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Domestiques sénégalaises à l’étranger : « un jour, j’ai compris qu’on m’avait vendue ! »

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Domestiques sénégalaises à l’étranger : « un jour, j’ai compris qu’on m’avait vendue ! »

De nombreuses femmes quittent Dakar pour aller travailler en Arabie saoudite, au Liban ou au Maroc. Une expérience qui tourne souvent à l’esclavage moderne.

Lorsque Boury raconte son séjour en Arabie saoudite, la colère et la peur le disputent au dégoût :

« C’était l’enfer ! Le premier jour, ils m’ont touché les cuisses et les fesses. Pendant que je travaillais, les fils de la patronne me reluquaient tout le temps. Je dormais habillée, un couteau à portée de main. »
Boury est née et a grandi à Dakar, dans le quartier de Sicat Liberté. A 20 ans, après avoir arrêté ses études d’architecture à la suite d’une grossesse, elle a commencé à travailler comme serveuse dans des restaurants. Puis, en 2015, après son divorce, elle part travailler comme femme de ménage en Arabie saoudite sur les conseils de sa mère, dont une amie tient une « agence de recrutement ». Elle a 25 ans et un enfant de 5 ans, qu’elle laisse chez sa mère. Sur place, elle ne sera jamais payée pour le travail effectué.
« Je suis arrivée chez mes employeurs à 5 heures du matin. Ils ont pris ma valise et l’ont renversée, ils ont pris tout le matériel électronique. J’ai dit : “Et le passeport ?” Ils m’ont répondu : “Ça aussi on le garde.” »


73 millions d’enfants de 5 à 11 ans contraints de travailler dans le monde


Mais le pire commence le jour où elle exprime sa volonté de rentrer au Sénégal. D’abord, sa patronne essaie de la placer chez quelqu’un d’autre ; ensuite, les propositions plus dégradantes arrivent :
« Le frère de la patronne m’a dit : “Tu peux venir chez moi. Chaque fois que j’aurai envie de sexe, tu seras à ma disposition et, dans six mois, tu auras de l’argent, une maison et même une voiture à envoyer au Sénégal.” Quatre hommes de la famille m’ont fait une proposition similaire. »
Finalement, Boury découvre la raison pour laquelle on ne l’avait jamais payée :
« Au Sénégal, on m’avait vendue ! Ma patronne m’a affirmé avoir payé l’équivalent de 2 millions de francs CFA [plus de 3 000 euros], elle m’a dit : “J’ai payé ton billet, ton visa et j’ai donné de l’argent à ton agence pour te faire venir, donc tu n’iras nulle part tant qu’ils ne me rembourseront pas ou ne me donneront pas une autre fille ! »
Intermédiaires véreux

Boury n’est pas la seule dans ce cas. Selon le Global Slavery Index 2017 publié par la Walk Free Foundation, une organisation qui se bat contre la traite des humains, il y aurait eu 40,3 millions de victimes d’esclavage moderne en 2016 : parmi elles, de nombreuses domestiques asiatiques et africaines. Sur 67,1 millions de travailleurs domestiques dans le monde, 11,5 millions sont des migrants, selon le Bureau international du travail, et parmi ceux-ci, 73,4 % sont des femmes.


Au Maghreb, le racisme anti-Noirs persiste

Comme Boury, on estime que chaque année des centaines de Sénégalaises – aucune statistique fiable n’est disponible – vont travailler comme femmes de ménage à l’étranger, principalement en Mauritanie, au Maroc, au Liban, au Koweït et en Arabie saoudite. Au Sénégal, le taux de chômage est de 25 %, et, pour les femmes peu instruites, le travail le plus accessible est celui de bonne à tout faire, pour environ 70 euros par mois : une misère comparé aux promesses de salaire faites par des agences de recrutement illégales ou par des intermédiaires véreux qui font miroiter aux femmes une situation autrement enviable hors des frontières sénégalaises.
Las, pour les domestiques qui cherchent à échapper à l’exploitation au Sénégal, le scénario se répète à l’identique, voire en pire, à l’extérieur. Seules dans un pays étranger dont elles parlent rarement la langue, enfermées à domicile, sans papiers ni téléphone (confisqués par le patron), elles travaillent toute la journée, sans jour de pause, congé ou arrêt maladie, pour un salaire dérisoire quand il n’est pas tout simplement inexistant. Et les moins chanceuses sont victimes de violences psychologiques, physiques ou sexuelles.
« Certaines sont en prison »

Emily Diouf, 34 ans, a travaillé au Maroc grâce à l’entregent d’une cousine qui y officiait comme « petite bonne ». Aujourd’hui rentrée au Sénégal, à Keur Massar, à 20 km à l’est de Dakar, elle se souvient du « cas d’une fille de 25 ans violée par son employeur » :
« Lorsqu’elle l’a dit à sa patronne, celle-ci lui a rétorqué que jamais son mari n’aurait fait ce genre de choses et elle l’a chassée. Peu après, on a su qu’elle était enceinte, et puis on n’a plus eu aucune nouvelle. Elle ne connaissait personne au Maroc. »


Au Maroc, le trafic lucratif des travailleuses domestiques


Autre témoignage, celui de Ndeye Ndoye, 32 ans. En août 2015, alors qu’elle était au chômage après une expérience sans aucun contrat dans un salon de manucure, elle est partie au Liban, où on lui avait fait miroiter un salaire de 450 euros par mois. Mais, sur place, elle a vite déchanté :
« Ils me battaient. Le mari m’insultait : “Tu es une esclave, nous ne respectons pas les Noires ici.” Parfois ils ne me laissaient sans rien à manger. Je devais me réveiller à 6 heures et travailler jusqu’à 1 heure le lendemain. Je devais tout faire et la maison était trop grande. Je ne pouvais pas me reposer, je ne pouvais même jamais m’asseoir ! »
Comme Boury, ce n’est souvent qu’au moment où ces femmes insistent pour rentrer au Sénégal qu’elles découvrent avoir été arnaquées et vendues. Elles doivent alors choisir entre deux solutions : soit attendre que leur agence envoie une « remplaçante », soit prendre la fuite. Celles qui disposent d’un portable ou d’une connexion Internet cherchent de l’aide auprès de leur entourage, de l’ambassade ou même des médias sénégalais ; les autres sont obligées de s’enfuir, au risque de tragiques épilogues.
« Ils ont tué beaucoup de filles là-bas. Certaines ont disparu ou fini en prison », affirme Boury. Ainsi de Mbayang Diop, 22 ans, partie en Arabie saoudite pour gagner de quoi élever son fils et prendre soin de ses parents, âgés et malades. Accusée d’avoir tué sa patronne, elle est détenue dans une prison saoudienne depuis juin 2016 et a été condamnée à mort. Au Sénégal, Mbayang Diop est devenue l’icône de la bataille pour les droits des domestiques.

 



9 Commentaires

  1. Auteur

    Anonyme

    En Novembre, 2017 (13:05 PM)
    Et ce sont ces libanais qui font la loi ici !
  2. Auteur

    Anonyme

    En Novembre, 2017 (13:06 PM)
    ah les SAOUDIENS !!!!

    Nio beug leufe !!!!! :taala_sylla: 
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    Auteur

    Le Vrai

    En Novembre, 2017 (13:17 PM)
    La solution est simple. Il suffit de créer une brigade spécialisée chargée de contacter les recruteurs et les recruteuses et d'exiger qu'elles donnent des nouvelles du personnel qu'ils ou qu'elles envoient travailler dans les pays arabes. Aussi, en fonction des destinations, la même brigade doit avant embarquement recevoir en toute confidentialité la personne partante et lui demander les rasions de son séjour et aussi lui expliquer qu'il est dans son intérêt de donner une adresse de contact où elle pourrait être jointe au fil des mois. Surtout, il faut que les consulats aient la liste des arrivants et se chargent de les contacter une fois par mois voire de les rendre visite une fois par trimestre. Quand on veut se donner les moyens de soigner la sécurité de ses citoyens dans des pays où la mentalité envers les noirs et noires est détestable, il faut être ferme avec le personnel consulaire des pays concernés et être bien regardant sur la mission qui est assignée à notre personnel consulaire. Si d'autres ont des propositions, e sera formidable.



    Le vrai.
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    Auteur

    Javel

    En Novembre, 2017 (13:22 PM)
    Utilitarisme, opportunisme, égoïsme, esclavage. Sa commence dans nos familles
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    Auteur

    Anonyme

    En Novembre, 2017 (13:53 PM)
    Commencont par les vendeurs ou soit disant recruteurs qui 1 fois apres avoir fait le transfere ne s´occupent plus de rien sauf d´avoir encaissé le fric !

    Auteur

    Anonyme

    En Novembre, 2017 (15:11 PM)
    comment une famille entière compte sur une petite fille de 22 piges pour vivre où sont les garçons?
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    Auteur

    Anonyme

    En Novembre, 2017 (16:42 PM)
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    Auteur

    Anonyme

    En Novembre, 2017 (10:20 AM)
    Je relève une faute au 12ème paragraphe qui commence par: "Las,pour les..." Ecrire plutôt:Là,pour...
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    Auteur

    Uide

    En Décembre, 2017 (16:01 PM)
    En effet c'est un vaste problème

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