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Attribution des logements du Plan Jaxaay : L’envol des complaintes

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Attribution des logements du Plan Jaxaay : L’envol des complaintes

PLAN JAXAAY - Controverse autour de l’attribution des maisons : Du plomb dans l’aile de l’aigle

Lancé, il y a deux ans, à la suite des inondations survenues en 2005 dans la banlieue dakaroise, et qui ont servi de prétexte au pouvoir pour reporter les élections législatives prévues, initialement en février 2006, le Plan Jaxaay suscite de nombreuses controverses, malgré la forte médiatisation qui l’entoure. Des sinistrés vivant toujours sous les tentes s’estiment lésés dans l’attribution des logements en faveur des «non-ayant droit». En outre, certains bénéficiaires se plaignent de l’inexistence d’infrastructures de base et de la commercialisation de ces villas. Des questions auxquelles les responsables de ce plan ont tenté d’apporter leurs réponses.

«Le président Wade avait voulu vous donner une maison parmi celles du plan Jaxaay, mais elles ne sont pas très grandes…», avait témoigné, en substance, Daouda Faye, le ministre du Sport à la famille de feue Fanta Keita, championne d’Afrique de judo décédée en octobre 2006 au Maroc, à l’occasion de la cérémonie de remise des clés de la maison que l’Etat leur avait promise (Un appartement de 4 pièces dans l’immeuble des Hlm Maristes, ndlr). Ce témoignage de «Vava» donne, d’une certaine manière, une idée du mode d’attribution, manifestement nébuleux, des maisons du Plan Jaxaay. En principe, ces maisons étaient destinées aux sinistrés victimes des inondations survenues en 2005 dans la banlieue dakaroise notamment, Guédiawaye, et Pikine.

Pour rappel, des eaux pluviales avaient envahi de nombreuses maisons amenant du coup, des milliers de familles à se réfugier sous des tentes installées sur différents sites. Et Me Wade avait promis, on se rappelle, le relogement de ces familles sinistrées en leur construisant des maisons dans le cadre du plan Jaxaay, en échange de la démolition de leurs demeures pour l’aménagement des terres dégagées. Cela, pour une enveloppe officielle de 54 milliards de francs Cfa. Le terme Jaxaay, nom wolof de l’aigle, est un choix personnel du président de la République, qui voulait symboliser l’oiseau qui ne se laisse pas embourber dans les eaux. Mais, deux ans après le démarrage des travaux, alors que certaines maisons sont déjà prêtes et occupées, de nombreux sinistrés vivent toujours sous les tentes. Alors, ils soupçonnent une «injustice» dans l’attribution de ces maisons.

C’est en tout cas le sentiment de Ndeye Fall, présidente des femmes sinistrées rencontrées dans le site dénommé Bujumbura (Nom de la capitale du Burundi) situé dans le Camp militaire de Thiaroye. Emmitouflée d’un boubou en lagos assorti d’un foulard blanc autour du cou, cette quinquagénaire s’extirpe de sa tente pour exprimer sa colère : «La gestion des maisons Jaxaay est discriminatoire. Certaines maisons construites pour les sinistrés ont été attribuées aux déplacés de la gare ferroviaire de Dakar, de la cité cap-verdienne, Terou Baye Sogui.., alors qu’ils n’y ont pas droit. Ces maisons sont construites exclusivement pour les sinistrés.» Le coeur meurtri, cette habitante de Pikine Guinaw Rail poursuit : «Même si leurs (les habitants des quartiers sus-mentionnés) maisons ont été démolies par l’Etat, je pense que la priorité doit nous être accordée.» Pis, s’écrie-t-elle, «les autorités nous ont même sommés de lever le camp d’ici 2 mois, sans vouloir nous recaser.» En effet, le décor qu’offre Bujumbura est alarmant.

Des tentes déchiquetées par endroits, et qui laissent voir des intimités déchirantes. A l’extrême droite du site, un bloc de cinq toilettes jouxte les tentes. Sans parler d’une fosse septique à ciel couvert dont l’odeur atteint à la gorge. N’en pouvant plus de vivre dans ces conditions, Mme Fall, demande à l’Etat de les recaser, ou bien de les ramener dans leurs anciennes maisons. «Nous sommes fatigués de vivre dans ces conditions. Les autorités nous avaient promis que les travaux n’allaient durer que 30 mois. Mais, voilà 2 ans qu’on est là, sans aucune assistance. Je vivais mieux chez moi, en dépit des eaux», peste-t-elle.

ELOIGNES DE TOUT

A la cité Jaxaay, sise à Keur Massar, la première impression est celle de l’isolement par rapport aux autres cités. La route qui y mène est cahoteuse. A l’entrée de cité  Jaxaay 1, l’on peut lire à travers le mur de clôture : «Un toit, une famille.» Des maisons peintes en bleu et jaune, qui renvoient à la couleur du Parti démocratique sénégalais, attirent l’attention. A quelques kilomètres de là, Jaxaay 2. Ici, certaines maisons sont occupées, alors que le chantier est toujours en construction. A Jaxaay, l’omerta est de rigueur. La présence des journalistes suscite une méfiance particulière. Comme si les habitants de cette cité avaient reçu une consigne stricte. Rares sont les personnes qui acceptent de se confier à la presse. Parmi elles, Awa Seck, une dame d’une cinquantaine d’année.

Seau vide à la main gauche, cette vendeuse de poisson signale : «Ces maisons que vous apercevez là, sont habités par les déguerpis de la gare ferroviaire de Dakar.» Ce ne sont pas les seules personnes à bénéficier de ces maisons. D’autres «désœuvrés» ont, également, eu à bénéficier de la «générosité» du concepteur de ce plan, Me Wade. Comme en témoigne Serigne Mbengue, un sinistré d’une trentaine d’année, venu de Médina Gounass : «Cette maison-là (Désignant l’une des quatre maisons témoins construites à l’entrée de la cité et réalisées par la Sipres, Ndrl) a été attribuée à une vielle dame qui, lors de la visite que le président Wade avait effectuée sur les lieux, l’avait sollicité publiquement pour obtenir une maison, en arguant qu’elle était veuve. Et, séance tenante, le Président Wade lui a remise, gratuitement, les clés de l’une de ces maisons. Alors qu’elle n’était, même pas, sinistrée.» Interpellé sur la question, Mansour Ndoye, chef du projet du plan Jaxaay confirme le recasement des déguerpis de la gare routière de Dakar, mais dément tout attribution de maisons aux habitants de la cité capverdienne et de Terou bay Soggi. Justifiant le premier cas, cet ingénieur explique : «Lorsque le président Wade lançait le Plan Jaxaay, il était destiné aux couches les plus défavorisées.»

Pour lui, le sens donné, en réalité, à Jaxaay, c’est que, souligne-il, «c’est un projet de construction contre les zones inondables et les bidonvilles». Ainsi, assure-t-il, «les 79 familles sinistrées restantes auront leurs logements avant l’hivernage». Quant au sort des sinistrés locataires, le chef du projet du Plan Jaxaay déclare qu’il est du ressort des autorités. Et, pour ce qui est de la sommation donnée aux sinistrés du Camp de Thiaroye, M. Ndoye nie : «Il n’y a aucune sommation pour lever le camp. J’ignore d’où vient cette décision, mais ce ne sont pas les autorités.»

DES EMBUCHES SUR LE TRAJET DE JAXAAY

Faisant la situation globale du projet Plan Jaxaay, Mansour Ndoye, qui rappelle que ce plan «ne se limite pas uniquement à la construction de logements, mais aussi à l’assainissement, à la réalisation de bassins», entre autres missions, indique que 3000 logements devront être construits en 3 tranches de 1000. Cela, pour un montant de 19 milliards de francs Cfa. La première tranche dont les travaux sont confiés à treize promoteurs immobiliers au total, est déjà réalisée à 80%. Si la deuxième tranche est réalisée à 60%, la dernière tranche dont les travaux sont conjointement réalisés par des promoteurs immobiliers et des constructeurs, en est à 28% de réalisation. Ce retard est dû, selon cet ingénieur, par le fait que le démarrage simultané de ces travaux «allait coûter beaucoup d’argent à l’Etat». A l’en croire, 800 familles ont rejoint leur nouvelle maison. Pour les autres, renseigne-t-il, «c’est un problème d’héritage ou des litiges fonciers qu’on doit régler». Par rapport aux 1800 sinistrés vivant toujours dans les camps, les 600 sont des locataires et les 400 autres, des propriétaires.

ABSENCE D’HOPITAL, DE MARCHE ET D’ECOLE

Visage ridé, yeux hagards, Awa Seck ne peut contenir sa colère, lors qu’elle décrit son calvaire dans cette cité. Comme isolés du monde, elle et ses congénères sinistrés, qui ont eu la «chance» d’être relogés, sont privés d’infrastructures de base. Pas d’hôpital, ni de marché, encore moins de commissariat, ni d’école, sans parler de route bitumée. Hormis, la latérite qui a fini de peindre la façade des maisons en marron. Courroucée, cette dame qui semblait n’attendre que le passage de la presse pour déverser sa bile, peste : «Vraiment on est fatigués. Il n’y a rien ici. Lorsqu’une femme veut accoucher, elle est obligée de se rendre à l’hôpital situé à l’entrée de Keur Massar, qui est très éloignée.» Très en verve, cette dame qui vient de Pikine ñiety mbar, poursuit : «Non seulement, les véhicules clando ne circulent pas la nuit, mais la route est quasi impraticable. L’autre jour, une femme enceinte a fait une fausse couche, à cause de cette route. Une autre a même accouché dans un véhicule.» A ces peines, s’ajoutent ceux provenant de l’inexistence de marché. Binta Sall, une autre dame d’une soixantaine d’années, s’invite au débat et raconte : «Chaque jour, on prend le clando pour aller au marché qui se trouve près de la mairie de Keur Massar. Tout ce que l’on gagne, on le dépense en transport. Pour faire un aller-retour, il faut débourser 800 francs.» Et pourtant, poursuit cette sinistrée venue, également, du même quartier que sa voisine Awa Seck, leurs doléances ont été portées à la connaissance de Viviane Wade, à l’occasion de sa visite sur les lieux, lors de la dernière campagne présidentielle. Mais, désole-t-elle, «rien n’a été fait».

A cela, s’ajoute l’insécurité. Selon, toujours, Mme Sall, «chaque maison est tenue de payer 1 000 francs au vigile pour assurer la sécurité de sa maison. Il n’y pas de mur de clôture. Et celui de l’arrière-cour est très basse, ce qui est une aubaine pour les voleurs. En plus, s’y ajoute le manque d’éclairage public». A propos d’électricité justement, les populations de Jaxaay n’ont pas manqué de se plaindre des compteurs de prépaiements installés dans toutes les maisons. Lesquels compteurs leur posent, considère Serigne Mbengue, de sérieux problèmes. «Il est difficile de trouver les cartes prépayées. Je me rendu, hier, (vendredi, veille de notre reportage, Ndlr) à l’agence de la Senelec de Rufisque pour m’en procurer. Mais, on m’a dit que l’ordinateur était en panne. Alors qu’on est en week-end. Imaginez un peu !», raconte, irrité, un jeune homme. De plus, poursuit-il, «Les cartes ne durent pas longtemps. Pour une carte de 10 000 francs Cfa, vous n’en avez que pour quelques semaines. Et, si vous avez un réfrigérateur, n’en parlons.» Malheureusement, cette information n’a pu être vérifiée auprès des responsables de la Senelec. Toutes les tentatives pour joindre leur bureau de Rufisque sont restées vaines.

Sur toutes ces carences, M. Ndoye reconnaît que les travaux qui devaient être réalisés, en amont, n’ont pas été faits. «Ils ont raison. On aurait dû construire les infrastructures de base d’abord.» Mais, justifie-t-il, «Quand on lançait le plan Jaxaay, on ne pensait qu’à sortir les sinistrés des eaux.» Et, pour rectifier le tir, le chef du projet du plan Jaxaay annonce la construction d’un hôpital «à l’image de celui Matlabul Fawzayni de Touba». Pour cela, indique-t-il, deux maisons seront transformées. Il en est de même pour la construction du commissariat, qui se fera à partir de trois maisons réamenagées. Concernant le marché, M. Ndoye soutient que des contacts ont été pris avec un promoteur. L’école primaire, quant à elle, sera livrée, promet-il, à la rentrée prochaine.

DES SINISTRES DANS L’IMPOSSIBILITE DE PAYER

Annoncées, au début, comme gratuites par Me Wade, mises en vente par la suite, les maisons du plan Jaxaay posent de sérieux problèmes à leurs destinataires. Confiées à la Société nationale de l’Habitat à loyer modéré (Sn Hlm), elles sont cédées entre 4 millions et 6 millions de francs, «selon le choix d’acquisition». Mais, quelque soit le montant, il est toujours trop élevé pour certains. A l’instar de Fama Dia, une jeune femme mariée, d’une vingtaine d’années. «Sincèrement, on n’a pas les moyens de payer. Comment quelqu’un qui n’a pas de quoi manger peut-il payer une maison à 4 millions ?», s’étonne celle qui n’en revient pas que les autorités aient renoncé à octroyer gratuitement leurs logements aux sinistrés. Venue du quartier Bagdad, à Guediawaye, elle vit, depuis deux ans, dans une trois pièces de 150m2 avec son mari, leurs quatre enfants et sa belle famille. Elle dit avoir reçu, une fois, des agents des Impôts et Domaines qui les ont informés de la décision de mettre leur logement en location-vente, moyennant 26 000 francs Cfa par mois pour une durée de 20 ans. Assise devant sa maison non clôturée, Aminata Konté une jeune fille sinistrée, de 25 ans, coiffeuse de profession, dit ne pas comprendre qu’on leur demande de payer les maisons alors que, argue-t-elle, «on nous a déguerpis de notre maison qui, pourtant, n’est pas démolie à ce jour, et l’on veut nous faire payer. Ensuite, les autorités ne nous ont pas attribué deux maisons, comme convenu lors du recensement. Nous étions une grande famille, et nous habitions une grande concession de 7 chambres. Tandis que d’autres familles moins nombreuses en ont reçu deux. Nous nous entassons dans les chambres. Moi, je partage une pièce avec ma mère, à mon âge». Ce qui l’amène à soupçonner un relent de «magouille organisée par les agents qui étaient chargés du recensement». En plus, pour elle, les autorités leur avaient promis des logements plus grands à l’image des maisons témoins exposées à l’entrée. Mais, «c’est de la propagande que ces maisons-là, pour faire croire que nous sommes à l’aise».

Des accusations que M. Ndoye dégage en touche. Selon lui, chaque famille bénéficie d’une seule villa. Cependant, note-il, «il y a des cas d’exceptions et des cas frappant. Ceux qui en ont bénéficié avaient une maison R+2 avec une famille de 10 personnes». Avant d’ajouter : «C’est vrai qu’il y a parmi les sinistrés certains qui sont moins à l’aise. Mais, certains vivaient dans des baraques construites sur des terrains qui n’avaient pas de titre foncier, ni base juridique.»

CONFUSION AUTOUR DE LA CESSION

Contrairement à Mlle Konté, Ibrahima Dièye, 63 ans, se plaint plutôt du prix des maisons qu’il juge excessif. Cet homme qui vit seul dans sa maison, soupire : «J’avoue que ne comprend pas. L’Etat avait arrêté le prix des maisons à 4 millions. Il revient, maintenant, pour les fixer à 6 millions. Je n’ai pas de moyen, car je suis retraité. Mais, qu’à cela ne tienne, j’ai commencé à versé mon acompte de 26 000 francs Cfa, depuis le mois de mars auprès de la Banque sénégalo-tunisienne.»

Du côté de la Sn Hlm, l’on se garde de tout commentaire. Joint au téléphone, Moustapha Diop, le chargé de la commercialisation des maisons, renvoie à son directeur général qui, lui, est injoignable. Néanmoins, le chef du projet du plan Jaxaay tentera d’apporter des éclairages. Selon lui, «il s’agit d’une incompréhension». Il explique : «Les maisons coûtent 4 millions. Maintenant, cela dépend du mode d’acquisition des logements. Si quelqu’un a la possibilité de payer comptant, la maison lui revient à 4 millions. Au cas contraire, il peut verser 26 000 francs durant 20 ans. Ce qui fait 6.240.000 francs si on y inclut les frais d’assurances vie et risque.» Pour lui, ces maisons auraient même dû coûter plus cher si l’Etat ne les avait pas subventionnées. «Les villas coûtent, en principe, plus de 15 millions. Nous payons aux entreprises 6,5 millions et avons acheté le terrain… Ce qui fait que l’Etat participe à auteur de 11 millions. Les 4 millions reviennent aux bénéficiaires, à qui on ne demande ni apport, ni avance», renseigne M. Ndoye.



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