Contrefaçon, vente illicite, dons... : Les médicaments, un marché à diagnostiquer

«Les dons de médicaments constituent la porte d’entrée dans le marché illicite au Sénégal, car une quantité importante de médicaments contrefaits provient des dons de produits pharmaceutiques», informe le pharmacien Babacar Diop. Il partage cette opinion avec la pharmacienne Mariam Diallo Niang qui exige plutôt des autorités du port et de l’aéroport de faire preuve de rigueur dans le contrôle des dons de médicaments qui entrent au Sénégal, même s’ils sont prohibés. Et de suggérer que «ces dons soient mis à la disposition du ministère de la Santé à travers le Laboratoire national des analyses chimiques avant d’être distribués aux populations comme indiqué». Mais, puisque les circuits de ces dons ne sont pas maîtrisés, ces médicaments échappent à tout contrôle, déplore le Dr Diop.

Ainsi, ces produits destinés aux personnes pauvres sont-ils vendus dans le marché parallèle avec toutes les conséquences sur la santé des populations. «Il faut que les pharmaciens combattent ces dons qui sont constitués de médicaments contrefaits qui, s’ils ne sont pas distribués aux populations, sont vendus à «Keur Serigne Bi» et dans le marché parallèle», indique le Dr Babacar Diop.

En tout cas, lui et ses autres collègues pharmaciens sont catégoriques : les  produits pharmaceutiques vendus dans les officines sont de bonne qualité. Ils viennent des firmes connues à travers le monde où toutes les procédures de fabrication sont respectées avant que les médicaments ne soient mis en vente. «De grâce, nous ne vendons pas de médicaments issus de la contrefaçon», tranche la pharmacienne Mariam Diallo Niang.

Le Pr. Boubacar Diène, tout comme le Dr Babacar Diop de confirmer que les industries sénégalaises ne fabriquent pas de médicaments contrefaits. Au Sénégal, 20% des médicaments mis à la disposition des populations sont fabriqués par les firmes implantées à Dakar.

Le contrôle fait défaut

Alors, sur la provenance des médicaments contrefaits présents sur le marché sénégalais, les pharmaciens indexent des pays asiatiques et anglophones d’Afrique. Lesquels ont des industries spécialisées dans la fabrication de produits contrefaits qui sont écoulés dans le marché parallèle de la sous région à des prix très bas. «Les populations ne comprenant pas, se ruent vers ces produits sans mesurer les conséquences qu’ils peuvent avoir sur leur santé», explique le Dr Babacar Diop. Les pharmaciens sont unanimes. Aucun professionnel de la santé ne peut dire, de manière officielle, qu’un médicament est de mauvaise qualité. «Sauf si la date d’expiration indiquée dans l’étiquette du produit le montre. C’est pour vous dire que seul le laboratoire d’analyse des produits chimiques est autorisé à faire le contrôle et à dire que le médicament n’est pas de bonne qualité», argumente le pharmacien Babacar Diop. Des propos largement partagés par le Dr Fatou Dème qui déclare : «Ce n’est pas du ressort des pharmaciens de dire qu’un produit est de mauvaise qualité. Même s’il arrive que les pharmaciens, grâce à leur expérience, arrivent à reconnaître dans leurs officines des  produits contrefaits».

De l’avis du Dr Mariama Diallo Niang, la couleur permet de distinguer le bon produit pharmaceutique du mauvais. «Quand la couleur et l’aspect du produit changent, il faut savoir que ce produit n’est plus bon, même si la date d’expiration reste valable», précise le Dr Niang qui brandit un comprimé qui a changé de couleur. «Vous voyez ce comprimé, il était blanc, il est devenu jaune. Alors, il n’est plus bon». Malheureusement, le laboratoire sensé faire ce travail de contrôle ne le fait pas, «alors qu’il dispose de matériels de qualité dans ses locaux», fustige un pharmacien sous l’anonymat. Selon ce dernier, le manque de contrôle des produits pharmaceutiques est à l’origine de l’augmentation de la contrefaçon au Sénégal.

La contrefaçon touche tous les médicaments traitant des maladies simples à celles dites chroniques comme le diabète, les maladies du cœur, les cancers… «La contrefaçon est un véritable fléau mondial», lance le Pr. Boubacar Diène. Tous les vendeurs de médicaments contrefaits s’enrichissent de manière criminelle. «Ils sont pires que les vendeurs de drogue. Ils tuent chaque jour des êtres humains, parce que les normes de conservation des médicaments ne sont pas respectés», se désole le Dr Fatou Dème. Pourtant, les conditions de conservation du produit pharmaceutique sont capitales, parce qu’un produit mal conservé perd son efficacité. Et le Dr Babacar Diop de donner l’exemple d’un vaccin qui sort de la chaîne froide et qui devient de l’eau quelques minutes après. «Vous l’administrez à un enfant, ça ne pourra pas apporter de résultats, car dès que la maladie contre laquelle l’enfant a été vacciné arrive, celui-ci n’est pas à l’abri», avance-t-il. C’est tout le sens du combat contre les médicaments vendus dans les rues et les grands marchés comme à Dakar, Touba, Diaobé, Kaolack…