Incorporation des filles : L'armée accusée de favoritisme, la Dirpa dément

Difficile pour les milliers de jeunes filles qui ont voulu être recrutées par l’armée d’accéder à la commission de recrutement. La plupart d’entre elles ont fait hier le pied de grue, en vain. Au même moment, les filles de militaires, de gendarmes et de sapeurs pompiers qui n’avaient même pas fait les rangs, ont pu accéder à la commission de recrutement en compagnie de leurs parents.

Le recrutement des filles dans l’armée s’est fait, hier, dans la confusion dans la ville de Rufisque. L’armée et la gendarmerie sont ainsi accusées par les candidates à l’incorporation d’avoir agi contre leur devoir. Dans la foule des jeunes filles en file indienne devant la porte du Cdeps, la complainte était la même : ‘Les hommes en tenue usent de leur autorité pour faire passer leurs filles avant toute autre personne’. Ainsi, elles étaient des milliers de jeunes filles disposées le long du mur du Cdeps. Venues de toutes les régions du pays, ces filles ont répondu présentes à l’appel du chef de l’Etat. Elles cherchent toutes à se faire incorporer dans les rangs de l’armée nationale. ‘Nous avons suivi le recrutement depuis les premiers jours. Cela fait maintenant dix-sept escales. Mais, nous sommes toujours laissées en rade’, lance cette fille. ‘Je suis la première dans les rangs. Depuis hier, mercredi, je suis là à attendre mon tour. A 13 h déjà, je ne suis pas passée devant la commission de recrutement, alors que bon nombre de filles sont dedans’, renchérit cette autre fille qui vient de Thiès.

Les filles de la vieille ville accusent, ainsi, les hommes de tenue de faire passer leurs filles en priorité. ’En voyant certains militaires, gendarmes ou sapeurs pompiers passer en tenant la main de leurs filles, alors que nous avons passé toute une nuit à veiller, j’ai le cœur meurtri. Je me suis même demandé s’il faut continuer le recrutement. Il faut être fille de militaire, de gendarme ou de sapeur pompier pour être recrutée’, crie Aminata Ndoye qui habite le quartier Diamaguène de Rufisque. Aminata et sa copine ont décidé, après plusieurs heures d’attente, de regagner la maison familiale sise au quartier Diamaguène afin de se mettre quelque chose sous la dent. ‘Nous n’avons ni dormi, ni mangé. Et voilà que le système mis en place ne nous permet pas d’accéder à la commission’, soutient Aminata Ndoye, au bord du découragement.

Des dizaines d'hommes en tenue (gendarmes, policiers, sapeurs pompiers, militaires) étaient là, accompagnant une parente. La salle d'attente était, en un moment, pleine de monde au point que le commandant de brigade de Sangalkam a dû demander à tous ceux qui ne sont pas de la commission de recrutement d'évacuer la salle. ‘Seuls les membres restent’, ordonnera-t-il aux nombreux hommes de tenue.

Du point de vue de l’ambiance, on se croirait à un meeting. A première vue, le groupe semblait homogène. Mais au fur et à mesure qu’on s’approchait, on constatait de manière distincte le rang que formaient les jeunes filles. C’est une longue file qui va de la porte du Cdeps à l’angle du quai de pêche. Un demi-cercle tracé pour contourner la route qui mène au quartier Diokhoul. En rang désorganisé, la moitié du groupe est debout, tandis que l’autre partie est assise à même le sol. Très remonté contre les soldats qui essayent de les organiser, suivant une fiche qui est donnée, pêle-mêle, les jeunes filles disent avoir perdu tout espoir. ‘De 8 h à 13 h, il n’y a que dix filles officiellement aptes. Les fiches ne sont remises qu’aux proches de l’armée, de la gendarmerie et des sapeurs pompiers. Le rang n’avance point, alors que le crépuscule s’approche’, déplore Marie Dioh de Keur Massar. Beaucoup de filles ont déploré devant la presse l’attitude des hommes de tenue. Des vieilles dames assistaient à la scène. Une dame à l’allure de sportive est venue accompagner son fils. ’Rufisque est la dix-septième localité que je foule avec mon fils. Je suis venue l’accompagner, mais les responsables disent que les hommes passeront le vendredi’, dit la dame. Les garçons qui sont restés pour assister au recrutement des filles sont souvent bousculés par les sentinelles.

Najib SAGNA La Dirpa nie et rappelle les procédures

Les lamentations des filles candidates au recrutement se heurtent à un mur de dénégations du côté de l’armée où l’on balaie, du revers de la main, ces remontrances qui, pour utiliser un jargon militaire, ‘portent atteinte au moral des troupes’. Le Commandant Diop de la Dirpa dit se porter en faux contre ces accusations. Cela, en se fondant sur des principes simples. ‘L’armée est nationale : tous les pans de la société sénégalaise y sont représentés’, dit-il. L’officier de l’armé, visiblement navré que l’on ait mis la charrue avant les bœufs, d’inviter à la patience. ‘Il faut laisser les travaux se terminer avant de dénoncer quoi que ce soit’, suggère-t-il. Le Commandant Diop ne s’est pas, pour ce faire, privé de rappeler la bonne procédure qui est, selon lui, celle en cours actuellement. ‘Si on doit recruter 30 personnes, on recrute toutes les personnes qui sont aptes. Parmi les aptes, on sélectionne celles qui présentent les meilleurs profils pour être recrutées’, renseigne-t-il.

Maintenant, qu’il y ait eu un problème de fiches ne surprend nullement l’officier de la Dirpa. Pour lui, cela est simplement lié à l’importance des ‘effectifs’ en compétition. En revanche, ce qui l’estomaque, c’est le fait que des candidates accusent des hommes de tenue d’user de leur influence pour introduire leurs progénitures. ‘Moi-même, je suis officier de l’armée, mais ma propre fille n’a pas été recrutée. Si tel était le cas, j’aurais pu user de ma position pour intervenir en sa faveur’, justifie-t-il. D’ailleurs, à supposer que des hommes de tenue aient pu intervenir, cela n’aura aucun impact sur le résultat. Parce qu’’au moment des sélections, ils ne seront pas là-bas’. Au surplus et pour donner plus de gages à la rigueur qui entoure la procédure de sélection, le Commandant Diop précise qu’il est tout à fait exclu que l’on prenne quelqu’un qui n’a pas été, au préalable, recruté par la commission.