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ARGENT, POLITISATION, PROMISCUITÉ... LES RACINES DE LA VIOLENCE A L’UCAD

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ARGENT, POLITISATION, PROMISCUITÉ... LES RACINES DE LA VIOLENCE A L’UCAD

L’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (Ucad) ne veut apparemment point chasser les démons de la violence. Désormais, tous les problèmes s’y règlent par la violence qui s’impose en loi, en lieu et place de la lumière du savoir. Qu’est-ce qui expliquent de telles violences dans l’espace universitaire ? Le Soleil met la lumière sur les racines du mal...dont les privilèges fondés sur le fait d’être responsable d’amicale estudiantine.

Ce jeudi 3 juillet 2008, pour des élections de représentativité des étudiants de la Faculté des Lettres et Sciences humaines (Flsh), l’université Cheikh Anta Diop de Dakar (Ucad) a vécu une des journées les plus tristes dans les annales de l’établissement. Les candidats des différentes listes en concurrence se sont encore livrés à une bataille rangée ; des actes inqualifiables.

Des violences extrêmes, exercées avec « une frénésie et une sauvagerie sans précédent sur les personnes, les édifices et les équipements pédagogiques », comme l’indique l’assemblée de Faculté dans sa déclaration finale. Armes blanches (couteaux, machettes), bombes asphyxiantes, cailloux ont été utilisés dans ce combat. Le bilan est lourd. De sources médicales (Dr Diakhoumpa du Service social du Coud), il a été relevé une centaine de blessés dont une trentaine évacués dans les hôpitaux de Dakar.

De même, une vingtaine de locaux ont été dégradés à tous les niveaux de l’édifice central, la baie vitrée du hall de la faculté littéralement pulvérisée, des vigiles chargés de la sécurité du scrutin blessés, des outrages et des violences verbales exercés sur les personnels administratif et professoral, etc. « J’ai fait plus de 17 ans à la Faculté des lettres, mais jamais il m’est venu à l’idée que les étudiants étaient capables d’une aussi monstrueuse destruction », explique dépité l’un des responsables de la scolarité, M. Der.

Arrêt du scrutin

Pourtant, tout a été mis en œuvre pour éviter ce scénario. La sécurité était renforcée (50 vigiles) et le médiateur a déployé 30 observateurs. Mais, rien n’y fait. La violence a été au rendez-vous, comme le craignaient certains. La sentence immédiate de la faculté ne s’est pas fait attendre. A 12h 30 mn, il a été décidé, pour des raisons de sécurité, « d’arrêter le vote ».

L’Assemblée de la faculté, réunie 4 jours après, est allée plus loin : arrêt de travail de 48 heures, demande de poursuites judiciaires contre les auteurs des violences et dégradations, annulation du scrutin du jeudi 03 juillet 2008, suspension de toutes les activités de l’amicale, sanctions administratives à l’encontre des fauteurs de troubles, demande de dissolution pure et simple des amicales. Quant aux Personnels administratifs, techniques et de service (Pats) de ladite faculté, ils ont décidé de ne « plus participer à quelque organisation d’élection de représentants des étudiants ».

La « honte »

Les responsables des différentes listes (jaune et rouge) qui se sont affrontés par jets de pierres se rejettent la responsabilité de ces sanglantes échauffourées. Cheikh Omar Ndong de la « Coalition jaune » pointe du doigt la « Liste rouge ». Ce que nie le responsable de cette liste, Ndiaga Diouf. Dans tous les cas, les faits sont là et parlent d’eux-mêmes. Ils agissent sur la conscience de tous, singulièrement des auteurs. Au lendemain de ces grabuges, les leaders des listes en lice n’ont pas manqué d’exprimer leurs regrets. « Nous avons tous honte et cela n’honore en rien la Flsh », affiche le coordonnateur de la coalition jaune, Macoumba Sadji.

A l’en croire, la violence est le fruit d’un processus qui a duré 2 ans. « On a atteint le point de non retour », dit-il sans pour autant expliquer le pourquoi. Quant au coordonnateur de la « Liste blanche », Babacar Diop, il n’arrive pas à donner une explication à ces actes. Apparemment dépassé par les événements, il soutient que l’Ucad est « gravement malade ». « La crise est sérieuse. Avec cette violence pérenne, le débat intellectuel et démocratique disparaît. Ainsi, la force se substitue aux idées. Toutes les contradictions sont réglées par la violence qui demeure la manifestation d’une certaine inculture », ajoute-t-il.

L’argent, la principale racine du mal

Mais, pourquoi tant de violences au cours de l’élection des délégués ? Cette question taraude l’esprit de tous les observateurs du système scolaire et même du simple citoyen. La réponse tombe comme un couperet : le nerf de la guerre, l’argent !

En effet, ce sont des millions que gèrent et de façon discrétionnaire les amicales des facultés, écoles et instituts. Du moins leurs responsables. Une manne financière qui provient à la fois des ristournes sur les inscriptions, des subventions (rectorale et du Centre des œuvres universitaires de Dakar (Coud). Les délégués perçoivent des per diem à chaque participation aux travaux de la commission de distribution des chambres du Coud. « En plus d’être logés et nourris, ils bénéficient d’une indemnité journalière », dit-on du côté du Coud, et au même titre que les agents de l’institution sociale pour les étudiants. Laquelle subventionne toutes les amicales. Par exemple, l’amicale de la Flsh reçoit 1.200.000 Fcfa par an, compte tenu du nombre d’étudiants. Le montant est donné en 2 tranches de 600.000 Fcfa confie un membre d’amicale d’une école. Il en est de même, selon certains étudiants, du rectorat qui donne 300.000 Fcfa et du décanat (200.000 Fcfa). Ce que nie formellement le directeur de la réforme de l’Enseignement du Rectorat, Abdoul Karim Ndoye. « Le rectorat ne subventionne aucune amicale. Il ne fait que les ristournes parce que l’inscription à l’université est de 4800 Fcfa ; donc, on donne 200 Fcfa par étudiant puisqu’ils versent 5000 F à l’inscription », explique M. Ndoye. Il précise qu’il arrive que le recteur accorde des subventions ponctuelles lors des manifestations scientifiques, culturelles, etc. ». Mais, s’empresse-t-il d’ajouter, « actuellement, c’est le conseil scientifique qui reçoit toutes les demandes de subventions ponctuelles, les étudie et donne un avis favorable ou pas. Cela répond à un souci de transparence ». Le doyen de la Flsh est aussi formel : « le décanat ne donne aucune subvention. Les amicales ne sont, à aucun moment, subventionnées par le décanat, même pas de façon ponctuelle », précise le doyen de la Flsh, le Pr. Saliou Ndiaye.

Le gros budget de l’amicale vient des ristournes sur les inscriptions. Elle perçoit 200 Fcfa pour chaque étudiant inscrit au niveau de l’Agence comptable de l’université. A la date du 18 juin 2008, souligne le chef du personnel de la faculté des Lettres, Thierno Diop, « 24.353 étudiants » ont été régulièrement inscrits. Ce qui correspond à un montant de « 4.870.600 Fcfa » en termes de ristournes. Des sommes auxquelles aucune école ou institut ne peut prétendre au vu du faible nombre de leur effectif. Par exemple, pour une école comme le Centre d’études des sciences et techniques de l’information (Cesti), le Conseil d’établissement vote en faveur de l’amicale une subvention de 200.000 Fcfa à laquelle s’ajoutent 200.000 autres de la commission sportive, soit un total de 400.000 Fcfa à l’amicale des élèves journalistes. La subvention du Coud est de 800.000 payée en 2 tranches. Quant aux ristournes, elles vont à la coordination des écoles et instituts au nombre de huit (8). Et le partage se fait en fonction du nombre d’inscriptions. La coordination procède également à la répartition des chambres.

« Privilèges énormes »

A toutes ces subventions s’ajoutent celles dites ponctuelles en forme de soutien lors des manifestations organisées par les amicales. La gestion de tous ces fonds est laissée à la discrétion de l’amicale. « Ils ne rendent jamais comptent à qui que ce soit », se plaignent des étudiants. Des propos corroborés par le directeur de la réforme. « La manne financière est gérée sans qu’il y ait des mécanismes de contrôle », dit M. Ndoye. Ainsi, l’amicale devient un « élément d’enrichissement, c’est-à-dire de privilèges énormes qui poussent souvent à ne pas vouloir céder », estime l’enseignant. A ces enjeux financiers, viennent se greffer d’autres à caractère social et politique.

Les amicales attribuent également les bourses sociales octroyées par la direction des bourses - 400 au total -, dit-on, gèrent la codification avec le Coud, notamment les chambres d’attribution sociale. Sans pour autant avancer le chiffre exact, le directeur des Bourses, Ousseynou Goumbala confirme la gestion d’un quota de bourses par les amicales. « Chaque faculté a un quota. Ces bourses sont gérées par leurs commissions sociales qui font respecter les critères sociaux puisque jusqu’à présent cela n’a jamais fait l’objet de violence contrairement à la codification », indique M. Goumbala. Ce dernier de préciser d’ailleurs que ce sont « des demi-bourses destinées aux étudiants dont la situation sociale est très précaire ».

Mieux, elles bénéficient de...« 200 emplois « fictifs » au Coud ». « La Flsh bénéficie de 50 sur ces 200 », souligne-t-on. Les amicales régissent aussi les salles informatiques des écoles, instituts et facultés. Par exemple, l’amicale de la Flsh dispose d’une case-foyer dotée d’un cyber, d’une cafétéria, d’une salle informatique équipée d’une photocopieuse et d’une machine pour la reliure.

Autant d’activités qui, également, rapportent beaucoup d’argent. Or, l’amicale est une structure privée régie par la Loi de 1901 qui concerne les associations à but non lucratif....

Leadership

Dans tous les cas, l’amicale gère une véritable manne financière au moment où « la faculté n’arrive pas à financer les annales », se plaint un enseignant. Cette somme et cette position qu’ils occupent permettent aux dirigeants des amicales d’exercer un « leadership sur leurs camarades », soutiennent des étudiants. Ceux-ci les accusent aussi de ne payer « ni la chambre ni les repas ». Des propos rejetés par les responsables des amicales. Quoi qu’il en soit, les avantages sont bel et bien réels. Aussi, pour le Maître-assistant au département d’Histoire, Chérif Daha Bâ, les causes des violences intervenant au cours des élections de représentativité sont « purement matérielles (argent et autres avantages) ». M. Bâ estime que l’université étant « un espace d’indigence, il sera difficile pour un étudiant d’abandonner de tels avantages ». Babacar Diop de la liste blanche et ancien président de l’amicale corrobore les propos de l’enseignant. « Les avantages sont réels », dit-il. Cependant, précise M. Diop, le problème ne s’explique pas par cette manne financière, du reste « normale », mais plutôt dans la responsabilité des étudiants. « Les ristournes sont nos droits. L’essentiel, c’est un leadership responsable », indique-t-il.

De nombreux étudiants pensent ni plus ni moins que ces violences s’expliquent par des intérêts pécuniaires et politiques. « Ils se battent pour des raisons financières, car l’amicale gère des millions, mais aussi pour des intérêts politiques. En effet, derrière chaque liste se cache un parti politique », lance amère Fatou Diop, étudiante en 2e année de Lettres modernes.

Les membres de l’amicale réfutent ces accusations. D’ailleurs, certains noms d’hommes politiques parmi lesquels des ministres, circulent dans la faculté.

Effets de l’entassement, de la frustration, politisation...Les autres racines du mal

D’autres facteurs non moins importants sont à la base de la violence à l’Ucad.

Soulignant que la violence n’est pas particulière à l’Ucad (dans les pays du Nord, on la retrouve sous différentes formes d’expression : fusillade dans les campus souvent perpétrée par des étudiants, etc.), le directeur de l’Enseignement et de la Réforme de l’université, Abdoul Karim Ndoye, estime qu’elle s’explique par des « facteurs conjugués » et pas uniquement par des raisons financières. Il existe des facteurs dits « externes » et « internes ». En tant que psychopédagogue, il émet ce qu’il appelle « quelques hypothèses » puisqu’à son avis, l’université doit mener « une étude approfondie sur les causes de la violence. En attendant d’avoir ces explications scientifiques et recommandations, il indique que les facteurs externes ou non pédagogiques concernent d’abord les conditions socioéconomiques (conditions de vie des étudiants au campus) qui créent de la « frustration ». M. Ndoye relève que l’université ne compte que 5.200 lits pour 60.086 étudiants, 1200 Pats, 1143 enseignants (taux d’encadrement faible). Le tout réparti sur 172 ha. Son budget avoisine les 20 milliards Fcfa alors que le seuil tolérable mondial est qu’une université doit au moins loger le tiers (1/3) de son effectif. Donc, Dakar devrait disposer d’au moins 10.000 lits. Pourtant, malgré les 5.200 lits, on dénombre près de « 18.000 étudiants dans le campus social ».

Cette forte concentration humaine, alliée au manque de lits crée « l’effet de l’entassement » avec comme corollaires, « la promiscuité, les problèmes d’hygiène ». Pire, l’entassement favorise ce que Booth, 1975 ; Galle, Gove et Mc Pherson, 1972, ont appelé « l’attribution de sentiment de nervosité et d’agressivité aux autres ». Par ailleurs, les psychopédagogues américains Dollard, Doob, Miller, Mowrer et Sears (1939) ont montré dans une étude que certaines formes d’agression peuvent créer des frustrations qui s’expriment aussi par la violence, explique M. Ndoye. Ce qu’il appelle « l’effet de la frustration ». Cette frustration se retrouve même chez les étudiants non logés qui « se battent pour venir à l’université, pour trouver de la place dans les amphis, à la bibliothèque, etc. » En somme, la vie estudiantine à l’Ucad est « stressante » et favorise une « éclosion de pulsions de violence », estime le psychopédagogue.

De nombreux étudiants abondent dans le même sens. « La violence physique trouve sa justification dans la promiscuité qui règne à l’université. L’université Gaston Berger de Saint-Louis ne connaissant pas la promiscuité de cette ampleur, elle n’est pas confrontée à la violence », argumente l’ancien président de l’amicale du Cesti, Aliou Bassoum.

La politisation et du syndicalisme estudiantin

Parmi les facteurs externes, on peut également ajouter la politisation de l’université. Les étudiants qui ont des ambitions politiques se forment et se préparent au campus. Ils se font alors « un nom », se donnent « une clientèle » et se constituent « un poids de négociation sociale qu’ils vont négocier avec le politique », estime Abdoul Karim Ndoye. Il se demande, d’ailleurs, combien d’étudiants, pour avoir dirigé des amicales, sont devenus ministres, députés et même Premier ministre ?

Mais, le phénomène n’est point récent. A en croire M. Ndoye, il remonte à 1968. « Depuis cette date, le campus est devenu un terrain de formation académique et politique. La massification donne de grandes aptitudes à pouvoir diriger (argumenter, communiquer, plaider) », indique le psychopédagogue. Mais, regrette-t-il, « il se trouve que les moyens utilisés ne sont pas toujours intellectuels. On a une espèce de fascination rampante. La force devient le plus grand moyen de domestiquer la grande masse silencieuse pour atteindre ce but ». Cette politisation a pour conséquence, la « sponsorisation » des listes par des hommes politiques qui cherchent à se constituer un groupe de pression.

Par ailleurs, beaucoup d’étudiants s’imaginent que le syndicalisme estudiantin est le « meilleur raccourci pour intégrer la vie active », d’autant qu’ils sont légion les dirigeants des mouvements estudiantins ayant bénéficié de bourses étrangères. Cela pousse les étudiants à se faire remarquer dans les mouvements de grève.

Facteurs internes

Outre ces facteurs externes, l’Ucad souffre de plusieurs autres maux qui ne peuvent que favoriser la tentation à la violence. Ils sont liés à la pédagogie, à l’enseignement qui « privilégie l’acquisition des connaissances et non des compétences, même si, avec l’introduction du Lmd (Licence-Master-Doctorat), on cherche à corriger le phénomène. Pire, il y a très peu d’enseignements sur l’acquisition des comportements. En d’autres termes, on vit un problème d’éthique et de déontologie. En dehors de quelques exceptions, les enseignants ne sont pas prêts à accepter la discussion contradictoire, à faire le débat, à accepter l’autre », souligne M. Ndoye.

De l’avis du psychopédagogue, c’est ce recul du débat qui a créé « un vide » dans lequel se sont engouffrés ceux qui n’ont pour argument que les muscles. A cet effet, on assiste à une sorte de « dévoiement de la devise de l’université : Lux mea Lex : la lumière est ma loi ».

Par ailleurs, le taux d’échec extrêmement important, « résultat de plusieurs facteurs », peut également amener à l’utilisation de la violence, estime M. Ndoye, notant que « le taux de réussite en 1ère année de Droit est de 10 % ». Et comme dit Bourdieu, poursuit-il, « l’école développe une violence symbolique qui, intériorisée, se traduit en violence physique ». L’autre facteur non moins important qui favorise la violence demeure, sans aucun doute, le « phénomène d’impunité » à l’Ucad du fait des « verdicts d’apaisement ». Le manque de sanctions a installé un climat « liberticide », estiment nombre d’acteurs de l’institution.

Le clou de tout cela demeure la « mauvaise compréhension des franchises universitaires » par les étudiants qui considèrent l’université comme « une zone de non droit ». Ainsi, durant la grève, les étudiants empêchent leurs camarades de suivre les cours, sans coup férir. Cela constitue pourtant une « violation de l’article 20 de la Loi 94-79 du 24 novembre 1994 relative aux franchises et libertés académiques », se désole M. Ndoye. Cette loi garantit aux enseignants, chercheurs et étudiants l’exercice des libertés indispensables au développement de l’enseignement et de la recherche dans le respect des lois et règlements et des principes d’objectivité et de tolérance (article 1). Si l’article 2 consacre cette liberté, l’article 7 énonce clairement que « le statut d’autonomie de police administrative ne fait pas obstacle à l’exercice des activités de police judiciaire. Il ne fait pas non plus obstacle à la mise en œuvre des lois relatives à l’ordre public, applicables sur l’ensemble du territoire national.

Cependant, dans cette hypothèse, le Recteur ou son représentant est tenu informé de toute opération à mener à l’intérieur de l’université et doit aviser l’Assemblée de l’Université », explique M. Ndoye.

S’y ajoute également à ces causes, la forte pénétration du phénomène religieux dans l’espace universitaire dont le corollaire est souvent l’intolérance et même parfois des affrontements directs entre étudiants.

sortie de crise Des propositions divergentes

Face à ces violences récurrentes, les solutions proposées par les uns et les autres sont la suspension, la suppression ou le maintien des amicales dans l’université. L’assemblée de la Faculté des Lettres ne propose ni plus ni moins que la « dissolution pure et simple des amicales » et la mise en place de « nouveaux mécanismes de désignation des représentants des étudiants dans les différentes instances académiques ». Et, de l’avis du doyen de la Flsh, le Pr. Saliou Ndiaye, il faut, lors du déroulement des élections, interdire les signes d’appartenance à une liste, fixer les règles d’éligibilité à 26 ans et réduire le bénéfice des œuvres universitaires, les avantages, à partir de 26 ans comme en France. « Ce sont là 3 mesures salutaires », pense-t-il.

Pourtant, des enseignants de la faculté prônent le contraire. « Je ne suis pas pour la suppression des amicales, mais pour celle des avantages et allocations. Dans cette bataille de la défense des intérêts des étudiants, les dirigeants d’amicale ne doivent gagner aucun galon et aucun avantage. Les dotations doivent être ponctuelles », indique le maître-assistant au département d’Histoire, Chérif Daha Bâ. Pour lui, le maintien des amicales s’impose par le fait que l’université, outre son caractère académique, est aussi un « espace d’épanouissement, d’échanges culturels, de dialogue, de débat intellectuel. Toutes choses qui doivent être prises en charge par les amicales ».

De leur côté, les étudiants de la liste rouge, estiment que « geler les activités de l’amicale est une hérésie ou une prérogative qu’aucune autorité ne peut faire valoir ». Ils disent se fonder sur l’article 9 du décret n°70-1181 du 19 octobre 1970 fixant les conditions de la représentation des étudiants dans les divers conseils et à l’assemblée de l’université. L’article en question stipule que « les élections ont lieu chaque année dans le courant du mois de novembre, à une date fixée par le recteur. Les nouveaux délégués entrent en fonction immédiatement après l’élection. Avant l’élection, les délégués élus l’année précédente continuent à assurer leur fonction, à condition d’être toujours inscrits dans l’établissement ».

Le directeur de la réforme de l’Enseignement et de la Réforme, Abdoul Karim Ndoye, suggère que l’université doit mener « une étude approfondie sur les causes de la violence » puisque les causes sont « multiples et multiformes ».

L’université, le lit de la violence

La bataille rangée de ce mois de juillet est loin d’être anecdotique, tant la violence est courante à l’Ucad. Le phénomène n’est pas nouveau, mais il prend des proportions inquiétantes. Toutes les revendications se règlent désormais par la violence. L’Ucad est devenue le lit de la violence.

Depuis quelques années, la violence semble élire domicile au sein du temple du savoir. Des groupes d’étudiants s’affrontent impunément. Qui ne se remémore pas des batailles rangées de 2004 ayant opposé étudiants Ibadou Rahmane aux Mourides, puis Ibadou Rahmane aux Tidjanes. Ces bagarres n’ont de soubassement que l’intolérance religieuse. Pour le premier cas, il a fallu l’intervention de Serigne Saliou Touré, représentant du Khalife général des mourides à Thiès, pour éteindre le feu. Le deuxième affrontement est lié à l’occupation de la mosquée érigée dans l’enceinte du campus.

Armes blanches (couteaux, machettes), recours à des lutteurs etc., sortent lors des renouvellements des instances estudiantines (amicales de Faculté). En novembre 2007, le groupe « Kékendo » (courageux ou téméraires en langue mandingue), composé d’étudiants de la Faculté des Lettres et Sciences humaines (Flsh), ceux de la Faculté de Médecine, de Pharmacie et d’Odonto-Stomatologie, de la Faculté des Sciences et Techniques (Fst) et responsables de l’amicale de Flsh d’alors, se sont affrontés nuitamment et en plein jour. Une véritable vendetta. Comme des vampires avides de sang, des étudiants cherchaient à débusquer d’autres pour faire couler le sang.

Qui peut aussi dénombrer les sorties répétées ou « fronts » des étudiants sur la très fréquentée avenue Cheikh Anta Diop bloquant les voies, détournant ou brûlant des véhicules ? Chaque année, les bus du Dakar Dem Dikk (transport public) en font les frais. Toutes choses qui ont fini par faire sortir le président de la République, pourtant leur fervent supporter, de sa réserve, menaçant ses « amis » de défalquer sur leurs bourses le coût de chaque car endommagé.

A ces actes des étudiants s’ajoutent le saccage du rectorat, les séquestrations d’autorités académiques (cas du Secrétaire général du rectorat, l’année dernière), violences verbales contre les personnels administratifs et de service (Pats), les enseignants, violences et voie de fait sur les vigiles. Cette année, les étudiants de l’Enspt, pour une histoire de revendication de primes de stage, ont empêché leurs professeurs, durant une semaine, d’accéder à l’établissement.

L’image ternie de l’étudiant

La récurrence des « fronts » sur l’avenue Cheikh Anta Diop afin d’attirer l’attention des autorités est parfois mal comprise par les populations. « Cela permet d’attirer rapidement l’attention des autorités et des populations sur nos conditions de vie », soutiennent les étudiants. Des conditions toujours jugées « mauvaises ».

Pourtant, ces actes contribuent à « ternir l’image de l’université ». Cette pratique héritée des anciens est « regrettable », car les étudiants doivent être des « modèles de citoyenneté et de civisme » et non « les premiers fossoyeurs de l’ordre », dit Boubacar Sadio. Mais, avertit-il, cela ne signifie point « renoncer à la revendication, à la lutte ». Cependant, il estime qu’il faut repenser la méthode de lutte. « Défendre oui, mais sans porter atteinte à la liberté de paisibles citoyens », estime-t-il.

Fuite de responsabilité

« C’est un fait avéré et incontestable que l’argument de la force a malheureusement pris le dessus sur la force des idées », se désole Abdoul Bâ, un ancien de la Flsh. Pour lui la responsabilité revient aux autorités. « Le Coud, le rectorat, par-delà l’Etat, sont responsables, dans la mesure où ils ferment les yeux face à cette violence à la fois verbale et physique ». Il regrette que l’université soit considérée par les pouvoirs publics comme « un milieu en dehors de la République du fait de sa sensibilité ». Or, malgré sa sensibilité, l’Etat doit jouer son rôle de protection des citoyens, surtout lorsque sortent des armes blanches et des pistolets, clame M. Bâ.

Pour d’autres, depuis la mort de l’étudiant Balla Gaye, c’est comme s’il y a une épée de Damoclès sur la tête de l’Etat. Ces derniers de dénoncer aussi la « politisation à outrance » de l’espace universitaire, ainsi que « la détention d’armes par les étudiants ». Pour autant, « l’Etat doit réagir face à la violence », car « l’obscurantisme envahit le campus », avertissent ces étudiants, déplorant que « l’argument des biceps prenne le pas sur celui des idées », mais surtout que la devise de l’université se trouve “galvaudée”.

Chiffres sur la Faculté des Lettres

La Faculté des Lettres et Sciences humaines (Flsh) compte environ 25.000 étudiants pour 20 salles de cours réparties entre le bâtiment central (11), le camp Jérémy (5) et le Brgm (4), ainsi que 4 amphithéâtres dont l’un (amphi Mbaye Guèye) est inutilisable. Sa capacité réelle d’accueil est donc de 7.230 places pour 25.000 étudiants, soit environ 3 étudiants pour une place. La faculté a 166 enseignants titulaires, 127 vacataires et 50 chargés de cours, soit un total de 343 enseignants.

De fait, le taux d’encadrement est de 1/89, alors que la norme Unesco est de 1/33. En réalité, le taux d’encadrement est de 1/93 au premier cycle, 1/76 au deuxième cycle et 1/5 au troisième cycle.

Les effectifs de 2008 sont ainsi répartis : 17.583 au 1er cycle, 5.937 au second cycle et le reste au 3e cycle, soit 1.480 étudiants. En première année, on dénombre 13.204 étudiants dont 3.727 en Anglais, 2.827 en Géographie, 3.437 en Lettres modernes et 743 en Histoire.

Source : Décanat

Daouda MANE et Mamadou Lamine BADJI



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