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BEL- AIR - Des sacs pourris déterrés :Course vers le riz avarié

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BEL- AIR - Des sacs pourris déterrés :Course vers le riz avarié

Incroyable, mais vrai. Les Sénégalais n’en reviendront pas. Surtout, ceux qui soutiennent mordicus qu’il n’y pas de famine au Sénégal. Dans la zone de Bel-Air, plus précisément, entre l’usine de l’ex-Sonacos, les cimetières chrétiens et la Direction générale de l’Isra, des hommes et des femmes qui ne savent plus par où donner de la tête, face à la cherté de la vie, déterrent du riz altéré qui y a été enfoui par les services de la Douane. C’est pour le recycler et le vendre. Reportage.

Vendredi 4 avril 2008, jour marquant le 48e anniversaire de l’accession du Sénégal à la souveraineté internationale. Il est 18 heures dans la zone industrielle de Bel-Air. Si dans certaines parties de Dakar, les gens sont en fête, tel n’est pas le cas dans la zone comprise entre l’usine de l’ex-Sonacos, les cimetières et la Direction générale de l’Institut sénégalais de recherche agricole (Isra). Malgré le fait que les lieux ressemblent à un dépotoir d’ordures, à l’allure de la décharge de Mbeubeuss, et leur enclavement, des hommes et des femmes se démènent comme de gros diables pour trouver de quoi se nourrir. A défaut de trouver un travail décent pour pouvoir se payer un kilo de riz à 300 francs Cfa, voire plus, ces «orpailleurs» ont passé plus d’un mois sur les lieux à déterrer du riz enfoui depuis un an. «Ce riz était hors d’usage et les services des Douanes l’avaient saisi pour l’enfouir afin d’éviter que des gens l’utilisent», renseigne une source.

Mais, cet effort des douaniers reste vain, d’autant que, depuis la découverte de ce site d’enfouissement, des centaines et des centaines de personnes viennent de tous bords, pour fouiller, bêcher et retourner cette terre calcinée. Ceci, pour l’atteinte d’un seul et unique objectif : trouver du riz pour survivre.

Visage bâché de poussière, cure-dent à la bouche, Ibrahima Ndiaye explique : «Les temps sont trop durs. A défaut d’avoir du boulot, nous nous contentons de cette galère pour survivre. Notre seul recours, c’était le Port autonome de Dakar, mais on ne parvient plus à y trouver du travail.» Cet originaire du Baol, en jean et tee-shirt crasseux, de poursuivre : «Grâce à cette découverte, nous gagnons entre 10 000 et 12 000 francs Cfa par jour. Ce gain réuni nous permet de régler pas mal de problèmes, à savoir : la location et le manger.»

DEUX CENTS SACS REMPLIS PAR JOUR OUVRABLE

A côté, Abou Touré et Mouhamed Moussa, respectivement originaires de la Sierra Léone et du Niger, devisent à haute voix. Assis sur un sac rempli de riz, le Sierra-léonais, qui prend la découverte comme de l’aubaine, laisse entendre avec un large sourire : «On s’en sort bien ici. Quand on n’a pas ce que l’on veut, on se contente de ce que l’on a. Nous, ce qui nous intéresse, c’est de gagner de l’argent, mais dignement. Dieu merci, depuis deux mois, on est-là et on ne se plaint pas.»

Les exploitants sont organisés en groupe de deux ou trois personnes. Au moment où certains creusent avec des pelles et pioches d’autres criblent, et essaient de séparer le riz des grosses particules à l’aide de grillage, panier, tamis, entre autres matériels.

Pour le bilan journalier, plus d’une trentaine de sacs remplis de riz jonchent le sol. Mais, à en croire Abou Touré, «les jours ouvrables durant lesquels le milieu grouille de monde, les collectes peuvent aller jusqu’à deux cent sacs».

Le prix du sac varie entre 1 000 et 1 500 francs Cfa. Des camions, des charrettes squattent l’endroit pour transporter le butin à des destinations, pour le moment, inconnues.

DESTINATION DU RIZ DETERRE

Mme Diaw, drapée dans un grand boubou fleurette, foulard noir bien cramponné à la tête, avance par décence : «Ce riz est destiné aux aviculteurs. Il ne peut pas être consommé par les hommes. Car, il est trop sale. Nous le traitons pour le vendre aux éleveurs de poules ou aux éleveurs de moutons.» Mais, indirectement, la quadragénaire au visage meurtri baisse l’échine et avoue que ce riz altéré, qui ressemble à de l’engrais moisi, est bel et bien destiné à la consommation. «On ne sait plus par où donner de la tête. La vie devient de plus en plus dure. Tous les prix des denrées de première nécessité ont augmenté», souffle la dame, les larmes aux yeux. Avant de replonger ses mains «chiffonnées» dans le grand tas de ce pseudo riz.

Expliquant la méthode qu’utilisent les femmes pour préparer ce riz, une autre source souligne : «Une fois à la maison, les femmes mettent le riz dans un ustensile rempli d’eau. Par conséquent, toutes les particules se retrouvent au fond du récipient. Elles parviennent ainsi à séparer le riz des mauvaises substances. Pour une personne qui n’a pas de quoi manger, si on lui présente un kilo de riz à bon prix, il n’hésitera pas à l’acheter.» Les acheteurs de ce riz déterré le vendent à 150 francs Cfa le kilo. Un riz à bon marché, mais de mauvaise qualité dont la consommation n’est pas sans risques. Autant ce riz est dangereux pour les hommes, autant il l’est pour les animaux. Mais, ventre creux n’ayant point d’oreille…



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