HYPOTHEQUE DES GRANDS CHANTIERS FERROVIAIRES DE WADE : Les terres de Transrail bradées en catimini par des porteurs de masque

La boulimie foncière de cette décennie est en train de s'abattre sur le patrimoine foncier de Transrail. Après la cession de terres dans la zone abritant le siège de cette société à Thiès, à Dakar, c'est l'emprise ferroviaire de Bel Air qui fait l'objet de convoitise et d'une agression flagrante.

HYPOTHEQUE DES GRANDS CHANTIERS FERROVIAIRES DE WADE : Les terres de Transrail bradées en catimini par des porteurs de masque

Le Populaire alertait l'opinion publique au mois de mai dernier sur les réserves foncières de la société de transport ferroviaire Transrail qui aiguisaient des appétits. Eh bien ! plusieurs parcelles de terre appartenant à l'emprise de l'ex-société des chemins de fer du Sénégal ont été bradées. De Thiès où les hangars et grands entrepôts laissés en héritage par cette défunte entreprise font l'objet de cessions depuis lors, à Dakar où l'emprise de la gare de Bel Air est en chantier avec l'édification de bâtiment dont l'usage demeure mystérieux, le patrimoine foncier de Transrail est en train de se rétrécir progressivement comme une peau de chagrin. Le plus effarant dans cette affaire nébuleuse, c’est que personne n'est aujourd'hui capable de dire qui est le vendeur de ces parcelles.
Si dans la capitale du rail, l'exemple le plus patent reste l'occupation des locaux de Transrail par l'usine Senbus qui fabrique les minibus TATA, à Dakar il est possible de constater de visu plusieurs bâtiments sortant de terre au niveau de l'emprise de Bel Air. D'ailleurs dans l'enceinte de ces édifices qui semblent être bloqués au stade des finitions, à quelques mètres seulement de la voie ferrée, l'on peut apercevoir des camions-citernes d'hydrocarbures en stationnement dans les grands espaces clôturés par les bénéficiaires.

Le chemin de fer à grand écartement rangé aux oubliettes, l'extension du port compromise
Quoi qu'il en soit, au-delà des désagréments et autres préjudices causés aux repreneurs, ce sont les grands projets du président de la République, Me Abdoulaye Wade, qui risquent d'en pâtir. Pour le Secrétaire général du Syndicat unique des travailleurs du rail affilié à la Confédération nationale des travailleurs du Sénégal/Force du changement (Sutrail-Cnts/Fc), Oumar Cissé, «il n'y a pas l'ombre d'un doute, la patrimoine foncier de Transrail est en train de disparaître. Et à Dakar, au niveau de Bel Air, c'est le grand projet de la zone d'extension du port avec l'aménagement d'une zone de stockage prévue, dans le cadre de l'implantation de Dubaï ports word (Dpw), qui est compromis».

Cheikh Diop de la Cnts/Fc alerte Wade

Pis, signale M. Cissé, «tout au long de la voie ferrée, de Rufisque à Dakar, les constructions sont à moins de 5 mètres des rails, alors qu'un train qui déraille a besoin d'au moins 25 mètres avant de se stabiliser. Ce qui fait planer de réels dangers sur les riverains et les cheminots».
Cheikh Diop, le Secrétaire général de la Cnts/Fc, fait état de ses inquiétudes face à cette boulimie foncière. «Les terres de Transrail sont effectivement bradées. Dans la capitale du rail, personne ne peut dire sur quelle base s'est opérée la cession de ce patrimoine foncier de la société de transport ferroviaire. À Dakar, c'est à Bel Air où ce bradage des terrains situés sur l'emprise de la voie ferrée est plus visible», martèle M. Diop. A la question de savoir qui est derrière cette cession effrénée des terres de Transrail, M. Diop donne sa langue au chat.

Pour le chemin de fer à grand écartement, il faut une emprise foncière de 50 mètres alors qu'il n'en reste que 25

C'est également le cas du chemin de fer à écartement standard, affaire sur laquelle le président Wade disait qu'il avait trouvé des partenaires chinois prêts à la réaliser. Pour M. Diop, «ce sont les énormes projets du chef de l'Etat, Me Abdoulaye Wade qui veut construire, pour une meilleure intégration africaine, un chemin de fer à grand écartement et une plate-forme ferroviaire à Thiès, qui risquent d'être compromis». D'ailleurs, renseigne le leader de la Cnts/Fc, citant des experts du secteur, «pour la réalisation de chemin de fer à grand écartement, il faut une emprise foncière de 50 mètres sur les deux côtés de la voie ferrée, alors qu'avec le bradage des terres, il ne reste qu'environ 25 mètres». Toutes choses qui amènent le syndicaliste à interpeller le chef de l'Etat, Me Abdoulaye Wade, pour qu'il mette un terme à ce business effectué dans le cadre de transaction échappant à la connaissance des Sénégalais.

Après les terres du port, de l'aéroport et de Transrail, le dépôt de Ddd est la prochaine cible
Comme si les autorités étatiques ont un programme bien ficelé visant à dépouiller l'ensemble des trois secteurs névralgiques des transports du pays de leurs réserves foncières «inutiles» pour le moment, après les terres du port, de l'aéroport et de Transrail, le dépôt de Ddd est la prochaine cible. Et dans ce dernier cas, l'objectif et les enjeux sont clairs : il s'agit d'affecter les terres du dépôt de Ddd dont la valeur est inestimable à un autre usage. Et c'est dans l'un des plus hautes sphères de décision de l'appareil d'Etat, en Conseil des ministres, qu’a germé l'idée de réfléchir sur la délocalisation des garages de bus de cette société de transport urbain. «Le président de la République a, dans la même démarche, demandé au ministre en charge des Transports terrestres d'étudier les modalités de transfert du dépôt des bus de Dakar Dem Dikk de Ouakam vers un autre emplacement. Évoquant, à cet effet, la situation de cette société de transport public, le chef de l'État a instruit le ministre en charge des Transports terrestres de : veiller à une utilisation optimale des recettes afin de mieux assurer la maintenance des bus ; de fournir un rapport complet sur l'état actuel du parc de Dakar Dem Dikk en indiquant les véhicules en marche et ceux qui sont en panne ; de mettre en place un plan de restructuration en tenant compte des objectifs liés à une gestion efficace et efficiente de la société», peut-on lire sur le communiqué du Conseil des ministres du jeudi 22 octobre 2010.

Après Sdt/3D, l'Udt/3D fait face à la presse aujourd'hui pour dire non

Après la réaction du Secrétaire général du Syndicat démocratique des travailleurs de Ddd, Djibril Guèye Ndiaye, qui rappelait dans nos colonnes que sur le refus de l'accaparement des terres de la société de transport, les différentes structures syndicales étaient sur la même longueur d'onde, cette opposition s'accentue. Et c'est au tour de l'Union démocratique des travailleurs de Dakar Dem Dikk (Udt/3D), dont les leaders syndicaux ont rencontré le ministre des Transports terrestres, des Transports ferroviaires et de l’Aménagement du territoire, Mme Nafy Diouf Ngom, de faire face à la presse aujourd'hui pour freiner la boulimie foncière qui menace le patrimoine de leur entreprise. La récupération des réserves foncières de Ddd est-elle une contrepartie de l'équipement de ladite société avec 235 nouveaux bus dans le cadre de la coopération sino-sénégalaise ? Ou est-ce un moyen pour le gouvernement de pouvoir renflouer l’entreprise ? Le leader de l'Udt/3D, Mamadou Goudiaby, qui s'est entretenu avec la tutelle sur cette affaire, promet d'apporter des réponses à ces questions taraudant l'esprit des employés de Ddd.

Les bizarreries des cessions foncières

Malgré l'ampleur du problème de la boulimie foncière, s'il est possible d'identifier les bénéficiaires de la cession des terres de Transrail, personne n'est capable de dire aujourd'hui celui qui est à l'origine de la vente. Le Secrétaire général du Sutrail, Oumar Cissé, estime que «c'est en tout cas l'Etat ou bien ses démembrements qui sont responsables de ces cessions de terrain dans des conditions que tout le monde ignore». Mais la plus grande bizarrerie, au-delà «des contreparties financières dérisoires versées par les acquéreurs», réside dans l'acte de cession des réserves foncières à l'usine Senbus à Thiès. Parce que, renseignent de hauts responsables de la direction de Transrail sous le couvert de l'anonymat, «les installations de Senbus dans la capitale du rail occupent beaucoup moins d'espace foncier que la surface qui leur a été attribuée sur le papier».