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CAMP DE THIAROYE - Des fosses communes sous les dalles

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CAMP DE THIAROYE - Des fosses communes sous les dalles

La tragédie militaire et humaine survenue au Dépôt militaire de Thiaroye au début du mois de décembre 1944, reste une nébuleuse dont les nombreux témoignages n'ont pas encore fini de dévoiler les secrets. Comme si l’histoire se mettait à bégayer encore, voilà que de nouvelles rumeurs révèlent l’existence de fosses communes où seraient enterrés plusieurs centaines d’anciens tirailleurs sénégalais tués au cours de cette mutinerie.

Le périmètre qui abritait quelques années plutôt le Bataillon des Transmissions du Camp militaire Faidherbe de Thiaroye, devenu aujourd'hui le Cem Thiaroye 1, était jadis le Dépôt militaire de l'Aof. Tous les soldats démobilisés en partance vers leur pays d'origine, étaient logés là, en attendant d'en finir avec les procédures administratives de rapatriement. À hauteur de l'intersection de la route qui mène à Pikine où se trouvait la porte du Bataillon des Transmissions (route menant à l'intérieur du camp en venant par Poste-Thiaroye), se cachent des vergers, des jardins où se trouvent encore debout de grands arbres.

C'est le lieu où s'était exactement déroulé le drame humain du 1er décembre 1944. Sur ces lieux, par où est supposée passer l'autoroute à péage, se trouvaient les baraquements qui servaient de dortoirs aux soldats indigènes à l'époque. Ces baraquements qui ont résisté au temps jusqu'aux environs des années 72, 73 à 76, étaient dressés sur de longues dalles profondes composées de béton armé. En dessous, indiquent des sources, seraient enterrés dans des fosses communes, des centaines de corps de soldats victimes de cette fameuse mutinerie.

«L'autoroute à péage doit passer par là, les techniciens ont déjà exploré le site», déclare une source. «Cette autoroute pouvait passer par ailleurs, peut-être veulent-ils à jamais faire perdre les traces de ce site qui doit être minutieusement exploré. Ces braves fils de l'Afrique se trouvent là. Ce génocide ne doit pas rester impuni, il faut que le Sénégal prenne ses responsabilités, la France ne doit pas rester impunie», déclare un vieil homme qui dit avoir été sauvé par une visite effectuée chez des parents au moment du drame. En fait, sur ce site il y a quatre grandes dalles de près de cinquante mètres de long, à demi enfouies dans le sable. Certaines sources avancent qu'il y en aurait d'autres qui sont complètement engloutis par les dunes de sable.

La mémoire du temps

Par contre, Mamadou Alpha Aliou Sow, aujourd'hui âgé de 93 ans, qui en avait 18 ans au moment des faits, conforte la version officielle jusqu'ici véhiculée. Seulement, en tant que Gardien de la mémoire du temps, il se rappelle encore de plusieurs détails qui avaient précipité les évènements. Le vieux Mamadou Alpha Aliou Sow est le chef du village de Tivaouane Lamsar, il est Chevalier de l'Ordre national du Lion et Grand Officier de l'Ordre national du Lion. «Ces soldats ont été tués entre 8 h, 9 h et 10 h (en tout cas avant 11 h ce jour-là). C'était un mardi, il y avait beaucoup de vent», révèle le vieil homme sage. Avant de renchérir pour expliquer le contexte et les enjeux de la situation qui avait conduit à cette mutinerie. «À l'époque, j'étais manœuvre. Je me rappelle qu'un bateau accosté au môle 2 avait fait descendre plusieurs centaines de ces héros de la Guerre... Ces soldats tués étaient tous des partisans du Général De Gaulle.» Rentrés après la fin de la guerre, le vieux raconte «qu’ils attendaient de percevoir leurs primes pour regagner leur pays respectif. Il y avait beaucoup d’argent retiré des coffres allemands. Cet argent était amené à Dakar pour être échangé, afin de pouvoir payer les soldats. Il y avait seulement au Sénégal deux banques, la Bao et la Société générale de banque.» Poursuivant son récit, il ajoutera que, «Les soldats étaient allés à l’une des banques pour faire échanger de l’argent. Lorsqu’ils sont arrivés sur les lieux le caissier leur a dit d’attendre car l’argent était fini ; ce qui restait là ne pouvait pas faire leur affaire. Ils attendaient à côté et jouaient aux cartes au moment où un officier supérieur (Lieutenant ou Capitaine) est arrivé pour monnayer son argent. Furieux, ils se sont engueulés et ont battu à mort cet officier blanc», se rappelle le vieil homme.

C’est alors que le commandant de l’armée a appelé des renforts des camps des Mamelles et de la Marine de Bel Air. Ces derniers se sont immédiatement rendus au Camp de Thiaroye pour rétablir l’ordre. Mamadou Alpha Aliou Sow déclare qu’au moment des faits, toute cette zone était une forêt. Il y avait seulement le petit village de Thiaroye-sur mer. La route nationale était une petite piste de sable. Il se rappelle encore qu’«en 1967, un blanc français accompagné d’un interprète sénégalais, était venu me poser des questions sur cette histoire. Nous étions allés au cimetière qui se trouve derrière la route. Il n’y avait pas encore cette usine de fabrique d’engrais. En entrant au cimetière par la porte principale, se trouvent à droite les soldats chrétiens, tandis que les musulmans se trouvent à gauche», a noté l’Imam Mamadou Alpha Aliou Sow.

En définitive, cette affaire qui rebondit avec le temps, cache toujours une nébuleuse. Les 162 tombes qui se trouvent dans ce cimetière, renfermeraient à l’intérieur, quelque 3 à 5 personnes par tombe. Déjà, cette nouvelle version de fosses dissimulées sous les dalles des baraquements au camp de Thiaroye nécessite des fouilles pour qu’enfin la lumière jaillisse. Ne serait-ce que par devoir de mémoire et par respect à la mémoire et au repos de l’âme de ces malheureuses victimes des balles des colons français. Le 1er décembre prochain sera célébré la date anniversaire de cette tragédie.



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