Des réactions de cette nature amènent les uns et les autres à composer leur propre armée de talibés pour un équilibre de la terreur. Or ce qui fait, entre autres, le charme du Sénégal, c’est cette pluralité de confréries religieuses qui ont toujours réussi à vivre en parfaite harmonie, dans un commun vouloir de vie commune. Il serait malheureux pour tout le monde si la donne venait à changer.
Vendredi, ce sont des talibés de Serigne Modou Kara qui sont venus casser du Walf, sous prétexte que les journalistes ont attenté à la dignité du marabout. Quelques mois plus tôt, pour d’autres raisons, des disciples de Cheikh Béthio Thioune s’attaquaient au même groupe parce qu’un Sa Ndiogou a eu l’indélicatesse d’égratigner le cheikh dans une émission humoristique sur Walf Tv. Le culte de la personnalité à laquelle certains guides initient leurs disciples est à l’origine de ces dérapages. L’apologie de la violence n’est faite dans aucune confrérie religieuse du Sénégal. Les érudits, fondateurs de ces courants de pensée, sont connus et cités en exemple pour avoir mené des combats pacifiques.
Les réactions violentes et démesurées de certains talibés traduisent un danger latent, entretenu par ces mouvements de fidèles, majoritairement composés de fanatiques peu au fait de la philosophie de leur confrérie. La capacité organisationnelle de ces mouvements impressionne. Comme dans l’armée, les talibés sont aux pas, ordonnés et disciplinés devant le chef, bien entraînés et toujours prêts à défendre l’honneur, non pas de la patrie cette fois-ci, mais du marabout.
A l’origine, cette organisation dans les dahiras permettait aux talibés de gérer au mieux les manifestations religieuses. Aujourd’hui, ils sont devenus des bras armés. Ces marabouts, qui drainent une foule de milliers de fidèles, comme ils se plaisent à le rappeler, ont une certaine aura. Ils devraient mettre cet atout au service de la nation, en appelant leurs fidèles à plus de civisme, au respect des lois et de la liberté des autres. Il ne faut pas perdre de vue, par ailleurs, que seul l’Etat a le monopole de la violence. La justice populaire doit être bannie dans ce pays. Le regain de violence auquel nous assistons interpelle les pouvoirs publics au premier chef. Le feu couve. L’Etat a intérêt à réagir vite. Sinon qu’adviendra-t-il du pays si ces milices confrériques décidaient de s’attaquer au palais présidentiel ? Parce des accrochages entre gens du pouvoir et guides religieux ne sont pas choses rares.
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