pourquoi faire maintenant autant de bruit sur cette question. C'est carrément une régression. La culture sénégalaise de façon générale n'a jamais été agressive contre les homosexuels. Pourquoi donc revenir en arrière, je pense qu'il faut qu'on fasse extrêmement attention. L'Etat n'a pas à s'ingérer dans les activités privées des citoyens. C'est une obligation internationale du Sénégal de respecter la vie privée des Sénégalais.

Wal Fadjri : Mais ne pensez-vous pas aussi qu'il faudrait faire un travail d'éducation et de sensibilisation autour de l'homosexualité ?

Alioune TINE : Je suis entièrement d'accord avec vous car, la répression ne suffit pas. Il faut faire une grande sensibilisation. Si on stigmatise les homosexuels, cela risque de bloquer le travail fait sur la prévention du Sida. Il faut faire preuve de tolérance. C'est dire qu'il faut revenir à cette valeur où l'on discute et où l'on dialogue. Il faudrait travailler à éliminer toute forme de discrimination sur une quelconque catégorie de personne.

Wal Fadjri : Que dites-vous sur la question de liberté de la presse qui a été soulevée ?

Alioune TINE : Concernant la liberté d'expression au Sénégal, je pense qu'il faut dépénaliser. D'ailleurs, les grands problèmes qu'on a avec la presse, c'est très simple, c'est quand on s'attaque au président de la République. C'est vrai, c'est une institution…

Wal Fadjri : Cela voudrait-il dire qu'un journaliste est libre de tout faire et sans preuves ?

Alioune TINE : Ecoutez, je pense que dans le cadre de la dépénalisation des délits de presse, on peut régler le problème, par exemple, par le droit de réponse ou par un mécanisme des paires. Les journalistes pourront ainsi se référer à leur éthique professionnelle et à leur déontologie. Ce sera à eux de faire la police dans le journalisme et même jusqu'à retirer la carte de presse du fautif si ce dernier salit la profession. Ce travail, il faut le faire même à l'échelle sous régionale pour qu'on ne puisse plus dire qu'il y a ici ou là un journaliste emprisonné. Il y a un travail de sensibilisation qui doit être engagé pour que franchement le délit de presse soit dépénalisé dans toute la sous région.

Propos recueillis à Genève Par El Hadji Gorgui Wade NDOYE (ContinentPremier.Com)



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