Argent “halal” vs argent “haram” : des flux financiers à deux vitesses
Au Sénégal, pays à majorité musulmane, la question de la conformité religieuse des opérations financières est de plus en plus prégnante. Nombre de Sénégalais choisissent d’éviter les banques et plateformes traditionnelles qu’ils jugent «?haram?», c’est-à-dire contraires aux principes de la finance islamique, notamment l’interdiction de l’usure (riba) et des activités spéculatives. Cette dynamique crée un double circuit financier où coexistent des flux dits «?halal?», conformes à la charia, et des flux «?haram?» plus classiques, générant ainsi des disparités dans l’accès aux services bancaires et dans la traçabilité des capitaux.Face à cette demande croissante, le Sénégal a vu apparaître ces dernières années une offre de produits financiers islamiques, tels que les comptes sans intérêt, les financements participatifs (moudaraba, moucharaka) et les sukuks (obligations islamiques). Selon la Banque Centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO), le marché de la finance islamique dans la région représente désormais près de 10 % des actifs bancaires totaux, avec une croissance annuelle estimée à plus de 15 %. Cependant, ces produits restent concentrés dans les grandes villes et n’atteignent pas encore pleinement les populations rurales ou moins bancarisées.Cette dualité financière conduit à un phénomène d’exclusion partielle du circuit bancaire classique pour une partie de la population, qui privilégie des modes de financement informels ou communautaires, parfois moins transparents. Par ailleurs, des flux financiers échappent aux systèmes de contrôle habituels, ce qui soulève des enjeux de régulation, de fiscalité et de lutte contre le blanchiment d’argent. Le défi pour le Sénégal est désormais de renforcer l’intégration de la finance islamique dans le cadre réglementaire national, afin d’assurer un accès inclusif et sécurisé aux services financiers tout en respectant les convictions religieuses de ses citoyens.
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