Jeudi 28 Mars, 2024 á Dakar
Vendredi 01 Juin, 2018 +33
Societe

CONFIDENCES - Aïda Mbodj, ministre et épouse de marabout : «Moi, Aïda Mbodji, on ne me répudie pas facilement»

Single Post
CONFIDENCES - Aïda Mbodj, ministre et épouse de marabout : «Moi, Aïda Mbodji, on ne me répudie pas facilement»

Elle déborde d’énergie. Avocate du genre, Aida Mbodj, le ministre de la Femme, de la Famille et du Développement social, est un cocktail de femmes, avec ses diverses facettes. Un condensé de militante, disciple et épouse du petit-fils, de Cheikh Ahmadou Bamba, Serigne Ass Sallé. Un mélange qui se mixe et se décompose au gré des contextes. Dans son bureau niché au fond du couloir gauche du sixième étage du building administratif, la native de Bambey s’exerce aux confidences. Dans une ambiance détendue et bercée par la musique en sourdine du jingle intermittent de Canal Info, Mme Mbacké se lâche. Elle dévoile un pan de sa personnalité. Sous un maquillage fort discret, elle respire l’engagement surfe entre militantisme et spiritualité.

Mme Aïda Mbodji est ministre, mais aussi épouse de marabout. Comment alliez-vous vos fonctions ministérielles à celle d’épouse mbacké-mbacké ?

(Rires) Grâce à la compréhension de mon entourage et de mon époux mbacké-mbacké, un homme exceptionnel, j’arrive à concilier les deux. J’arrive à mener à bien mes activités professionnelles qui relèvent de mes charges républicaines et à bien assumer mon statut d’épouse de mbacké-mbacké. Pour cela, je suis bien comprise par ma famille.

Je reviens sur le thème «femme de marabout», en fait celui du Quotidien, c’est de la provocation ? En tout cas, je vous en félicite et je vous remercie d’avoir une pensée pour les épouses de marabout.

Votre militantisme guerrière entache-t-elle votre vie de couple ?

(Ferme) La conviction n’a rien à faire avec le paraître. Je pense qu’on peut paraître comme on veut et rester une battante, une femme engagée. C’est ma conviction. La conviction s’assimile avec la personne et la personnalité. J’ai toujours été femme et je n’ai jamais voulu passer pour un garçon manqué (Ndlr : Aïda Mbodj a eu à avoir comme look de jeune fille le crâne rasé). J’ai toujours défendu mon statut de femme. Je suis resté femme et Sénégalaise, et j’y mets un point d’honneur. C’est vous dire que mon nom Mbacké n’entache en rien mon militantisme, ma force de défendre mes idées.

Et votre statut de mbacké-mbacké influe-t-il sur vos charges ministérielles ?

Non ! Mais, c’est un peu difficile. Dès fois, il y a des personnes qui me font du chantage en me disant, surtout du temps où j’avais en charge le riz de la Solidarité, comme quoi j’avais l’obligation de subvenir aux besoins des mbacké-mbacké si je crois au mouridisme. (Déterminée). Mais, je n’en crois rien. Parce que quand j’en ai parlé avec le principal intéressé, il m’a renseigné sur beaucoup de chose. Et de là, j’ai su qu’il ne suffit pas de satisfaire les besoins de certains opportunistes pour être un mouride convaincu. Heureusement que je suis bien épaulée et soutenue par mon mari et ses disciples. Je crois que c’est à l’avantage de mes activités politiques.

Est-ce que ces disciples dissocient Mme Mbacké à Aïda Mbodj, ministre ?

Ils font la différence parce que ce sont des gens que j’ai toujours côtoyés. Parce que nos rapports datent d’avant ma gestion du ministère. Nous avons toujours des relations chaleureuses, des relations d’implication dans leurs familles. Evidemment, je n’ai plus assez de temps pour bien m’occuper de leurs familles, de régler les différends avec leurs familles. Je n’ai plus ce temps, mais, je continue d’entretenir cette affection qui me lie à eux. Ils comprennent que mes charges ne me permettent plus d’être souvent en leur compagnie, pourtant ils continuent d’être avec le marabout. Ce sont des gens formidables qui m’aident beaucoup. Par exemple chaque fois que j’ai besoin de transporter des matériels de femme à l’intérieur du pays, ce sont ces disciples qui mettent à ma disposition leur matériel et leur temps pour m’aider à accomplir ma mission.

N’est-ce pas un apport dans vos charges ministérielles, cela vous facilite la tâche ?

Cela me facilite la tâche certes, mais il y en a qui s’immisce dans ma fonction. Certains croient devoir me dicter avec qui parler ou non.

En quoi faisant ?

De façon préventive, ils me disent : Sokhnasi (Mme) ne répond pas à l’invitation de tel journaliste parce qu’il est provocateur, etc.» C’est une immixtion qui ne dérange pas car elle est guidée par l’affection qu’ils vouent à ma personne.

Dites, comment Aïda Mbodj passe son Magal ?

La journée commence très tôt le matin. Je prends le petit-déjeuner avec mon époux qui se rend après chez son père aux environs de 9h, nous nous consacrons à l’écoute des khassaïde et à la lecture du Coran tout en nous occupant de nos invités. C’est ce qu’on appelle le tewlu, qui est une concentration pour marquer le yor-yor qui est calé entre 10 et 12 heures. Car d’après la prescription, il faut que le yor-yor nous trouve à Touba pour marquer notre présence au magal. Après ce tewlu, entre 13h-14h, nous servons les repas jusqu’au soir. Le matin, on fait des beignets.

Est-ce que vous mettez la main à la patte ?

Là, honnêtement, on n’a pas trop le temps de mettre la main à la patte. D’ailleurs, mon neveu et mon garçon me reprochent souvent de faire de la sous-traitance, de ne plus faire la cuisine. Ils ont peut-être raison, mais on va sous-traiter avec les gens qui sont disponibles. Mais, je sers personnellement les repas du marabout. Je m’occupe des repas du marabout.

A part la sous-traitance qu’est-ce qui a changé d’autre ?

(Rires) A part la sous-traitance, rien n’a changé. On est aux petits soins pour le mari.

Comment appréciez-vous le phénomène des femmes de marabout qui sont répudiés comme des malpropres ?

Cela arrive souvent et ce n’est pas normal (sur un ton agressif). Je pense que quel que soit le statut du mari, on doit contracter un mariage dans les règles de l’art et le défaire en y mettant les formes. Nul n’est au dessus de la loi. Aucun homme n’a le droit de répudier sans arguments une femme. Cependant, la faute revient souvent aussi aux femmes qui ne veulent pas mettre les formes et qui ne veulent pas se conformer aux conventions régulières pour contracter des mariages. Cela fait partie aussi des violences faites aux femmes. Car, ce n’est pas normal que des parents, qui, par acte d’allégeance à leur marabout, donnent la main de leurs filles sans contre partie en leur disant yaxam lala lath. Ce n’est pas normal non plus que le marabout dispose de ces femmes comme il veut. Cela me fait mal. D’autant que ce n’est pas Aïda Mbodj. On ne me répudie pas comme cela (se tordant de rire) !

Est-ce à dire qu’il y a une limite entre la disciple et l’épouse ?

Plus qu’une limite, c’est une dichotomie qu’il faut établir. Il faut une distance, une ligne pour dire non. D’ailleurs, c’est une de nos missions. Nous ne voulons pas que la femme soit un objet, qu’elle soit la propriété du père qui pourrait la donner en mariage quand il veut et qu’on puisse la traiter. (Plongé dans ses souvenirs) Chez moi j’ai une fille qui a été l’objet de cette injustice et quand elle a voulu se libérer non seulement son père a été obligé d’accepter cet affranchissement, mais j’ai prêté mes services. Présentement, elle est en train de retrouver son épanouissement, son indépendance.

Cependant, cela ne veut pas dire que nous suscitons le libertinage, ni la rupture des liens entre une fille et sa famille. Mais, quand même ce n’est pas normal de donner sa fille pour plaire à son marabout. Personnellement, j’ai librement choisi. Personne ne m’a incité à contracter mon mariage. C’est mon deuxième mariage et j’avais déjà été marié et mère de famille. Donc, je n’accepte pas qu’un parent puisse donner son enfant en mariage par acte d’allégeance, surtout pour un premier mariage.

D’autre part, il est difficile à ces femmes répudiées de retrouver un autre mari parce que considérée comme un fruit interdit…

C’est vrai que cela pose problème. Mais, cela dépend aussi de la manière dont on se libère. Je pense qu’une femme, qui, de manière souveraine rompt les liens du mariage en ne voulant rester l’otage ou l’esclave d’un homme est une femme forte qui sera appréciée et respectée par son entourage et qui saura entretenir d’autres mariages. Je pense plutôt que le problème se situe au niveau de la responsabilité de la femme et comment elle compte s’assumer pour gérer le mariage avec un marabout et se prendre en charge, survivre, s’épanouir pour contracter un autre mariage.

Il peut arriver que la raison bute sur un conflit d’intérêt, avez-vous eu à vivre ce genre de dilemme ?

Là, ce serait très grave ! C’est la lecture que j’ai des rapports entre l’époux et l’épouse. Je ne peux pas faire une chose sans l’aval, le consentement ni la complicité de mon mari. Et j’avoue que je ne m’imagine pas être en antagonisme à l’intérieur de mon ménage.

Est-il facile de surfer entre le spirituel et le temporel ?

Cela ne pose pas de problème. J’ai un époux très moderne qui est un intellectuel et qui me comprend. En complicité, il me soutient, il me seconde. Sincèrement, je ne connais pas ces conflits d’intérêt, cette opposition entre le spirituel et le temporel.

On célèbre aujourd’hui la journée de la femme, quel est le thème retenu pour cette année ?

Le thème porte sur «Halte aux violences faites aux femmes et filles». C’est notre manière d’interpeller les pouvoirs publics afin qu’ils mettent fin à l’impunité en cas de violence faite aux femmes. Donc, le soubassement de ce thème, est la conscientisation des pouvoirs publics. Les femmes ont lancé un cri de cœur et demandent au pouvoir public d’assurer une bonne application des dispositions de la loi. Lors de la quinzaine de la femme précédente, nous avons débattu de ce thème et nous avons demandé à l’Association des femmes juristes de se constituer partie civile en cas de violence faite aux femmes. Nous nous étions proposés de trouver un mécanisme pour protéger les femmes, les aider à saisir la justice, à revendiquer leur dû et à se protéger davantage.

Donc il se pose un problème d’application de la loi…

Effectivement, il y a des problèmes d’application de la loi. L’impunité a été dénoncée et elle continuera à l’être. Certes, nous avons tout un arsenal juridique, mais l’application pose problème. Je l’avoue ! C’est pourquoi nous avons suggéré au président de la République, après la quinzaine de la femme de 2006 et l’exploration des textes, de rendre effective l’application des dispositions au niveau de la Constitution pour protéger les femmes. Par exemple, si nous prenons le cas des fistules qui sont la conséquence des mariages précoces, nous avons jugé utile d’impliquer le président de la République, le 5 juin dernier, pour qu’il s’engage en demandant à l’administration territoriale de dénoncer les auteurs de ces violence faites aux filles par le biais des mariages précoces. C’est un acte majeur qu’il faut sauvegarder et poursuivre surtout au niveau de l’application des textes.

Existe-t-il une structure mise en place pour sensibiliser les victimes de viol ?

En général, à propos des violences faites aux femmes, nous avons des antennes au niveau des Cedaf (Centre départemental d’assistance et de formation pour la femme). Pour le viol, non seulement nous poursuivrons le processus pour renforcer l’application des dispositions de la loi contre l’impunité, mais il reste à bannir la pudeur. Aujourd’hui si les violeurs sont impunis, cela relève plutôt de la pudeur. C’est la pudeur qui est la source de tous nos problèmes, nous autres Sénégalaises.

Cette année le 8 mars coïncide avec le magal de Touba, est-ce qu’il y aura un programme particulier ?

Nous n’allons pas rompre avec la tradition. Mais, la journée du 8 Mars, célébrée par toutes les organisations de femmes de par le monde, peut se manifester par différentes façons. Personnellement, je me trouverais à Touba pour des obligations que je n’aimerais pas trop évoquer. N’empêche, je vais participer à un débat sur le thème «Femme et insuffisance rénale», organisé par des néphrologues à l’antenne médicale de Touba.

Comment comptez-vous gérer le magal et la cérémonie des néphrologues ?

Nous recevons, à l’occasion du magal, plusieurs amies, des disciples ainsi que des associations de femmes. Parmi ces groupements, il y a les associations de femme qui auraient dû être à Dakar pour fêter la Journée mondiale de la femme. Mais, elles ont décidé de m’accompagner à la cérémonie des néphrologues pour les féliciter et leur exprimer la gratitude des femmes. Le fait qu’il pense à organiser des consultations gratuites en faveur des femmes, de même qu’ils apportent un remède utile pour ces femmes, est très important.

Toutefois, il avait été question d’une caravane de femmes venant du Mali pour le magal, mais, je n’ai pas voulu trop insister, quand des présidentes d’association qui étaient avec nous avec la coopération italienne me l’ont proposé. En fait, c’est assez sensible car c’est une question d’appartenance religieuse et de tarikha. De plus, les gens feront vite d’exploiter cela contre nous. Et, nous ne voulions pas faire pression contre des femmes pour les amener au magal contre leur gré. C’est pourquoi nous n’avons pas initié cette caravane, pour éviter de mauvaises interprétations.

Avec ce doublon magal-8 mars, ne pensez-vous pas que la journée de la femme risque d’être noyée par l’ampleur du magal ?

(Surprise) Mais, le magal prend aussi la dimension femme. Parce que si on suit les prescriptions du saint homme qui parle de «berndel», un point fort pendant le magal, concerne les femmes. Le «berndel» est organisé par les femmes. De plus, la dimension femme est intégrée dans tout ce qui est magal en référence à Mame Diarra Bousso. Elle a été la source du mouridisme. Elle est à la base de ce qu’on organise, son nom est partout évoqué et accompagne le nom de Serigne Touba.



0 Commentaires

Participer à la Discussion

  • Nous vous prions d'etre courtois.
  • N'envoyez pas de message ayant un ton agressif ou insultant.
  • N'envoyez pas de message inutile.
  • Pas de messages répétitifs, ou de hors sujéts.
  • Attaques personnelles. Vous pouvez critiquer une idée, mais pas d'attaques personnelles SVP. Ceci inclut tout message à contenu diffamatoire, vulgaire, violent, ne respectant pas la vie privée, sexuel ou en violation avec la loi. Ces messages seront supprimés.
  • Pas de publicité. Ce forum n'est pas un espace publicitaire gratuit.
  • Pas de majuscules. Tout message inscrit entièrement en majuscule sera supprimé.
Auteur: Commentaire : Poster mon commentaire

Repondre á un commentaire...

Auteur Commentaire : Poster ma reponse

ON EN PARLE

Banner 01

Seneweb Radio

  • RFM Radio
    Ecoutez le meilleur de la radio
  • SUD FM
    Ecoutez le meilleur de la radio
  • Zik-FM
    Ecoutez le meilleur de la radio

Newsletter Subscribe

Get the Latest Posts & Articles in Your Email