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DIVORCE, déchirements familiaux, PAUVRETE... Ces handicaps qui mènent souvent en cour d’assises

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DIVORCE, déchirements familiaux, PAUVRETE... Ces handicaps qui mènent souvent en cour d’assises

Une radioscopie des accusés attraits à la barre de la cour d’assises de Dakar montre, pour une majorité d’entre eux, qu’ils sont issus de la banlieue, n’ont pas fait des études poussées et, souvent, leurs parents sont divorcés ou l’un d’eux est décédé.

D’Aboulaye Fall alias Palaye, certainement le plus célèbre, à Ibrahima Wagne en passant par Yatma Diop, Honoré Mendy, Mandiaye Dieng, Adama Dieng Adama Kane, Mouhamed Sadio Coulibaly, etc., on constate que ces accusés qui ont comparu, il y a quelques jours, à la barre de la cour d’assises de Dakar, n’ont pas été bien gâtés par la vie. Ils proviennent dans leur écrasante majorité de la banlieue (Pikine, Thiaroye, Guédiawaye, Yeumbeul, etc.). Plusieurs d’entre eux sont issus de familles défavorisées et ont vécu parfois dans une ambiance faite de privation. « Ibrahima Wagne a eu une enfance difficile marquée par l’indigence de sa mère », lit-on sur son enquête de personnalité. Babacar Fall alias « James », qui purge une peine de travaux forcés à perpétuité, a vécu dans une famille éparpillée. Son père décédé, il fut confronté à des conditions de vie très difficiles. L’enquêteur sur sa moralité résume ces conditions en une « pauvreté extrême ». Leur maison, au quartier Médina Gounass à Guédiawaye, ne bénéfice même pas de la protection minimale d’une clôture, indique l’enquêteur pour mettre en exergue cette extrême pauvreté. Thierno Amar, qui a écopé aussi la perpétuité, n’est pas mieux loti. Ses parents ont divorcé alors qu’il était enfant. Son milieu de Mbeubeuss est qualifié d’austère.

Issu d’une famille très nombreuse de 16 enfants, Ibrahima Diallo dit Thierno a dû abandonner son métier de ferrailleur pour embrasser la menuiserie. « C’était pour aider mon père à faire face à la dépense quotidienne », expliquait-il à la barre. Malick Diallo alias « Zembla » appartient aussi à une famille d’une dizaine d’enfants. Son malheur, c’est d’avoir évolué en rupture avec les siens pour aller vivre, sans aucune autorité s’exerçant1 sur lui, au quartier Bène Baraque. Son père décédé, il plongea dans une vie « déviante, marginale », écrit l’enquêteur. Avant de rompre définitivement avec les siens, « Zembla » avait déjà commencé à fréquenter la mauvaise graine que sa mère ne cessait de renvoyer à chaque visite à la maison. Sa famille avait même pensé recourir aux pouvoirs mystiques de marabout pour le séparer de ses mauvais copains. Enfant d’un père défini comme exemplaire de son vivant et d’une mère qualifiée de brave, « Zembla » donnait du fil à retordre à sa famille. Il a failli même être à l’origine de son éclatement lorsque, après le décès du père, il exigea sa part d’héritage, obligeant les siens à vendre la maison paternelle afin de satisfaire sa revendication. Mais les membres de la famille réussirent à se ressouder en se cotisant pour acheter une nouvelle maison. « Je voulais acheter une maison lorsque je réclamais ma part de l’héritage », se défendait-il devant la cour.

Arona Bangoura dit Rone, âgé de 29 ans au moment de son arrestation en 2002, n’a plus revu son père émigré au Gabon depuis 1992. Ce dernier avait fait des pérégrinations dans plusieurs pays africains avant de déposer ses bagages au pays de Bongo. Le jeune Arona avait 19 ans à l’époque et était sous la charge d’une mère pauvre. Rone avait déjà une sale réputation et fréquentait la mauvaise compagnie. Malgré ses démêlées avec la justice, il n’avait jamais rompu avec ses compagnons peu recommandables. Mais, l’accusé qui a le plus souffert des déchirements au sein de la famille, c’est sans conteste Daouda Keïta. Fils d’un chrétien et d’une musulmane, l’enfant qui venait de naître fut l’objet de dispute de ses parents, chacun réclamant sa garde. A cause de la différence de religion, le mariage des parents n’eut jamais lieu. Le père appelait le fils David et la mère tenait à Daouda, la prononciation musulmane du même nom. Alors qu’il était tout enfant, Daouda Keïta fut récupéré par son père, qui vivait seul pourtant. Le petit atterrit chez sa grand-mère à Khar Yalla et ne voyait ce père qui l’avait séparé de sa mère que le week-end. Son père décédé, il quitta la maison de la grand-mère à l’âge de 16 ans pour rejoindre sa mère.

PRISON, DROGUE, VIOLENCE...Le chemin cahoteux des accusés

Ce n’est surtout pas le passé pénal des accusés de la cour d’assises de Dakar qui a plaidé en faveur de la plupart d’entre eux. Pour la simple raison qu’on a vu plus d’accusés au lourd passé fait d’arrestations et de condamnations à des peines fermes qu’à des personnes au cursus sans reproches. La prison, c’est toujours pour eux le terminus d’un chemin tortueux emprunté très tôt.

Mor Mbaye avait tué son grand frère pour une banale remarque sur sa façon de manger. Avant d’en arriver là, Mor s’était déjà fait une réputation de « violent et agressif à l’égard de son entourage du fait de l’usage inconsidéré qu’il fait du guinz et du chanvre indien ». Mor était retourné en prison pour avoir menacé de tuer sa sœur. Son premier séjour carcéral, c’était suite à une bagarre au cours d’un match de football. Thierno Amar avait déjà fait la prison en 1999 pour deux ans ferme, alors qu’il venait juste de souffler ses 21 bougies. Après avoir purgé cette peine, il retourne en taule six mois après. Ibrahima Diallo a été condamné une fois à trois mois ferme pour vol de motocyclette. Cependant, il bénéficie d’une bonne réputation dans son quartier. Il est décrit comme un garçon calme, sérieux, discipliné, généreux, pieux et assidu à la mosquée. Malick Diallo alias « Zembla », aux « capacités d’amendement pas évidente », selon l’enquêteur, est un adepte du chanvre indien. Il a fait deux ans de prison avant sa dernière condamnation à la perpétuité. Arona Bangoura a des antécédents judiciaires qui ne l’ont pas empêché de s’amender et de tourner le dos à sa mauvaise compagnie. Yoro Kébé, un colérique, a été une fois arrêté pour coups et blessures volontaires et condamné à deux mois ferme. Il avait agressé et dépouillé un ami. Deux fois condamné, à 12 et huit mois, Babacar Fall pose, selon l’enquête de moralité, un « problème de comportement ».

CONDAMNE QUATRE FOIS À LA PERPETUITE : Palaye ou l’itinéraire tortueux d’un enfant de la banlieue

Il a été l’attraction de la première session de la cour d’assises 2008 de Dakar. Condamné à deux reprises aux travaux forcés à perpétuité lors des assises de 2007, Pape Abdoulaye Fall alias Palaye revenait cette année-ci dans d’autres affaires pour association de malfaiteurs et vols aggravés. Son passé assez agité l’a rattrapé. L’élève soupçonné de kleptomanie par son maître à l’école primaire s’est rendu tristement célèbre à cause du banditisme. Itinéraire tortueux d’une vie dont la suite risque d’avoir comme cadre la prison. Et pour toujours !

Son nom est entré dans l’histoire des anales judiciaires du Sénégal, Palaye a été condamné à quatre reprises aux travaux forcés à pepétuité, la sanction extrême, puisque la peine de mort étant abolie au Sénégal. Déjà objet d’attraction de la cour d’assises de Dakar en 2007, le bonhomme s’était tristement rendu célèbre en étant cité comme accusé dans deux affaires d’association de malfaiteurs et de vol aggravé. Il avait écopé autant de condamnation aux travaux forcés à perpétuité. Palaye est revenu cette année encore presque de la même manière qu’il s’était signalé en 2007.

Jugé le 29 juillet dernier au cours d’un procès marathon qui avait fini à quatre heures du matin, Palaye était reparti de la barre avec les travaux forcés à perpétuité. Sa quatrième condamnation à cette peine. Coupable d’association de malfaiteurs et vol en réunion avec violence et usage d’armes ayant entraîné la mort. Bref, pour banditisme pur et dur.

Peu d’intérêt pour les études

Le jeune homme, la barbe bien rasée, reste très calme à la barre et donne souvent des réponses brèves, sans polémiquer. Ce bonhomme de 28 ans veut-il montrer à la cour qu’il s’est assagi en prison, lui qui comparaît toujours en croisant les bras la plupart du temps ? Lui seul sait. Car, Palaye, c’est toute une histoire, de son enfance à l’âge adulte. Issu d’une famille de sept enfants, ce natif des Hlm de Dakar fréquenta l’école comme tout chérubin de son âge. Mais Palaye accordait peu d’intérêt pour les études et ses résultats scolaires en pâtissaient. Le jeune homme, comme a eu à le dire d’ailleurs son maître à l’époque, développait plutôt des penchants pour la kleptomanie. Les stylos et autres objets de ses camarades de classes qui traînaient, il les chipait tout simplement. Inquiet du comportement bizarre de cet élève, l’instituteur avait même suggéré que l’enfant passât sur le canapé d’un psychologue pour voir à temps ce qui n’allait pas. Ce qui ne fut jamais fait. Ses camarades élèves ne cessaient de se plaindre de ses agissements.

Déjà mineur, Palaye avait croisé le fer avec un délinquant au cours d’une bagarre. Le divorce de ses parents ne l’aida point à se mettre définitivement sur le droit chemin. Ce n’était pas faute d’avoir essayé de vivre comme un individu normal. Car, après avoir quitté l’école pour « mauvais résultats et manque d’intérêt pour les études », Pape Abdoulaye Fall devint apprenti de véhicule de transport en commun avant de tâter l’électricité automobile. Il finit plombier lorsque son patron déménagea. Le jeune homme initia même son petit frère Amadou Tidiane Léon Fall à ce métier. Dès lors, rien n’était perdu pour lui. Il lui arrivait même de décrocher des contrats de plomberie et d’empocher à la fin du mois entre 150 et 200.000 francs. Cet épisode d’une vie de labeur, Palaye aime le rappeler à ses passages à la barre. Comme de hauts faits d’armes, il se souvient devant la cour, des structures publiques et privées dont un ministère et un hôtel où il a étalé son savoir-faire de plombier. Avec ce qu’il gagnait, il aimait subvenir aux besoins des siens, payer la ration alimentaire d’une famille qui était à la charge de la mère Kiné Ndiaye. L’autorité au sein de la famille, selon les spécialistes chargés de l’enquête de moralité, s’exerçait sur le jeune plombier.

Les femmes au teint clair, il aime

En même temps, il croquait la vie à belle dent. Toujours bien sapé, il aimait la compagnie des filles. Elles étaient mêmes son passe-temps favori. Aux assises de 2007, à la question du président Demba Kandji sur ses hobbies, il répondit sèchement : “la femme”. Le président était stupéfait. Et pas n’importe lesquelles. Il préfère les teints clairs. Malheureusement, Palaye avait tendance à prendre son autonomie, sans jamais verser dans une vie de marginal. L’on se demande comment il a pu glisser si gravement dans sa vie.

La mauvaise compagnie. Son malheur a été son compagnonnage avec Almamy Badiane, selon les enquêteurs. Sur les chemins tortueux de la délinquance, Palaye s’acoquina avec son voisin et camarade d’infortune à ces assises, Daouda Keïta dit « David ». Ce qu’il nie. Avec ce dernier et d’autres éléments de la bande, il commit plusieurs agressions. Dont le plus célèbre reste l’« opération commando » sur le magasin du commerçant Samba Diallo situé à Sahm II. Le commerçant ne fut point épargné par la bande d’agresseurs. Si un tour chez le psy vivement recommandé à l’époque par l’instituteur avait été fait, Palaye en arriverait-il là aujourd’hui ? Avait-il de sérieux problèmes de santé le poussant à avoir un comportement anormal ? C’est justement cela que son avocat a tenté de démontrer indirectement, hier, à l’audience, lors de la lecture de l’enquête de personnalité de l’accusé. Depuis le bas âge, Palaye, selon ses déclarations, est en proie à des maux de tête récurrents. « Ils se manifestent parfois par des accès de colère. Les maux de tête peuvent me terrasser pendant quatre jours et ils arrivent sans crier gare. Des fois, ils m’empêchent même de prier », dit-il. Le hic, ajoute-t-il, « ça me rend nerveux. Alors, je ne suis tranquille qu’après m’être bagarré ». En prison, on lui aurait promis un tour chez le psychiatre, « on ne m’a jamais amené le voir », se désole-t-il.

Ayant de fortes chances de passer le reste de sa vie en prison, Palaye pensera sûrement à ses deux enfants. L’un, il l’a eu avec la fille de l’imam de son quartier, dans Guédiawaye. Cette relation doit certainement lui laisser de mauvais souvenirs aujourd’hui. Il accuse l’imam d’avoir fait de lui un portrait sombre lors du passage des enquêteurs qui voulaient se faire une idée de sa personnalité. Dans quel intérêt ? « L’imam me défendait de fréquenter sa fille, mais celle-ci continuait à me voir. Il s’en était suivi une grossesse qui a échappé à l’avortement. A la naissance de l’enfant, on s’est opposé à ce que j’organise la cérémonie de baptême », raconte-t-il. Pourtant, dit-il, « j’avais de bonnes relations avec les gens de mon quartier ». Sa liaison avec Coumba Mbow s’est aussi soldée par une grossesse. Coumba, qui était aussi à la barre pour recel de malfaiteurs pour ensuite bénficier d’un acquittement, fut expulsée au début par les siens qui lui reprochaient sa grossesse. Elle ne vit plus Palaye qui avait déménagé, la laissant seule avec des ordonnances qu’elle ne pouvait pas payer. Au baptême de l’enfant, il n’y avait que la famille du bonhomme.

Dans sa chute, Pape Abdoulaye Fall a entraîné son petit frère Amadou Tidiane Léon Fall qu’il avait formé au métier de plomberie. Ce dernier, poursuivi pour recel de fonds provenant d’un crime, a été condamné à cinq ans ferme pour avoir ouvert un compte bancaire que Palaye approvisionnait à partir de l’argent généré par des activités délictueuses. Avec cette quatrième chute aussi lourdement sanctionnée que les premières, Palaye signe un bail à durée indéterminée avec la prison.

 Malick CISS, Mamadou GUEYE et Stevy OYANE (stagiaire)



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