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APRÈS LEUR RETOUR AU BERCAIL : Farba Senghor propose des solutions, les rapatriés demandent un retour en Espagne

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APRÈS LEUR RETOUR AU BERCAIL : Farba Senghor propose des solutions, les rapatriés demandent un retour en Espagne

Le ministre de l’Agriculture, Farba Senghor, a rencontré hier, comme promis, les rapatriés d’Espagne arrivés mercredi dernier par avion. M. Senghor est venu avec diverses solutions dont le plan Retour vers l’agriculture (Reva) du président Wade, qu’il a proposé aux jeunes candidats malheureux à l’émigration. Mais ces derniers n’avaient que ces mots à la bouche : qu’on les retourne en Espagne.

L’entrée de l’Hôtel de Ville de Dakar attire l’attention des passants qui ne peuvent s’empêcher de ralentir le pas pour observer une foule dans laquelle certaines personnes arborent autour de la tête ou du bras un morceau de tissu rouge. Cette couleur est devenue celle de l’expression de la colère depuis que Me Wade a suggéré cette manière pacifique de protester. Mais visiblement, la nervosité est ambiante. Il est bientôt 11 heures et le ministre de l’Agriculture, Farba Senghor, n’est toujours pas là. Mercredi dernier, le ministre avait promis de se retrouver avec les jeunes rapatriés d’Espagne à l’Hôtel de Ville pour d’amples discussions.

Mais la foule de rapatriés, grossie par leurs proches et parents, s’impatiente, s’énerve et est au bord de l’explosion. La presse semble être l’exutoire de circonstance, on menace même des journalistes présents. 10h 33mn, l’ambassadeur conseiller spécial du président de la République chargé des Sénégalais de l’extérieur, Saér Guèye arrive à bord de son véhicule. Il rassure un rapatrié quant à l’arrivée immiente de Farba Senghor qui débarque à 11h 44mn.

« Nous voulons vous aider »

Dans la salle du conseil municipal, en Wolof, le ministre va droit au but : « nous sommes là pour trouver des solutions. Donc on n’a pas besoin de porter des foulards rouges », dit-il. Certains daignent alors ranger leurs bouts de tissu rouge. Le ministre rappelle en bref les conditions de rapatriement « par menottes » et dénonce la violation des conditions internationales. D’où la suspension des opérations de rapatriement. Et d’enchaîner : « nous sommes là pour vous soutenir. Le gouvernement désire que ceux qui veulent bénéficier du plan Reva soient orientés pour les formalités et doléances. Ceux qui veulent un emploi et qui ont un métier, seront aussi orientés dans ce sens », dit-il. Il en est de même pour ceux qui ont un projet où qui ne se retrouvent pas dans les formules proposées par le gouvernement. « La commission se réunira pour passer aux actes immédiatement. Nous voulons vous aider », ajoute le ministre de l’Agriculture.

Des grincements de dent se font entendre, le ministre appelle à la sérénité. Une liste de cinq intervenants est dressée séance tenante pour interpeller M. Senghor. Samba Ndao Niang se jette à l’eau le premier : « deux d’entre nous ont presque perdu la raison et trois autres n’ont pas eu le courage de rentrer chez eux. Nous éprouvons de la peine en ne les voyant pas parmi nous », lance-t-il. « Notre but, c’était d’aller en Espagne, nous avons hypothéqué nos vies en mer, conscients qu’on ne meurt qu’une seule fois. Les Espagnols nous ont bien traités et nous sommes restés là-bas 33 jours. Nous ne pensions plus rentrer bredouille », ajoute-t-il. Selon ses déclarations, ils en étaient à la confection de documents administratifs pour qu’ils puissent se rendre, librement, à Malaga et Madrid. « A propos de plan Reva et autres propositions, nous voulons qu’on nous retourne en Espagne. Certains parmi nous sont Lébous, je ne connais pas l’agriculture. La meilleure aide (qu’on puisse nous apporter), c’est notre retour en Espagne », dit-il. Et Farba Senghor de préciser : « nous ne soutenons pas que tout le monde sera orienté vers le plan Reva. Il s’adresse à ceux qui veulent cultiver, les pêcheurs et autres s’inscriront ailleurs ».

« Mort ou vif, j’irai en Espagne »

Moustapha Wellé enchaîne, comme s’il n’avait pas entendu les explications du ministre sur la diversité des offres. « La plupart d’entre nous sont de Yarakh. Nos parents ont hypothéqué leurs maisons, nos mères vendu leurs bijoux… » Et de lancer une sorte de credo : « réussir ou mourir ». Il rappelle qu’il leur manquait peu de jours pour boucler la quarantaine de jours leur permettant, croit-il, d’être libres de mouvements. Selon ses dires, certains Sénégalais ont préféré se faire passer pour des Ivoiriens ou des Guinéens de peur d’être rapatriés. Un agent espagnol leur administrait des coups de gifles pour les pousser à décliner leur vraie nationalité, ajoute-t-il. Sur ces actes de violences rapportés, Farba Senghor a demandé des explications. Quoi qu’il en soit, les émigrés sénégalais, une fois identifiés, ont fait la queue, croyant qu’on allait les acheminer à Madrid et Malaga, continue M. Wellé. « J’étais le premier du rang, mais à ma grande surprise, on m’a menotté lorsque je me suis approché. J’ai demandé pourquoi mais on m’a dit qu’on allait nous amener à Madrid et Malaga. Nous étions rassurés. Dans l’avion, on nous a interdit de regarder par les vitres (hublots). A l’arrivée de l’avion, je regarde par le hublot et je vois de l’herbe et du sable noir. Je dis alors à mes camarades que nous ne sommes pas à Madrid ». Leur surprise fut renversante lorsque, ajoute-t-il, quelqu’un est venu leur souhaiter la bienvenue au… Sénégal.

« Certains criaient et pleuraient », dit-il. Et Moustapha Wellé de lancer son message : « mort j’irai en Espagne, vivant j’irai ». Modou Dia hérite du micro pour faire savoir que tout émigré à Forte Ventura est presque dans l’antichambre de la liberté. Pour eux, ajoute-t-il, tous les papiers étaient prêts. Mais il accuse les autorités d’avoir permis leur rapatriement alors que « l’Espagne a besoin de main d’œuvre. Sauf Ténériffe, les autres îles (des Canaries) sont en chantier. Nous voulons retourner. Les emplois (que l’on nous propose), tout ça, nous n’en voulons pas ». La salle applaudit. « Dans les champs, nous ne pouvons pas gagner 400.000 francs par mois alors que là-bas, on peut avoir 600 à 800.000 francs par fin du mois. Aidez nous, 99 personnes, c’est insignifiant. L’Espagne ne sera jamais pleine (d’émigrés). C’est Barcelone ou Barzakh (l’au-delà, ndlr) », termine-t-il. Le quatrième intervenant, Toss Niang, appelé Imam, mérite bien son surnom, il commence son allocution par des prières assorties de versets du Coran pendant plusieurs minutes. Il plaide la cause de passeurs qui sont en prison avant d’emboucher la même trompette du retour en Espagne. Farba Senghor leur rappelle le document les livrant à un juge d’instruction et qu’ils détiennent. Mais la foule estime que le papier ne veut rien dire. C’est dans ce vacarme qu’Ibra Niang, apparemment le plus âgé du groupe intervient. Mais c’est pour tenir le même langage que la masse. Cet ancien navigateur estime que leur erreur a été d’avoir décliné leur nationalité sénégalaise. « Nous voulons retourner, vous avez la possibilité politique pour notre retour », estime-t-il. Samba Niang reprend le micro pour poser le débat en ces termes : « tout ce que nous voulons savoir, c’est si on va nous ramener ou pas ». Farba Senghor passe le micro au colonel Mohamed Fall du Comité national chargé de la gestion des rapatriés, réfugiés et personnes déplacées. Il explique le processus conduisant au rapatriement ou à la libération d’un clandestin en Espagne avant de faire savoir : « l’Espagne savait où vous conduire parce que vos nationalités étaient connues ». La foule s’excite de nouveau pour exprimer sa désapprobation. Le ministre de l’Agriculture reprend la parole pour conclure : « nous vous avons écouté, certains veulent retourner… » La foule l’interrompt : « nous tous ».

Le ministre leur explique qu’un retour implique le gouvernement du Sénégal et aussi de l’Espagne. « Aucun membre du gouvernement n’a demandé votre expulsion. Me Wade, lorsqu’on a décidé de vous expulser, n’a pas voulu que vous soyez en difficulté. Maintenant, le gouvernement vous a fait des propositions que vous avez rejetées ». La solution, ajoute Farba Senghor, c’est, si l’Espagne à réellement besoin de main d’œuvre comme soutenu dans la salle, d’inclure cette question dans les négociations avec les Espagnols. « S’ils acceptent, nous commencerons par vous. Ce qui permettra une émigration légale. Ceux qui veulent du plan Reva et les autres propositions seront orientés », dit le ministre.

C’est dans une atmosphère électrique que la rencontre a pris fin. Se confiant à la presse, Farba Senghor a fait comprendre que le gouvernement a pris les dispositions pour le plan Reva qui permettra de relancer l’agriculture sénégalaise et par ricochet de créer des emplois. Ce plan démarre le 15 juin prochain. Des sites ont été localisés à Matam, Saint-Louis et Kirène.



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