Ce jeudi, la vidéo d'abattage de vaches en gestation a relancé la polémique sur le traitement des animaux. Cette pratique, parfaitement autorisée, commence à interroger les professionnels.
Les images sont insoutenables, mais le principe est légal.L'association L214, qui oeuvre pour le bien-être animal, a refait parler d'elle en diffusant ce jeudi une vidéo tournée par le salarié d'un abattoir de Limoges. L'homme filme ses collègues chargés de tuer des vaches en pleine gestation, mettant par la même occasion un terme à la conception des foetus, parfois totalement formés.
Lorsqu'elles sont amenées dans l'abattoir où est tournée la vidéo, les vaches sont suspendues par les pattes. Vingt-cinq minutes plus tard, le temps estimé par l'abattoir pour que le foetus se noie dans le liquide amniotique, les salariés ouvrent l'utérus des femelles avec un couteau pour en faire tomber le veau mort. Il est ensuite emmené à l'équarrissage et sa mère est découpée pour la vente. "Certaines fois, une poche tombait, elles pouvaient être énormes. (...) C'était horrible, des fois les veaux étaient à quelques jours de naître", a rapporté ce jeudi Mauricio Garcia-Pereira, le lanceur d'alerte interviewé par L'Express. Cette pratique est encadrée par la loi, comme le souligne le salarié, selon qui, "tous les abattoirs de France" ont recours à l'abattage de vaches en gestation.
Des conseils, pas des obligations
Pourquoi autoriser une telle méthode? D'après Katharina Riehn, une vétérinaire et universitaire interrogée par Le Monde, l'une des raisons est financière. "La vache gestante pesant plus lourd, elle sera vendue plus cher à l'abattoir", affirme-t-elle. La vétérinaire souligne que les veaux mâles n'ont aucune valeur si leur mère est une vache laitière et qu'il en est de même pour un veau femelle dont la mère est une vache à viande. Les professionnels n'auraient donc aucun remord à les éliminer avant le terme de gestation.
Jusque ici, la seule décision prise par l'UE concernant ces vaches en gestation est un règlement datant de 2004, qui préconise aux éleveurs de ne pas transporter les femelles portant un foetus et "qui ont passé au moins 90% de la période de gestation" ou ayant vêlé moins d'une semaine avant. L'Organisation mondiale de la santé s'est également saisie de cette question, mais n'a émis là aussi que des recommandations: "les femelles gravides qui parviendraient au dernier 10% de la période de gestation ne doivent être ni transportées ni abattues", souligne-t-elle.
Une question bientôt examinée par les professionnels et ONG
Contacté par L'Express, l'InterBev, l'Association nationale inter-professionnelle du bétail et des viandes, n'a pas souhaité prendre position sur cette question. Elle rappelle qu'il "n'existe aucun autre dispositif réglementaire à l'abattoir", concernant l'abattage de ces vaches en gestation. L'association de professionnels précise avoir créé un groupe de travail "bien-être animal". Elle affirme également avoir mis la question de cet abattage particulier à l'ordre du jour du prochain Conseil national d'orientation de la politique sanitaire animale et végétale, où, souligne l'InterBev, "siègent les fédérations professionnelles de toutes les filières ainsi que les ONG".
Sa légalité n'enlève rien à la controverse que suscite cette pratique. En même temps que la publication de sa vidéo, ce jeudi, l'association L214 a mis en ligne une pétition adressée au ministre de l'Agriculture Stéphane Le Foll. Elle est basée sur une proposition que le gouvernement allemand a soumis à la Commission européenne et vise à interdire tout abattage d'une vache qui se situerait dans les trois derniers mois de sa gestation (sur les neuf mois et deux semaines de gestation totale).
57 000 signatures en quelques heures
La pétition a recueilli plus de 57 000 signatures en quelques heures. L'entourage de Stéphane Le Foll a précisé à L'Express que le ministre avait eu connaissance de cette pétition et qu'il devrait prendre la parole sur ce sujet dès vendredi matin.
Plusieurs pays de l'Union européenne se sont déjà emparés de cette question: l'Allemagne, le Danemark, la Suède et les Pays-Bas ont demandé que l'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) se prononce sur la légalité de cet abattage. Elle devrait donner un avis d'ici à la fin du mois.
1 Commentaires
Anonyme
En Novembre, 2016 (19:39 PM)Participer à la Discussion