A Sandaga, on ne présente plus le bijou qui est en vogue. Il suffit de jeter un coup d’œil sur les vitrines pour savoir que les bijoux faits avec de «l’argent sale», appelés «Mark Side», semblent concurrencer valablement l’or. Ce qui, du reste, n’est pas le cas. L’or reste de loin le préféré des dames, selon certains bijoutiers.
Un tour au marché Sandaga permet de se rendre compte que les bijoux «Mark Side» sont entrés en force dans le marché sénégalais. Et sont devenus, de loin, les préférés des Sénégalaises, selon les vendeurs interpellés. A «Laalu wuruuss», un centre commercial niché à Sandaga et spécialisé dans la vente de l’or et des autres bijoux, il y en a pour tous les goûts. Des bijoux en argent simple, en 925 millièmes, en or ou les «Mark Side» sont visibles dans les vitrines.
Depuis un certain temps, ces bijoux «Mark Side» devancent même l’or, en termes de vente. De couleur grisâtre, ce bijou donne l’air d’un objet sale. Ce qui confirme bien l’appellation d’«argent sale» qu’on lui colle. Une fois sa provenance évoquée, les vendeurs s’y perdent. Certains pensent que c’est un produit venant des Usa ou du Maroc. Ce que contestent d’autres qui soutiennent que c’est un bijou fabriqué en Turquie et importé aux Etats-Unis. Selon Ibra Guèye, trouvé dans sa bijouterie, ce bijou serait d’origine turque. «Ce sont les commerçants qui disent que les bijoux nous viennent des Etats-Unis ou du Maroc pour mieux vendre leur produit. Mais l’on retient que le «Mark Side» est d’origine turque.»
Selon un homme de teint clair, taille moyenne, il y a deux modèles de «Mark Side» : un, avec des perles et un autre avec des strass. Cependant, le prix du gramme reste le même. «Je vends le gramme à 2 000 FCfa. Cela a un peu chuté. Parce qu’au début, le gramme était plus cher», poursuit-il. Contrairement à Ibra, Baye Diop révèle que le prix du gramme de «l’argent sale» varie en fonction de la régularité du client. «Je vends le gramme de 2 000, 2 500 et exceptionnellement 1 500 FCfa pour nos fidèles clients.» De son côté, Ass Diongue dévoile que le «Mark Side» est là depuis plus de 10 ans, mais vient juste d’être connu par le grand public. Selon ce bijoutier, la Turquie et la Thaïlande demeurent les principaux producteurs de ces bijoux. Avant d’établir une comparaison entre les prix : «Un ensemble qui coûtait avant 300 000 FCfa se vend aujourd’hui à moins de 100 000 FCfa.»
Crise oblige
Avec la crise qui secoue le monde entier, les Sénégalaises se rabattent sur le «Mark Side». Un choix qui se justifie par le coût très élevé de l’or. Raison pour laquelle, nombreux sont les bijoutiers qui comprennent le renversement de la situation. Selon Ibra, les temps sont durs. Et à défaut de pouvoir se payer un joli bijou en or, les femmes achètent l’«argent sale». Ce que Penda, secrétaire-comptable de cet atelier, confirme. «En plus de leur beauté, ce style est de moindre prix. Et c’est à la mode. Je ne vois pas de mal à ce que les gens préfèrent ce genre de bijoux. C’est vraiment habillé.» Une autre, cette fois-ci venue en acheter dans une autre joaillerie, y trouve son compte. «Ça fait maintenant six mois que j’achète ce genre de bijou. Les temps sont très durs. Pour cette dame, de teint dépigmenté, emmitouflée dans un grand boubou bleu, c’est un bijou qui a de la valeur comme les autres. Parce que, je peux le garder comme on le fait avec l’or.» La vente de ce bijou est lucrative. «Je viens ici chaque fin du mois pour acheter en gros ces bijoux, que je place, une fois à la Sicap, là où j’habite, au marché. Et les commandes ne manquent pas. Les gens en raffolent, vu que c’est moins cher que l’or», déclare cette habituée des lieux.
Pas facile à liquider
Si certains vendeurs pensent que la vente du «Mark Side» est une bonne affaire, d’autres sont persuadés que ce bijou n’est pas facile à vendre. Alioune Badara Tall fait partie de ce lot. Pour lui, il n’y a rien de tel que l’or. «Je conseille aux femmes qui peuvent acheter l’or de le faire parce que c’est plus facile à écouler sur le marché», lance-t-il. Amdy Sèye est du même avis. Il a arrêté de vendre ses bijoux de peur de perdre sa clientèle. «Après avoir analysé la tendance, je me suis retiré de la vente de «l’argent sale». Et je me consacre, désormais, à l’or». Même constat chez Talla Mbaye. Habillé en «poncho» vert militaire, pour se protéger des eaux de pluies, Talla dit être prêt à laisser le «Mark Side». «Si j’arrive à épuiser ce stock. Je ne ferais plus de commande. Car l’argent du Sénégal est plus facile à vendre», affirme-t-il, l’air déçu.
Un bijou appelé à disparaître
90% des gens interpellés soutiennent que le «Mark Side» est appelé à disparaître. Ils laissent entendre qu’avec la mode, il faut s’attendre à tout. Ce qu’a confirmé Ibra. «Les gens, particulièrement les Sénégalais, aiment la nouveauté. Ils suivent la mode.» Ce dernier souligne que les bijoux du genre «Mark Side» ont une durée de vie bien déterminée. Une fois la curiosité sénégalaise achevée, on ne parlera plus du bijou. Ce que confirme son ami Talla. D’après lui, ces bijoux sont pour embellir leurs vitres. «C’est au début que la vente était rentable. Aujourd’hui, j’ai du mal à écouler le produit.» Et si on constate la tendance, d’ici peu, on parlera d’autre chose que de «Mark Side». Mais attention à la contrefaçon. Il y a du faux qui ressemble à du vrai. Cette fois-ci, plus noir et sans éclat. Une matière obtenue à partir du nickel.
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