La décristallisation complète des pensions des anciens combattants et anciens militaires de l’armée française, ressortissants des pays autrefois sous la souveraineté française, est sans contexte la victoire des anciens combattants d’origine sénégalaise. En effet, c’est en 1989 qu’un petit groupe de 742 anciens combattants des campagnes d’Algérie, d’Indochine et militaires de carrière de l’armée française ont décidé de porter plainte contre la France auprès du Comité des droits de l’Homme de l’Onu.
Malgré leurs 80 ans bien sonnés, l’adjudant Coly Kruma, le Maréchal de logis Mbow Dame et l’adjudant Guèye Malick, comme on les appellait à l’époque coloniale et sous les drapeaux de l’armée française, n’ont rien perdu de leur énergie. Trouvés au siège de l’Association des anciens combattants de l’union française (Aacuf) délégation régionale du Sénégal, avenue Lamine Guèye, ces anciens militaires français qui ont combattu en Algérie, en Indochine, au Maroc, au Cambodge reçoivent leurs visiteurs. C’est dans un local exigu, où deux tables et quelques chaises servent de meubles, qu’ils reçoivent les veuves et autres personnes qui viennent pour des renseignements. Ils font office de permanents de l’association. Ils sont au courant depuis longtemps de la décristallisation complète des pensions des anciens combattants et militaires de l’armée française, décidée début mai par le président de la République française. Pour preuve, lorsque nous leur posons la question, l’un d’eux nous donne une copie du journal officiel de la République française où il y a l’article en question. Une décision qui fait quelque peu leur bonheur et celui de leurs proches, ainsi que de milliers d’anciens combattants africains.
En réalité, c’est l’aboutissement d’un combat qui date de plus de cinquante années. Un combat mené par un groupe de 742 anciens combattants sénégalais. En 1989, ce petit groupe d’anciens combattants dépose une plainte contre la France auprès du Comité des droits de l’Homme de l’Onu. La suite, on la connaît, car l’Onu va donner gain de cause aux plaignants. Plus de trente après, l’adjudant Kruma Coly, secrétaire général de l’Aacuf, Malick Guèye, secrétaire général adjoint et Dame Mbow, le trésorier reviennent sur les étapes de ce long combat juridique de l’association que dirige Mamadou Sall. ‘742 plaignants sénégalais, des anciens militaires de carrière ont porté plainte après le refus de la France de nous rétablir dans nos droits devant le Comité des droits de l’Homme de l’Organisation des nations unies (Onu). Nous avions comme avocat, feus Babacar Niang et Me Ngala Ndiaye’, rappelle l’ancien adjudant de l’armée française qu’il a servie pendant dix-sept ans. Période durant laquelle il a participé à deux guerres de décolonisation en Algérie et en Indochine. A cette époque, c’est Alioune Bâ qui dirigeait l’Aacuf. A sa disparition, c’est feu Me Ibrahima Ndiaye, un ancien militaire retraité de l’armée française devenu avocat, qui préside la délégation sénégalaise.
D’ailleurs, c’est lui qui a choisi les avocats en charge du dossier des anciens combattants, aidé en cela par Bernard Poirrez, correspondant en France des anciens combattants sénégalais. Ce dernier a pris des avocats comme Me Gauzass, Me Godard et Arnaud Lyon-Caen. Car, après le jugement du Comité des droits de l’homme de l’Onu, il s’est posé un problème. Coly kruma, 81 ans, explique : ‘Le comité des droits de l’homme de l’Onu nous a donné raison en invitant la France à nous rétablir dans nos droits. Mais puisque la sentence venait d’une instance internationale, il fallait l’enrôler dans la justice du pays, c’est-à-dire la France. C’est ainsi que nous avons pris un avocat du nom de Me Gauzass. Malheureusement, Me Gauzass en introduisant le dossier avait omis d’apposer des timbres sur le dossier que nous avions payé en raison de quinze mille francs Cfa par membre’, informe-t-il.
Pour cette raison, le dossier a été rejeté et se trouve actuellement en contentieux au tribunal de Nantes, nous apprend-on.‘Après le rejet du dossier, il y a l’insistance de notre correspondant en France Bernard Poirrez. Il a pris un avocat en la personne de Me Godard. Pour tester la France, il a pris 35 personnes parmi la liste des 742 plaignants qui avaient déposé la plainte. Ces 35 anciens combattants ont eu gain de cause devant le Conseil d’Etat’, raconte-t-il. Il s’agit du célèbre arrêt Diop du Conseil d’Etat français du 7 juillet 1999.
Pour cet arrêt, la distinction de traitement entre anciens combattants français et étrangers est basée sur la nationalité. L’arrêt porte depuis, le nom de Amadou Diop qui était à la tête de la liste des 35. Ainsi, les 35 ont été décristallisés et alignés sur les pensions de retraite des anciens combattants. Après, il y a eu 30 autres.
Le poids du plaidoyer des avocats
Dans la foulée, la Commission européenne des droits de l’homme condamne la France à rétablir les anciens dans leurs droits en ‘dégelant’ leurs pensions ‘gelées’ depuis la veille des indépendances. ‘Mais, le ministre des Finances de l’époque a d’abord dit que cela ne concerne que Amadou Diop. Il avait dit : payer toute cette somme, c’est créer des riches et déséquilibrer l’économie africaine’, regrette amèrement encore Coly Kruma.
Pour les autres, la France a continué de les payer trimestriellement en améliorant un peu leurs pensions d’anciens combattants, selon le niveau de vie de chaque pays. Et cela jusqu’à ce mois de mai 2011. Pour le vieux, si la France a décidé la décristallisation complète des pensions des anciens c’est sous la pression des avocats. Les bénéficiaires sont essentiellement constitués d’anciens combattants des guerres de décolonisation dans les années 50 en Algérie et en Indochine ; en plus des militaires africains qui ont servi plus de quinze dans l’armée coloniale française.
De plus, d’un groupe de 250 mille pour tous les pays autrefois sous souveraineté française, ils sont aujourd’hui près de 30 mille dont près de 3700 au Sénégal. Cela donne une idée du nombre de disparus. S’agissant des anciens combattants de la Première et de la Deuxième Guerre mondiale, ils ne sont plus de ce monde.Le dernier poilu, comme on les appelait et qui était un Américain, est mort il y a quelques semaines.
6 Commentaires
Jasmil
En Mai, 2011 (02:59 AM)Undefined
En Mai, 2011 (06:14 AM)Fall
En Mai, 2011 (07:27 AM)Lucke
En Mai, 2011 (10:35 AM)La Gaule
En Mai, 2011 (21:05 PM)Mahrez Arbia
En Décembre, 2013 (12:04 PM)Participer à la Discussion