DEBRAYAGES, GREVE GENERALE, MOUVEMENT D’HUMEUR DES ENSEIGNANTS… Menaces sur l’année scolaire 2006

Débrayages et grève générale du Cusems depuis hier, mardi jusqu’à vendredi prochain, des mouvements d’humeur des enseignants à Kolda et des potaches à Saint-Louis alors même que les signes annonciateurs étaient si manifestes… Telles sont les premières actions engagées en ce début d’année scolaire et qui présagent de lourdes menaces sur l’avenir de notre projet d’école. A la décharge d’un Etat qui semble se complaire dans une sorte de blocage systématique du dialogue dans l’espace éducatif sénégalais.

Les établissements publics d'enseignement, à Dakar comme à l'intérieur du pays, ont subi hier encore le courroux du cadre unitaire des enseignants du moyen et du secondaire (Cusems). En effet, au premier jour de leur débrayage, les enseignants regroupés au sein du Cadre unitaire des syndicats de l'enseignement moyen et secondaire (Cusems) ont, de fait, paralysé le déroulement normal des apprentissages dans l'ensemble des collèges et lycées du Sénégal. Mamadou Mbodj, un des responsables du Cusems, tirant le bilan de cette première journée, a indiqué que les taux de suivi du mot d'ordre de suspension des enseignements durant la journée d’hier a touché dans certains établissements la barre des 90% . C’est le cas de la capitale (Dakar) et de certaines villes de l'intérieur. Une manière si besoin en était encore de prouver la virulence et la combativité du mouvement protestataire déclenché depuis l'année scolaire écoulée par ce jeune cartel syndical, mais en passe de supplanter tous ces devanciers dans l’espace syndical scolaire. Conséquence du débrayage d’hier, mercredi 15 novembre, beaucoup de potaches ont dû vaquer à des occupations autres que celles des études et des classes. En mettant ainsi à exécution leurs menaces de relancer le mouvement de grève suspendu depuis à peine deux mois pour permettre à la nouvelle année scolaire de se mettre en route, les enseignants du moyen et du secondaire ont mis l'Etat sénégalais devant ses responsabilités. Celles de respecter les engagements contractés avec les enseignants ou du moins, de viabiliser un dialogue social à même de baliser les contours d'un climat apaisé dans l'école. Malheureusement, le peu de cas voire même le manque de considération que semblent afficher les autorités face aux revendications du Cusems (revalorisation des salaires en fonction des niveaux d'études et de formation, revalorisation de l'indemnité de logement figée à 40.000Fcfa pour les enseignants du moyen et du secondaire). ont fini par vicier l'espace de concertation entre pouvoirs publics et syndicats enseignants. Or, les revendications du Cusems ont été du reste jugées par une large frange de l’opinion très légitimes par ces temps d’augmentation à tour de bras des salaires par le président de la République en faveur des fonctionnaires de catégories relevant souvent d’un niveau plus bas.
Deux poids, deux mesures

Une telle situation avait suscité l’ire des syndicats d’enseignants qui s’étaient lancés dès lors dans des actions revendicatives d’envergure pour défendre la fonction enseignante. Les dommages collatéraux s’étaient déclinés malheureusement au préjudice notable des élèves, des parents et du système éducatif dans son ensemble. De fait, l'année 2005-2006 avait coïncidé avec une série de perturbations majeures qui ont fragilisé de manière sévère l'école. Le boycott de la surveillance des épreuves et de la correction lors des examens nationaux tels que le Bac général et /ou technique, le Bfem , le Cfee et l'Entrée en sixième, comme la rétention des notes et le boycott des Conseils de classes, avaient occasionné un préjudice immense au système. Surtout par rapport à la crédibilité des diplômes nationaux et aux passages en classes supérieures dans les collèges et lycées du Sénégal, lesquels se déroulèrent dans la cacophonie et la zizanie totale.

L'Etat sénégalais ne semble pas avoir eu cure de cette capacité de nuisance du Cusems et des autres centrales syndicales qui se partagent le champ de la revendication dans l'espace éducatif. Sinon il est difficile d’expliquer l’attitude des pouvoirs publics qui augmentent à force de bras les rémunérations des militaires, des douaniers et autres magistrats et refusent d’en faire autant pour les enseignants afin de jouer à l’équilibrisme dans cette dynamique de "folie haussière" des salaires. Comme s'ils étaient des fonctionnaires entièrement à part dans un système de gestion étatique qui aurait perdu ses repères…

Le dialogue social en panne

L'éducation nationale déjà en ébullition alors que l'année scolaire vient à peine de démarrer, est en train de renouer ainsi, encore une fois et petit à petit, avec les délétères travers et malencontreux dysfonctionnements qui fragilisent chaque année davantage le projet d'école sénégalais. A Saint -Louis, les lycéens ont déserté les classes dès ce lundi pour sensibiliser et alerter les autorités sur les menaces qui pèsent sur l'année scolaire, mais surtout pour les exhorter à prendre langue de manière responsable avec les Syndicats d'enseignants, au premier chef desquels le Cusems. Une preuve que nos malheureux potaches refusent d'être encore et à juste raison, les dindons de la farce, voire les otages d'un bras de fer dont ils seront à coup sûr, les premières victimes désignées. Parfois, on est tenté de se poser la question de savoir dans quelle sauce l'Etat sénégalais entend-il manger la ratatouille de l'école sénégalaise, quand on sait qu'il y a une sorte de panne provoquée du dialogue social avec les syndicats

L'enseignant sénégalais ne mérite-t-il pas un meilleur crédit de la part des pouvoirs publics eu égard à son rôle dans le façonnage des élites et sa contribution dans l'œuvre de développement national porté par le projet d'école sénégalais? Ce projet est censé cristalliser en d'autres termes toute notre légitime aspiration au développement socio-économique par le canal de ressources humaines en phase avec les urgences, les impératifs et les besoins d'un monde global dominé par la compétitivité des économies, la circulation effrénée des savoirs et la recherche assidue de performance. Contre toute attente, force est de constater la propension maladive des pouvoirs publics à persévérer dans leur «attitude négative de sabotage du dialogue social dans l'école». Alors même que les germes de la perturbation de l'espace scolaire étaient inscrits depuis l'année dernière (2005-2006) dans les menaces des centrales syndicales de paralyser tout le système éducatif, si jamais elles n'obtenaient un début de satisfaction de leurs plate-formes revendicatives. Alors même qu'à Kolda et dans certaines localités de l'intérieur du pays, des enseignants commencent à mettre à exécution la menace de débrayage faute de recevoir leurs indemnités de déplacement du Brevet de fin d'études moyennes (Bfem), de leurs heures supplémentaires et l'avancement des contractuels. Comme si le Sénégal était en cessation de paiement ou manquait tout simplement de liquidité pendant que des milliards étaient engloutis du jour au lendemain dans des activités tout aussi louches les unes que les autres. Tristes tropiques.