LOS CHRISTIANOS, Espagne (Reuters) - Redoutant d'être rapatriés de force, des centaines d'immigrés clandestins sénégalais ont manifesté dans un centre de rétention des îles Canaries jusqu'à ce que la police leur promette qu'ils resteraient en Espagne, rapporte un responsable syndical.
Les troubles avaient commencé dimanche au centre surpeuplé de Matorral, sur l'île de Fuerteventura, après l'arrivée de policiers sénégalais venus vérifier l'identité de leurs ressortissants pour que l'Espagne puisse les renvoyer chez eux, a précisé Agustin Brito.
"Nos collègues policiers leur ont dit de ne pas s'inquiéter, qu'il ne leur arriverait rien et qu'ils ne seraient pas rapatriés", a poursuivi Brito, secrétaire général de la Confédération des policiers espagnols aux Canaries.
"Il leur fallait faire quelque chose pour les calmer. Le problème va surgir quand ils s'apercevront en sortant de l'avion qu'ils sont au Sénégal", a-t-il ajouté.
Un porte-parole de la police canarienne a confirmé qu'un incident avait eu lieu dimanche, mais en se refusant à toute précision. Aucun représentant du gouvernement espagnol n'était joignable dans l'immédiat.
Les policiers sénégalais se sont rendus aux Canaries à la suite de pressions de Madrid visant à identifier les clandestins qui arrivent dans l'archipel espagnol en nombre de plus en plus considérable à bord d'embarcations de fortune. Beaucoup sont originaires d'Afrique de l'Ouest.
Plus de 22.000 Africains ont déjà débarqué cette année dans l'archipel espagnol de l'Atlantique dans l'espoir de trouver du travail en Europe, soit cinq fois plus que pour l'ensemble de l'année 2005. Un sondage récent montre que l'immigration est devenu le sujet d'inquiétude prédominant des Espagnols.
Le gouvernement socialiste de Madrid s'est engagé à expulser tous les immigrés en situation irrégulière et a demandé à l'Union européenne de l'aider à cette fin.
PANIQUE
Jusqu'ici, le fait que la plupart des clandestins refusent de révéler leur nationalité a entraîné leur transfert en Espagne continentale et leur mise en liberté, par souci ne pas submerger les centres de rétention des Canaries.
L'Espagne a exercé des pressions sur le Sénégal, qui n'avait plus accepté le rapatriement de clandestins après de violents incidents provoqués il y a plusieurs mois par un groupe à sa descente d'avion à Dakar.
Selon Brito, quelque 600 clandestins ont été pris de panique après l'arrivée des policiers sénégalais, qui déterminaient leur origine selon des critères comme les caractéristiques faciales, le langage et l'accent. Au centre, seuls cinq policiers étaient censés garder plus de 1.500 immigrés.
"La police a dû réclamer des renforts. Grâce à Dieu, il n'est rien arrivé de grave, mais ils se sont mis à crier "Pas de rapatriement au Sénégal !" et "Espagne ! Espagne ! Espagne", a dit Brito, ajoutant que des clandestins s'étaient noué des morceaux de tissu rouges autour de la tête en signe de protestation et avaient refusé de s'alimenter ce jour-là.
Des centaines, voire des milliers d'Africains ont péri en tentant d'atteindre les Canaries cette année, déclarent les autorités. Selon Brito, la plupart se conduisent correctement dans les centres de rétention mais ils ont explosé dimanche à l'idée de voir échouer leur tentative pour trouver du travail en Europe: "Leur rêve de vie nouvelle était brisé."
Vendredi dernier, les ministres de l'Intérieur des deux pays ont annoncé qu'Espagne et Sénégal avaient adopté une "politique de tolérance zéro" envers l'immigration clandestine en Europe, en promettant une coopération renforcée pour endiguer le flot de sans-papiers africains déferlant sur les rivages des Canaries.
Madrid et Dakar ont toutefois noté que le succès d'un renforcement des contrôles passait par une politique incitant les candidats à l'"Eldorado européen" à rester chez eux.
liberation.fr
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