Insertion des jeunes chercheurs : Le Crepos tire la sonnette d’alarme sur leur marginalisation professionnelle

L’insertion des jeunes chercheurs est un sujet de préoccupation pour le Centre de recherches sur les politiques sociales (Crepos). La deuxième étude qu’il a commanditée sur la question a été rendue publique, hier. ‘Améliorer l’intégration des jeunes chercheurs africains dans les systèmes de recherche et d’innovation pour accroître leurs performances’ est le titre de l’enquête menée par le sociologue Bakary Sané de l’Ucad. L’enquête a porté sur un échantillon de 61 jeunes chercheurs titulaires d’un doctorat de troisième cycle ou d’Etat. Il ressort de ce travail de terrain que l’université est considérée comme le seul débouché qui s’offre aux jeunes chercheurs où le poste d’enseignant demeure l’opportunité principale.

Ainsi 86,4 % des enquêtés, c’est-à-dire la grande majorité pense que le poste d’enseignant à l’université ou dans les instituts privés d’enseignement supérieur est la seule opportunité de travail offert aux jeunes chercheurs. Une partie des enquêtés, soit 6,6 % pense que le secteur privé présente des opportunités d’insertion, tandis que 5 % répondent que le secteur associatif, c’est-à-dire le monde des Ong, apporte des opportunités d’insertion aux jeunes chercheurs.

L’auteur révèle, par ailleurs, que les jeunes chercheurs doivent travailler dans la précarité comme moniteurs, vacataires, répétiteurs avant d’obtenir un emploi durable. Le Dr Bakary Sané souligne que ‘l’obtention du doctorat n’est pas synonyme d’insertion professionnelle. Il y a toujours une période d’attente qui dure entre trois à quatre ans pour trouver un emploi durable’. Face à ces difficultés, les jeunes chercheurs ne restent pas à ne rien faire. Ils développent des stratégies individuelles et collectives pour trouver un emploi. Elles vont de la collaboration scientifique à l’auto-emploi en passant par la production continue d’articles scientifiques.

Avec le gel des recrutements dans plusieurs institutions de recherches et autres universités, la marginalisation des jeunes chercheurs s’était accentuée. Aujourd’hui, ces diplômés sont laissés à eux-mêmes surtout dans un contexte de crise de l’emploi. Pour renverser la tendance, le Crepos a convié les responsables d’Ong à une table ronde pour faciliter l’insertion professionnelle des jeunes chercheurs estimés à près de 1 800, d’après les dernières statistiques du ministère de l’Enseignement supérieur. Pour cela, il faut une volonté politique, l’adaptation des jeunes chercheurs, mais surtout le développement de la collaboration entre les institutions de recherches et le secteur privé et associatif pour pouvoir attirer les moyens financiers.

Plusieurs responsables d’Ong présents à la table ronde ont exprimé leur intérêt à travailleur avec les acteurs de la recherche. ‘On a constamment besoin d’articuler la recherche aux besoins de terrain. C’est pourquoi, il faut envisager que les actions des Ong soient nourries par la recherche, car on ne peut pas parler de développement économique sans faire de recherche scientifique’, renseigne le secrétaire exécutif du Congad, Boubacar Seck. Comme lui, d’autres responsables d’Ong ont souhaité collaborer avec les chercheurs dans la mise en œuvre de leurs programmes de développement.

Ce dont se satisfait le Pr Ndiouga Mbenga, chercheur au Crepos et enseignant au département d’Histoire de la faculté des Lettres et Sciences humaines de l’Ucad. ‘Les Ong ont montré l’intérêt qu’elles ont pour la recherche. Maintenant, il faut créer ce réseau. Nous avons des chercheurs qui produisent du savoir, mais c’est un savoir qui ne sort pas de l’université. Nous avons également des Ong qui ne sont pas toujours dans la recherche-action puisque beaucoup d’entre elles ont déclaré qu’elles sont demandeurs. Ce qu’il faut faire maintenant, c’est de créer des passerelles pour que ces Ong qui font beaucoup d’actions de développement puissent partir de productions scientifiques de l’analyse situationnelle pour être beaucoup plus efficaces dans ce qu’elles font’.Demain, le Crepos rencontre le secteur privé, notamment le Cnes, le Cnp toujours sur la problématique de l’insertion des jeunes chercheurs.