Un projet colossal au déploiement semé d'embûches. En quelques mots, cela résume la situation du barrage de Sambangalou, situé dans le sud du Sénégal. Initialement prévue pour 2024, la livraison de cette infrastructure stratégique est aujourd'hui compromise par une série d’imprévus et de retards.
Depuis sa prise de fonction en tant que Ministre de l'Hydraulique et de l'Assainissement, Cheikh Tidiane Dieye semble privilégier les visites de terrain pour évaluer de visu l'avancement des chantiers de l'État dans son secteur. Ce samedi 31 août, il s'est rendu à Kédougou, accompagné de son homologue bissau-guinéen, Malam Sambú, Ministre des Ressources naturelles. À leur arrivée, la délégation a été chaleureusement accueillie par les autorités locales, en tête desquelles se trouvait le gouverneur de la région, Mariama Traoré. Après ces manifestations d'hospitalité kédouvienne, l'ensemble des participants a pris la direction du village de Sambangalou, situé à 25 kilomètres de la capitale régionale. Au cœur de cette végétation luxuriante et entourée de majestueuses montagnes, la présence d'une base vie de chantier se distingue.
La construction en cours s'inscrit dans le cadre du projet d'Aménagement Hydroélectrique de Sambangalou (AHES), communément appelé barrage de Sambangalou. Cette initiative, portée par l'Organisation pour la Mise en Valeur du Fleuve Gambie (OMVG), revêt une importance stratégique pour les quatre États membres de l'organisation : le Sénégal, la Gambie, la Guinée-Bissau et la Guinée.
Un réservoir d’une capacité de 3,8 milliards de m3 de tous les possibles.
Sur place, les deux ministres ont successivement visité l'unité de préfabrication de conduite forcée, les centrales à béton conventionnel vibré (BCV) d'une capacité de production de 120 m³/h, ainsi que la carrière. Le futur barrage de Sambangalou, situé à la frontière entre le Sénégal et la Guinée, s'étendra sur 540 mètres de long pour une hauteur de 108,3 mètres. Son réservoir aura une capacité annuelle estimée à 3,8 milliards de m³. Les bénéfices attendus de cet ouvrage sont nombreux et variés. Il permettra l’irrigation de 90 000 hectares de terres agricoles répartis entre le Sénégal (40 000 ha) et la Gambie (50 000 ha). En plus d’un approvisionnement conséquent en eau potable pour les localités environnantes, ce projet favorisera le recul de la langue salée du fleuve sur 100 km, au grand bonheur de la Gambie. La centrale électrique, qui sera construite au pied du barrage, aura une puissance installée de 128 MW, avec l’ambition de produire 394,4 gigawattheures (GWh) d’énergie propre et renouvelable, équitablement répartie entre les pays membres de l’OMVG.
« Le Sénégal aura 48 GWh, la Guinée en aura 20 GWh, la Gambie en aura 14 GWh et la Guinée-Bissau en aura aussi 18 GWh. Tous les pays auront leur part », a déclaré le ministre Cheikh Tidiane Dieye.
Pa d’argent, pas de travail : le nerf de la guerre bloque le barrage.
Pour assurer la gestion et le dispatching de cette énergie, un projet de création d’une société spéciale serait en cours de préparation. Cette nouvelle offre, qui vient renforcer le mix énergétique sénégalais, pourrait grandement booster l’économie locale. « C’est important pour les États au point de créer une société qui va gérer les outputs de ce projet. Aussi, le coût de l’énergie qui sortira de ce barrage n’a rien à voir avec le coût actuel de l’énergie fossile. Il sera beaucoup moins cher, ce qui va accroître la compétitivité des entreprises, et aussi pour les ménages qui pourront accéder à l’énergie plus facilement. Enfin, tous les ouvrages qui sont construits ici, et toute la logistique autour du projet, nous allons tout faire pour que cela serve principalement les communautés qui sont dans la zone de Kédougou à la fin du projet », indique le ministre de l’Hydraulique.
Les travaux du barrage de Sambangalou ont démarré le 26 septembre 2022, et sa mise en service devait avoir lieu 42 mois plus tard. Cependant, le projet accuse un retard considérable en raison de la démobilisation du groupement en charge de sa réalisation, SAMVA. Suite à des retards de paiement de plusieurs mois, l'une des entités a considérablement réduit son effectif, passant de 1200 à un peu plus de 200 employés.
Une addition qui risque d’être salée pour le Sénégal .
« Nous voulons redémarrer les choses, mais nous voulons le faire en connaissance de cause. Nous ne voulons pas seulement nous limiter à ce que l’on nous dise de payer un décompte et de passer à autre chose. J’ai demandé, sur instruction du président de la République, que nos équipes fassent l’évaluation et l’audit de tout le chantier. Vous avez vu tout ce qui a été fait, mais on a beaucoup de retard et il doit être expliqué. Les équipes sont en train de travailler pour nous expliquer le retard, le documenter, l’auditer et me remettre dans les prochains jours une note détaillée sur ce qui explique ces retards », a déclaré le ministre Cheikh Tidiane Dieye.
En raison de cette situation, les travaux pourraient enregistrer un à deux ans de retard, un fait qui pourrait avoir de lourdes conséquences financières pour le Sénégal. Cheikh Tidiane Dieye a déclaré : « Ce type de barrage, sa vocation est de produire de l’électricité à vendre aux États membres. Et c’est sur la vente de cette électricité qu’on paye le prêt que le Sénégal a été le seul à supporter. Si le modèle financier se déséquilibre, c’est-à-dire que les délais de paiement arrivent, que l’ouvrage n’est pas réalisé et qu’on ne vend pas l’électricité, le Sénégal pourrait être obligé de commencer à payer une dette sans pouvoir se faire rembourser par la vente de l’électricité. Dans les négociations que nous allons avoir, nous discuterons avec les entreprises engagées et les bailleurs de fonds pour les sensibiliser sur les imprévus, les perturbations qui nous ont amenés à ce retard et négocier avec eux. »
Cheikh Tidiane Dieye : « il ne sera plus acceptable ».
Face au préjudice que ce ralentissement pourrait provoquer, le ministre a profité de l’occasion pour adresser un message ferme aux entreprises impliquées dans les chantiers publics : « Les entreprises, nous allons les recevoir à Dakar avec les États membres pour discuter avec elles, savoir quelles sont leurs préoccupations et les interpeller sur leurs responsabilités. Parce que, je tiens à le dire à toutes les entreprises qui travailleront désormais avec l’État du Sénégal, il ne sera plus acceptable que, sur des chantiers aussi importants, on puisse prendre la décision de partir. J’aimerais que, quoi qu’il se passe, on se mette à table et qu’on discute pour trouver des solutions. »
Une fois le projet à plein régime, une vaste zone sera immergée, avec des impacts sur la communauté et la faune. Ainsi, 13 villages seront déplacés, dont 10 en Guinée et 3 au Sénégal, soit un total de 1 400 personnes. Une opération dont bénéficieront également les animaux, en collaboration avec la direction des Eaux et Forêts.
6 Commentaires
Lesswakhoul
En Septembre, 2024 (20:08 PM)Il faut dire la vérité aux sénégalais et arrêter avec cette poudre aux yeux..
Reply_authorejahman
En Septembre, 2024 (10:19 AM)Moi
En Septembre, 2024 (20:17 PM)A Diop
En Septembre, 2024 (02:17 AM)trouver des fonds.
Le Sage
En Septembre, 2024 (06:53 AM)Des audits avec des délais clairement définis et des résultats rendus publics.
Si celà n'est pas fait, l'échec est assuré car ce sera une continuité structurelle avec quelques petits changements fonctionnels et ce n'est pas ça que PRO avait vendu comme PROJET pour que le peuple sénégalais lui permette de réaliser tous ces miracles.
Le sage a parlé.
Salut
En Septembre, 2024 (09:19 AM)Participer à la Discussion