Mercredi 24 Avril, 2024 á Dakar
Vendredi 01 Juin, 2018 +33
Societe

ENTRETIEN AVEC… … Iba GuEye, directeur du Coud : «Je n’ai aucun problème de conscience»

Single Post
ENTRETIEN AVEC… … Iba GuEye, directeur du Coud : «Je n’ai aucun problème de conscience»

Une semaine, après les évènements de l’Université, le directeur du Centre des œuvres universitaires de Dakar (Coud), M. Iba Guèye, revient sur les faits. Et il croit que la répression policière était la réponse à la furie des étudiants, même s’il estime normal que sur toute une année de restauration, qu’il y ait «de temps en temps, un ou deux couacs». Conscient que la structure qu’il dirige souffre d’un «personnel pléthorique», M. Guèye qui avoue que le Coud ne voulait pas de la viande incriminée par les étudiants, promet plus de «rigueur et de vigilance dans l’attribution et la gestion des restaurants».

M. le directeur, pouvez-vous revenir sur les évènements de vendredi dernier ? Tout est parti de la restauration du jeudi soir. Il semblerait qu’un étudiant aurait trouvé un vers végétal sur une feuille de salade au restaurant Argentin qui sert en moyenne entre 5 000 ou 6 000 couverts le soir. Par jour, nous servons, environ pas moins de 20 mille repas. Et les restaurants Argentin et Self servent à eux deux 9.000 couverts.

Maintenant sur 5 000 couverts servis, si quelqu’un dit qu’il aurait trouvé un corps étranger dans un repas, c’est une situation qu’on aurait pu digérer. D’autant plus que dès que nous avons appris le problème, nous avons convoqué à 21 heures passées le chef de service des restaurants, tous ceux qui travaillent dans le restaurant Argentin et l’ingénieur chargé de l’hygiène. Nous avons discuté et un rapport circonstancié a été fait à l’attention du ministre de l’Education. Le vendredi, nous avons tenu une réunion avec tous les cadres concernés par la question de la restauration présents au restaurant Argentin, la veille, y compris les délégués des étudiants. Nous avons décidé que désormais les crudités sont exclues du menu des différents restaurants du centre des œuvres universitaires, la qualité des restaurants fera l’objet d’un contrôle plus rigoureux. Mais à ma grande surprise, après la prière, il y avait un déchaînement dans le campus. Des étudiants infiltrés par des éléments étrangers, parce que nous avons remarqué des gens qui n’étaient pas des étudiants, voulaient mettre le feu à la direction et sur le réservoir de gaz qui se trouve derrière. Les forces de l’ordre étaient obligées d’entrer pour empêcher que le pire ne se réalise.

Pourquoi la question de la restauration revient tout le temps ? Y a t-il des négligences quelque part ? Sur toutes les plates-formes, il y a un point sur la restauration. Certains déploraient la qualité, d’autres la quantité. Mais nous servons 25 000 mille repas par jour ! C’est normal (il insiste) qu’il y ait de temps en temps, sur trois-cents jours de restauration, à raison de 25 000 repas par jour, un ou deux couacs ! C’est tout à fait normal. C’était regrettable ! Mais c’est un problème qu’on aurait pu gérer. J’ai vécu avec beaucoup de regrets ce qui s’est passé. Parce que jusqu’au moment des évènements, nous étions en négociation avec les amicales des Facultés en grève depuis bientôt quinze jours, à l’exception de celle de Médecine. Nous avions commencé à discuter autour des plates-formes. Le Recteur et le ministre en ont fait de même. Je pensais qu’on était en phase avec les étudiants et qu’on allait trouver une issue heureuse à cette grève, mais les évènements du vendredi se sont produits entre temps.

Qu’en est-il de cette viande pourrie dont les étudiants ont fait état ? Il ne s’agissait pas de viande pourrie. Je l’ai déclaré et je le répète encore. Il est vrai que c’est de la viande dont les étudiants ne voulaient pas. Le Coud non plus n’en voulait pas parce que simplement sur cette viande, il y avait trop de graisse. Et l’ingénieur en restauration avait demandé qu’on sorte cette viande du campus. Malheureusement, le gérant s’est entêté. La quantité était énorme, 5 600 Kg, il voulait certainement conserver cette viande alors que la préparation de cette viande était interdite par l’ingénieur. Quand les étudiants sont allés défoncer la chambre froide (Restaurant Argentin), ils ont retrouvé ce casier de viande. Les étudiants ont pensé que c’était de la viande pourrie. S’agissant du restaurant Argentin, cette feuille de salade sur laquelle, semble-t-il, ils ont trouvé un ver, je ne connais pas la provenance de ce ver. Je ne suis pas un cuisinier encore moins un restaurateur.

Avez-vous une idée réelle de la nourriture servie aux étudiants ? Vous pensez que je peux contrôler tous les jours 25 mille repas servis ? Ce n’est pas mon rôle. J’ai un chef de service des restaurants, j’ai un ingénieur qui se charge de la qualité de l’hygiène du restaurant, j’ai des contrôleurs de qualité de l’hygiène des restaurants. J’ai mis en place depuis mon arrivée au Coud des comités de restauration, dans chaque restaurant, composés d’un représentant du repreneur privé, du Coud et des représentants des étudiants en raison de deux étudiants par comité. Nous avons pris ces mesures pour qu’il n’y ait pas de couac. Mais 25 mille repas, multipliez ça par trois cents jours de l’année, dites moi, cela fait combien de repas ? Et vous pensez que le directeur peut regarder tous ces repas ?

Vous avez dénombré combien de blessés après l’intervention des forces de l’ordre ? Pour les blessés sérieux, j’en connais à peu près trois ou quatre. Il y en a qui souffrent de fractures. Un était à l’hôpital Principal et il a été évacué en France. Il faut encore prier le Bon Dieu pour leur rétablissement.

Des étudiants accusent les forces de l’ordre d’exactions, d’avoir endommagé leurs ordinateurs et emporter leurs portables. En agissant ainsi, les forces de l’ordre ne sont-elles pas allées trop loin ? Franchement, je ne pense pas que les forces de l’ordre ont brisé des ordinateurs et commis des exactions sur les étudiants. Je n’y crois pas du tout et je n’en ai pas la preuve. Les forces de l’ordre étaient là pour maintenir l’ordre et non pas pour brimer les étudiants. Ce n’est d’ailleurs pas leur mission. Leur mission est de rétablir l’ordre à chaque fois que l’ordre est troublé. Et à chaque fois qu’il y a une menace sur la sécurité, je fais appel à qui de droit.

Pourtant un étudiant a sauté d’un pavillon à cause de l’intervention policière… C’est un étudiant qui a sauté de lui-même, je ne dis pas du troisième, mais de la terrasse du pavillon B et non du pavillon G, il faut le préciser. Et il n’y avait pas de policiers. C’était là-bas. Son père était là hier. Et Dieu merci, cet étudiant est aujourd’hui, entre de bonnes mains. Il a été évacué par les soins du président de la République qui a mis à notre disposition, une enveloppe de 50 millions pour l’évacuer en France à l’hôpital Georges Pompidou de Paris.

Cet étudiant cherchait à échapper aux policiers… Non ! Il a pris peur et il a sauté de lui-même. Les Gmi, ont envahi le campus, mais c’était pour défendre le personnel et les biens de l’Etat. C’était pour des mesures de sauvegarde. Ce qu’il faut remarquer, c’est qu’il y avait des personnes étrangères. La preuve, il y a eu sept arrestations, des personnes qui n’étaient pas des étudiants. Ce qui nous fait dire qu’il y avait une infiltration. Ces gens qui cherchaient à défoncer la porte de la Direction, ils pensaient qu’il y avait de l’argent au niveau de l’Agence comptable particulière (Acp), alors qu’il n‘y en avait pas. A chaque fois, qu’il y a des problèmes, les gens se ruent vers la Direction. Ils voulaient défoncer coûte que coûte les portes. Ils sont entrés dans le service du budget pensant certainement qu’il y avait de l’argent. Après les évènements, nous sommes descendus sur le terrain pour évaluer les dégâts. Je vous ai dit qu’il y a eu des infiltrations et nous sommes en train de situer les responsabilités. On ne peut pas tout mettre sur le dos des policiers, je ne suis pas d’accord.

Les contrats des Restaurants Self et Argentin ont été résiliés. Qu’est-ce qui va changer dans l’attribution de la restauration ? Nous allons accentuer la rigueur, la vigilance dans la gestion et l’attribution des restaurants. Ceci va nous amener au prochain appel d’offres pour la reprise des restaurants, à corser le cahier des charges. Nous en avons un qui est très détaillé, mais nous allons encore le revisiter, y mettre davantage de rigueur.

En faisant quoi ? Nous y réfléchissons.

Vous avez eu à prendre des sanctions suite aux évènements de vendredi dernier. N’avez-vous pas peur pour votre poste ? Pourquoi avoir peur ? Vous savez, j’ai 54 ans. J’ai gravi plusieurs échelons, j’ai été le premier président du Conseil régional de Diourbel. J’ai été élu député en 1993 et en 1998, j’ai été nommé ministre en 1998 et aujourd’hui Directeur du Coud. Je n’ai aucun problème de conscience, je n’ai aucunement peur de mon avenir. Mon avenir appartient à Dieu.

Le Coud a-t-il les moyens pour faire face à la demande sociale des étudiants ? Le budget est de 10 milliards de francs Cfa environ et dans lesquels il y a 8 milliards de subvention de l’Etat. Le reste provient de nos recettes, c’est-à-dire le prix des tickets, le loyer (boutiques, cantines et chambres). Sur ces 10 milliards, les 6 reviennent à la restauration, les deux milliards au personnel ; il y a des subventions que nous accordons aux étudiants. Et le reste va dans l’approvisionnement en médicaments, les prises en charge dans les hôpitaux, etc. Le budget est consommé à 60 % par la restauration. Au niveau du personnel également, il y avait quelque chose à faire. Leurs salaires ont été plus ou moins relevés. Ils n’étaient pas bien payés au début et il y a eu des corrections par la suite. Sur le plan médical, quand j’arrivais au Coud, le budget des médicaments était de 40 millions, je l’ai porté à 80 millions. J’ai payé une radio, deux chaises dentaires. Et cette année, j’ai pu acheter une autre ambulance en plus de celle qui nous a été offerte par une Ong. Egalement, le Coud a été érigé en district sanitaire par une mesure du Premier ministre du conseil interministériel sur la rentrée. Des efforts énormes ont été faits. Une campagne de vaccination contre l’hépatite B va démarrer dans les prochains jours.

Et que font les autorités ? Il faut saluer les efforts de l’Etat. Je n’avais pas une bourse quand j’étais ici en 1975. Aujourd’hui, tout le monde a une bourse ou une aide grâce à la magnanimité et la gentillesse du chef de l’Etat. Le repas servi à l’étudiant est subventionné. L’étudiant paie 150 francs pour le repas et nous payons au repreneur 800 francs. Ce qu’il faut déplorer, c’est le nombre pléthorique d’étudiants.

Et celui du personnel aussi. Le personnel est pléthorique. C’est également notre problème. Nous avons 800 agents permanents ! A côté, il y a un personnel temporaire.

Est-ce vous qui avez recruté tout ce personnel ? En avez-vous vraiment besoin ? Je n’ai pas recruté un personnel pléthorique ! J’ai trouvé un personnel pléthorique. Depuis mon arrivée, je n’ai recruté que deux personnes. Cependant, je prends un personnel temporaire, pour le nettoiement, pour le gardiennage. Il n’y a pas de police du fait des franchises universitaires et nous n’avons que ces vigiles qui n’ont pas le droit de lever la main sur les étudiants. Nous recrutons des commis de chambres, environ 300. Il faut également des commis de l’environnement, des plombiers, des menuisiers, des électriciens. C’est un personnel nécessaire à l’entretien du patrimoine, sinon c’est encore source de contestations. Au service médical, nous recrutons aussi des vacataires.

Que faites-vous par rapport à ce problème ? J’ai posé ce problème en Conseil d’administration qui a commandité un audit sur ce personnel. Et j’attends maintenant que des mesures soient prises.

Qu’en est-il de la «mbackéisation» du personnel ? Venez vérifier ! Sur 800 agents temporaires, il y a peut-être une cinquantaine qui sont de la région de Diourbel ! Ce sont mes adversaires politiques qui font ces déclarations. Le Coud, c’est le Sénégal en miniature. Dans le personnel temporaire, nous avons recruté dans tout le Sénégal.

L’hébergement aussi pose problème. Qu’est-ce qui est prévu pour y remédier ? L’hébergement est notre problème numéro un. Nous avons 5 mille lits pour environs 50 mille étudiants, soit le ratio d’un lit pour 10 étudiants. C’est difficile à gérer d’autant plus qu’aujourd’hui tout le monde peut prétendre à un lit depuis la généralisation du bénéfice des œuvres. Mais là aussi, l’Etat fait des efforts. Il y a un projet avec les Malaisiens, géré directement par le ministère de l’Education, et avec lequel on va arriver à une capacité de 6 000 lits. En plus il est prévu la construction de deux restaurants, une salle polyvalente et une direction. Mais le déficit existe dans toutes les universités du monde.

Les étudiants déplorent également l’insécurité dans le campus. Notre effectif fait pratiquement la population de Mbacké, qui fait à peu près 60 mille habitants. Nous ne sommes plus dans le campus que j’ai connu en 1975, quand j’étais étudiant. Il y avait 8 mille ou 10 mille. Aujourd’hui on est à 50 mille, c’est une véritable ville. C’est normal qu’il se pose de réels problèmes de sécurité. Mais enfin, tous les jours, nous faisons le maximum pour parer au désordre. Nous procédons à des rafles au niveau des pavillons où les marchands ambulants viennent proposer de la marchandise. Depuis qu’on est là, nous faisons beaucoup d’efforts. Il y avait même des «boudjouman» (récupérateurs) dans ce campus et l’on n’en trouve plus. Il s’était posé un réel problème de sécurité, mais il y a eu des améliorations.

Des étudiants trouvent inopportune l’érection d’un centre commercial dans le campus. Qu’en pensez-vous ? Il m’est difficile de me prononcer sur cette question en ce sens que je n’ai pas eu à juger de l’opportunité de la construction de ce centre. Franchement, c’est un sujet sur lequel, je ne veux pas m’avancer. Mais aujourd’hui qu’il est réalisé, faisons en sorte qu’il puisse servir aux étudiants. Nous avons lancé un appel à un repreneur pour en faire un cyber et ça peut servir aux étudiants. Il propose d’y mettre 300 ordinateurs et de recruter 50 étudiants. Et certainement avec l’argent qu’il se propose de nous verser, nous pouvons encore équiper davantage le service médical.

<70>[email protected] - [email protected]



0 Commentaires

Participer à la Discussion

  • Nous vous prions d'etre courtois.
  • N'envoyez pas de message ayant un ton agressif ou insultant.
  • N'envoyez pas de message inutile.
  • Pas de messages répétitifs, ou de hors sujéts.
  • Attaques personnelles. Vous pouvez critiquer une idée, mais pas d'attaques personnelles SVP. Ceci inclut tout message à contenu diffamatoire, vulgaire, violent, ne respectant pas la vie privée, sexuel ou en violation avec la loi. Ces messages seront supprimés.
  • Pas de publicité. Ce forum n'est pas un espace publicitaire gratuit.
  • Pas de majuscules. Tout message inscrit entièrement en majuscule sera supprimé.
Auteur: Commentaire : Poster mon commentaire

Repondre á un commentaire...

Auteur Commentaire : Poster ma reponse

ON EN PARLE

Banner 01

Seneweb Radio

  • RFM Radio
    Ecoutez le meilleur de la radio
  • SUD FM
    Ecoutez le meilleur de la radio
  • Zik-FM
    Ecoutez le meilleur de la radio

Newsletter Subscribe

Get the Latest Posts & Articles in Your Email