Interview Docteur Serigne Mamadou Bousso Lèye, ancien Ministre de la Culture et de la Francophonie : «Je souhaite que Macky Sall ait une majorité à l’Assemblée nationale»

(XAMLE.NET) - Fonctionnaire d’Etat depuis 1987, Docteur Serigne Mamadou Bousso Lèye a été Ministre sénégalais en charge de la Culture et de la Francophonie de mai 2009 à mai 2011. Malgré les efforts démentiels consentis dans son département, ce responsable politique libéral (ndlr : désormais ex) de haut niveau dans la grande banlieue a quitté le gouvernement de Souleymane, victime de cabales et autres intimidations des faucons du Palais ! Cela ne l’empêchait guère de jurer fidélité à Wade. Que nenni ! Aujourd’hui, celui que l’on surnomme « le docteur »de la grande banlieue (Pikine et Guédiawaye) vient d’initier une nouvelle trouvaille : Alliance Pour une Nouvelle Citoyenneté (APNC, en acronyme). Dans l’entretien qu’il a bien voulu accorder, l’ancien pensionnaire de l’Université Sorbonne de Paris soutient, mordicus : « Aujourd’hui, la banlieue devient plus exigeante. Elle veut être actrice et non plus simple observatrice de la politique. J’affirme que la banlieue dakaroise n’acceptera jamais d’être négligée ».

 

Entretien…

 

Présentez –vous, Monsieur le Ministre ?

 

Je m’appelle Dr Serigne Mamadou Bousso Lèye. J’ai assumé le rôle de Ministre sénégalais de la Culture et des loisirs de Mai 2009 –à Mai 2011.J’ai ensuite quitté le gouvernement, parce que victime d’injustice, de cabales et intimidations de la part des fameux faucons du Palais. Déjà, on était en train de propulser la culture sénégalaise vers des dimensions insoupçonnées. La politique culturelle du Président de la République était en phase de se matérialiser, presque sur tous les plans. En une année, j’ai finalisé et inauguré le monument de la Renaissance africaine, tenu la Biennale des Arts de Dakar qui a réussi sans aucun apport, ni de l’UE ni de l’Etat du Sénégal et c’était l’une des meilleurs. Il a vu également une participation record et, surtout celle des Etats et de Privés, le Fesman. A cela s’ajoute la protection sociale et le statut des artistes. C’est aussi sous notre magistère que la culture sénégalaise a connu un rayonnement extérieur avec l’organisation de la «Semaine Sénégal en Arabie Saoudite».

 

Comment avez-vous pris votre départ du gouvernement ?

 

Moi, j’ai fait bonne contenance .Je suis fonctionnaire de l’Etat du Sénégal depuis 1987. Je continuais mes activités politiques tout en ayant comme bréviaire : être au service de mon pays, venir à la rescousse des économiquement faibles et renouveler mon attachement à Serigne Touba. Cependant, mon limogeage avait créé des frustrations intenses au niveau de la banlieue. Cela avait lourdement déteint sur notre parti d’alors, le Pds. Nous avions rencontré des difficultés ; ce qui faisait que les responsables les plus en vue avaient gelé leurs activités de cette formation en aout 2011. Dans la campagne pour la Présidentielle, peu d’importance a été accordée à la banlieue et ce qui est arrivé est arrivé. Que le nouveau pouvoir évite de répéter ces erreurs. Aujourd’hui, la banlieue devient plus exigeante. Elle veut être actrice et non plus simple observatrice de la politique. J’affirme que la banlieue n’acceptera jamais d’être négligée comme avant.

 

Parlez-nous de votre nouveau Mouvement

 

Nous sommes un mouvement de la société civile qui s’appelle Alliance Nationale pour une Nouvelle Citoyenneté. Elle a été mise sur les fonts baptismaux après la Présidentielle .Cette structure regroupe des jeunes, hommes, femmes, des membres de la société civile et des politiques, bien évidemment. Nous allons travailler pour restaurer les valeurs de la République qui ont trop subi les coups de sabre, pour ne pas dire de sabre du défunt régime. Aujourd’hui, elle est forte de plus de 250 secteurs au niveau de la banlieue, plus plusieurs mouvements et associations de femmes qui y adhèrent (Pikine et Guédiawaye).

 

Sous quelle bannière vous êtes-vous investi pour le compte des prochaines législatives ?

 

Je ne suis candidat sur aucune liste. Mais, je dois signaler une chose. M.Macky Sall a été élu Président de la République du Sénégal avec un score plébiscitaire de 65% des voix. Ce qui est regrettable, nous allons vers des élections. Nous, nous pensons qu’il a été supporté par une large coalition. Aujourd’hui, elle a accompli sa mission qui était de faire partir Wade. L’Assemblée nationale, quant à elle est un lieu de représentation du peuple. M. Sall a hérité un pays où tout est urgent. Tout est presque bloqué par la campagne contre la candidature de Wade avec son lot de morts et de blessés, la précampagne houleuse, voire heurtée. Cela a perturbé la vie économique du pays et a fait fuir certains investisseurs. Ce qui est grave, c’est que tous ceux qui le soutenaient pensent à leurs récompenses immédiates comme si le Sénégal est un cadeau à partager. Qu’ils sachent qu’on nomme des gens qui s’attèlent à travailler au salut du peuple mais pas pour satisfaire des partis politiques. Sans leur apport, Macky allait être élu par ce que le peuple souverain l’avait voulu et ardemment.

 

Voulez-vous dire que le parti au pouvoir doit une majorité pour pouvoir gouverner convenablement ?

 

Mais, il le faut. Moi, je suis pour une majorité de cohérences pour faciliter la matérialisation de sa vision. Ma préoccupation, ce n’est pas les individualités mais le Sénégal. La majorité de blocage impacte négativement sur la bonne marche du pays parce que ne facilitant pas la prise de décision par le Président de la République. La majorité de cohérences, c’est un minimum de bon sens ! On doit, à ce jour, sortir de la situation de conflictualité pour aider le pays à aller de l’avant.

 

Un mot sur le retour à un mandat de 5 ans

 

Je pense que le mandat doit être maintenu à 7 ans et c’est tout à fait normal. Le Sénégal n’a pas assez de ressources pour organiser des élections couteuses tous les 5 ans. On pourra faire d’énormes économies avec le maintien à 7 ans. C’est une pertinence sur bien de points de vue. Le respect de ce calendrier républicain doit dépasser les personnes.

 

Que pensez-vous de la question des audits ?

 

C’est tout à fait normal. Quand on a géré des ressources publiques, il faut obligatoirement rendre compte. C’est un principe sacro-saint de toute République qui se respecte .Au Sénégal, l’on fait des audits qui ne suivent pas souvent d’effets. Il faudra alors tout faire pour qu’ils ne soient pas bâclés, qu’ils ne soient sélectifs. En dehors des audits, on peut constater une mauvaise gestion ; des gens qui se sont enrichis phénoménalement et il urge qu’ils s’expliquent sur l’origine de leurs avoirs. Aujourd’hui, rien ne sera comme avant. Nos compatriotes sont devenus plus exigeants.

 

Youssou Ndour vient d’hériter du département de la Culture et du Tourisme .En tant qu’un de ses prédécesseurs à ce poste quelle lecture en faites-vous?

 

Je félicite Youssou Ndour pour cette nomination. C’est quelqu’un qui a bien travaillé dans son domaine. C’est un grand monsieur admiré partout à travers le monde. Je pense qu’il peut mener loin ce département. Il faut qu’il y ait une bonne équipe, qu’il écoute. Vous voyez, le Président de la République donne les grandes orientations et le Ministre va s’atteler à les mettre en œuvre. M. Ndour est bien outillé d’autant plus qu’il est homme du milieu. Moi, je n’étais pas dans ce domaine et vous voyez les performances faites à ce niveau .J’ai eu à faire des échanges par le truchement de sa sœur, Ngoné Ndour. On a des préjugés très favorables sur lui. Au Sénégal, les gens confondent toujours les choses.

 

Que pensez-vous de l’affaire Cheikh Béthio Thioune ?

 

C’est très regrettable ! Un chef religieux qui n’a pas su gérer ses troupes en est arrivé là .Le travail et la prière doivent rythmer la vie de tout disciple de Cheikh Ahmadou Bamba. Mais si on arrive à une situation de règlement de comptes, cela peut mener à une jungle. On n’en est pas encore à la culpabilité de Cheikh Béthio. L’histoire s’est passée à Keur Samba Laobé, on a identifié des personnes et lui, en tant que leur guide moral, il a été interpellé