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IMMIGRATION “ CHOISIE ” ET FUITE DES CERVEAUX : Si on parlait aussi de compensations financières

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IMMIGRATION “ CHOISIE ” ET FUITE DES CERVEAUX : Si on parlait aussi de compensations financières

L’immigration “ choisie ” ne légalise-t-elle pas la fuite des compétences africaines vers l’Europe ? sans doute. Que faire ? Me Wade veut envoyer la “ facture ” aux concepteurs de cette forme d’immigration. Ce ne serait que justice puisque la formation de ces compétences a été assurée par le contribuable sénégalais et africain.

Le monde étant désormais un village, ici, en Afrique, nous assistons en direct, en France et ailleurs dans la forteresse Europe, au débat sur l’immigration “ choisie ” qui s’opposerait à l’immigration “ subie ”.

La formule claque comme un slogan de campagne électorale pour rassurer ceux qui votent et voudraient entendre un tel discours. Ne parlons pas seulement de la France. Elle dit, par la voix d’un de ses ministres, qu’elle fait ce que les autres font : choisir qui doit entrer sur son territoire et, surtout, choisir dans ce lot les hommes et les femmes les plus qualifiés. Cela ne se discute pas. C’est une affaire nationale, de souveraineté.

Cela est dit dans un français que seuls les futurs migrants choisis et les gouvernants du Sud comprennent. La grande masse des pauvres hères du Sahel, en route vers les côtes espagnoles, ne comprend pas ce langage, n’est pas émue par le discours sur l’immigration “ choisie ” et ignore souvent jusqu’à l’existence de ses hérauts.

Pour eux, l’Europe est une forteresse à prendre. Chaque fissure sera détectée, agrandie et servira de passage. Bouchées, d’autres s’ouvriront, même si l’Europe éloigne les limites de ses frontières. L’espace Schengen (1) va bientôt commencer sur les plages de la région de Dakar quand la communauté internationale aidera le Sénégal à lutter contre cette filière, “ à boucher cette fissure ”. Cela ne tardera pas. Il n’y a guère, l’espace Schengen commençait à Nouadhibou, en Mauritanie, après le Maroc, face au Détroit de Gibraltar.

L’UE verrouille ses frontières

Les émigrés du désespoir qu’ils embarquent sur les berges sénégalaises ou ailleurs continueront de partir, à tout prix, au péril de leur vie.

L’Union européenne verrouille donc ses frontières. Mais, comme il fallait s’y attendre, constate le chercheur burkinabè, Dieudonné Ouédraogo, les candidats à l’immigration en Europe ont, eux, “ développé des stratégies de contournement (entrée clandestine ; séjour après expiration du visa de touriste ou d’étudiant ; travail au noir, etc.) ”. Ces stratégies sont, reconnaît-il, “ relativement efficaces ”. (2)

Ils sont jeunes, savent ce qu’est être pauvre, connaissent les ficelles de la débrouillardise

Les mirages de l’Europe attirent les migrants africains. La pauvreté et le peu d’opportunités qu’offrent les sociétés africaines à ceux qui ne savent pas “ politiquer ” ou accepter le jeu des dessous-de-table poussent ces migrants sur les routes de l’exode.

Ils ne sont pas tous des pauvres puisque la traversée coûte quelque 500.000 FCfa (quelque 700 euros), selon la presse qui a enquêté sur les filières de l’émigration clandestine. Mieux, certains de ces migrants clandestins partent avec la bénédiction et le soutien financier des familles. Ces nouveaux migrants ne sont plus de pauvres sahéliens, analphabètes, chassés de leur terroir par la sécheresse, l’appauvrissement des terres et la pauvreté endémique.

Ce sont de plus en plus des jeunes de la ville, actifs dans la pêche et le secteur informel urbain. Ils sont jeunes, savent ce qu’est être pauvre, connaissent les ficelles de la débrouillardise et ont le sens des opportunités. N’ayant rien à perdre, ils finissent par avoir de l’audace et surtout la rage de s’en sortir.

Officiellement, la Vieille Europe ne veut plus de ce monde dont le débarquement médiatisé de pirogues traditionnelles sème le trouble sur les Iles Canaries, en Espagne.

Officiellement ! Toutefois, la réalité est autre ou plus complexe. Cette main-d’œuvre jeune au statut précaire fera ce que les natifs de l’espace Schengen – ils sont de plus en plus nombreux à être de vieilles personnes - ne veulent plus faire. Les migrants ramasseront des patates et des fraises dans les champs. Ils s’abîmeront le dos au sommet des immeubles en construction. Ils consumeront leurs poumons en travaillant dans des usines chimiques, etc. Tant que ces secteurs de l’économie et d’autres d’ailleurs auront besoin de bras vigoureux et pas chers, on laissera passer, selon les besoins du marché, des migrants du Sud comme des rats à travers les fissures de la forteresse.

Les transferts d’argent qu’ils feront aideront des familles à être moins pauvres et à doper le secteur du bâtiment et des travaux publics. L’argent des émigrés peut contribuer au développement, il ne peut pas à lui seul développer un pays. Le chercheur Dieudonné Ouédraogo avertit : “ En Afrique, le passage d’une migration de subsistance à une migration d’accumulation et de développement exige une organisation formelle des transferts des migrants en vue de les transformer en source de financement d’investissements productifs sur le plan économique ou social à l’instar de l’expérience de certains pays méditerranéens comme l’Italie et l’Espagne ”. Ce sont justement ces deux pays - plus que la France - qui font rêver les jeunes sénégalais.

L’immigration “ subie ” sera donc combattue, en France par exemple, sans garantie de succès total d’ailleurs. Mais, l’essentiel est souvent de dire qu’on la combat en adoptant, s’il le faut, des lois. Pour rassurer des électeurs et gagner des voix à la prochaine élection.

L’immigration choisie sera, elle, encouragée, encadrée par des textes de lois. La loi adoptée, mercredi dernier, par les députés français, “ durcit les conditions d’entrée et de séjour avec des conditions plus strictes pour le regroupement familial ”. Une dépêche de l’agence de presse française ajoute que le texte veut “ mettre en adéquation l’immigration avec les capacités d’accueil de la France avec ses besoins économiques, en augmentant la part des étrangers arrivant sur la base de leurs compétences professionnelles qui représentent à peine 5 pour cent des flux ”.

La “ fuite des cerveaux »

La politique de l’immigration choisie a tendance à se généraliser. “ La demande en personnel qualifié caractérise aujourd’hui la migration internationale ”, reconnaît Hania Zlotnik, directrice de la Division de l’Onu lors de la dernière réunion, le 3 avril dernier, à New York, de la Commission de la population et du développement de l’Onu.

Cette transformation qualitative de l’immigration mondiale rend particulièrement sensible la question de la “ fuite des cerveaux ”. Le représentant de la Commission économique pour l’Afrique à cette rencontre a ainsi souligné que la réponse à donner à la fuite des cerveaux figurait parmi les priorités de l’Afrique en vue de son développement.

La cible de l’immigration est donc bien identifiée : la crème des cadres du Sud. On puise sans retenue dans le vivier africain par des mesures incitatives. Les États d’origine de ces compétences seront-ils consultés ? Si la réponse est négative, ce sera un contrat qui ne concernera que le “ migrant choisi ” et l’État qui le “ choisit ”. C’est l’heure des marchés de gré à gré mondialisés. C’est injuste. En plus, ces transactions lèsent les intérêts des États africains. Aucune compensation aux États “ émetteurs ” ne serait prévue avant que les “ migrants choisis ” n’aillent enrichir la Vieille Europe, comme le bois d’Ebène, hier.

Soyons justes cependant, l’Europe n’est pas la seule responsable de l’exode des compétences

Pourtant, il faut bien, pour ceux qui partent, que quelqu’un reçoive et paye “ la facture ”, pour reprendre le mot du chef de l’État, Me Abdoulaye Wade. L’univers impitoyable du football professionnel a réglé ce problème depuis longtemps. Qui veut s’attacher les services d’un joueur formé ailleurs payera des compensations financières au club qui l’a formé. Les règles de la mondialisation ne devraient-ils pas aussi s’appliquer à ce secteur ?

Ceux qui, en Europe et ailleurs dans les pays du Nord, s’en offusquent feignent d’oublier que beaucoup de pays africains ont, par exemple, au cours des dernières années, perdu un nombre important de leurs médecins, sages-femmes et infirmiers partis au Nord monnayer leur savoir-faire au bénéfice notamment des personnes âgées de l’Europe.

Qui paiera la note ?

D’après les évaluations de chercheurs, autant de sages-femmes ont émigré du Ghana que ce pays en a formé la même année. Des pertes comparables se vérifient dans l’ensemble du monde en développement. Cette émigration subie par l’Afrique et choisie par l’Europe annonce une catastrophe sanitaire. En effet, l’Afrique subsaharienne aura besoin d’un million d’agents sanitaires de plus afin d’atteindre les Objectifs du millénaire pour le développement (3). Qui payera la note au gouvernement Ghanéen qui manque certainement de sages-femmes, de gynécologues, de chirurgiens, bref de personnel qualifié pour faire reculer la mortalité et la morbidité maternelle et infanto-juvenile, lutter contre le Vih/Sida, etc. ?

Soyons justes cependant, l’Europe n’est pas la seule responsable de l’exode des compétences, notamment le personnel de santé qualifié africain dont l’expertise n’est pas souvent correctement rémunérée. Atténuer - et non tarir - l’ampleur des flux migratoires est d’abord de la responsabilité des pays africains. Le chercheur burkinabè nous confiait, dans une interview publiée dans “ Le Soleil ” qu’“ on peut valablement postuler que c’est surtout dans ces familles pauvres qu’a pris racine le phénomène de la “ fuite des compétences ” qui tend à se développer : ne pouvant accéder aux puissants réseaux bien établis au niveau national ou ne voulant pas le faire, l’intellectuel issu de ces familles n’a d’opportunités réelles de promotion économique et sociale que dans la migration vers des pays où il peut valoriser ses capacités individuelles ”. À méditer...

Une surveillance difficile ….

Le lieu d’embarquement n’est pas forcément le lieu de résidence des candidats à cette aventure risquée. Les zones de départ pour ce long voyage sont devenues maintenant très diversifiées.

On peut s’inscrire à Hann pour aller embarquer ailleurs, notamment à Thiaroye-sur-mer, Rufisque, Soumbédioune ou même à Mbour et bientôt vers Palmarin, nous signale un habitant de Joal-Fadiouth.

Les démarcheurs viennent rencontrer les clients et encaisser l’argent pour le compte du véritable piroguier qui ne se manifeste qu’au dernier moment et lequel donne le lieu où l’odyssée va prendre départ. Et cela, selon une source proche de la gendarmerie, complique le plus souvent la surveillance des forces de sécurité.

La gendarmerie, particulièrement celle de Hann, mène fréquemment des patrouilles sur le long du littoral compris dans son secteur afin de surprendre les éventuels candidats. Des descentes qui n’ont pas toujours des chances de succès parce qu’elles se font à pied. Car une fois leur embarcation sur les eaux, les éventuels émigrants échappent à la vigilance des patrouilles terrestres.

Mais les hommes en bleu peuvent toujours alerter leurs collègues de la brigade de l’environnement basée au Port, compétente pour assurer la poursuite des pirogues en mer. C’est une brigade qui est équipée pour cette opération. C’est cela qui explique d’ailleurs que des pirogues sont interceptées alors qu’elles avaient déjà réussi à prendre le large.

Partant aussi le plus souvent sur la base d’informations de sources proches des éventuels candidats ou des convoyeurs, les hommes en bleu réussissent leurs opérations. Comme c’est le cas en début de semaine, quand ils ont surpris un démarcheur alors qu’il était en train d’opérer pour le compte d’un convoyeur sur la plage de Hann.

Des coups qui n’arrivent malheureusement pas tous les jours pour dissuader les candidats. Les convoyeurs, devant sans doute la peine très faible infligée par le tribunal en cas d’arrestation, ne se gênent pas à poursuivre leur boulot. Quelqu’un qui a été appréhendé récemment n’a écopé qu’une peine de 15 jours de prison pour ce délit si grave.

 



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