Il était manifestement pressé qu’on lui tende le micro. L’air furieux, le visage renfrogné. Parlant sur un ton ferme. Sa dernière pièce de théâtre «Yolom Guégno», a soulevé l’ire de deux composantes de la société sénégalaise, à savoir les maures et les handicapés. Mame Cheikhou Guèye alias «Sa neex» a déversé sa bile sur eux. Et ne compte pas leur présenter des excuses. L’entretien réalisé en wolof a été traduit en Français.
«Yolom Guégno» fait scandale actuellement. Tout le monde s’est levé pour décrier le langage utilisé dans cette pièce. Surtout les couches les plus défavorisées, à savoir les handicapés. Mais aussi les maures qui se disent atteints dans leur fierté. Ils comptent même porter plainte.
En ce qui concerne la plainte dont vous parlez, je n’en ai eu que des échos. Je n’ai pas encore reçu de plainte venant de qui que ce soit. Ce sont des rumeurs que j’entends, sous prétexte que j’aurais insulté les maures et les handicapés. Avant tout, comprenez que je suis un artiste. Je ne peux me permettre de mépriser les gens. Moi-même, je ne suis rien du tout. Je ne suis pas quelqu’un de mauvais. Mais il se trouve que je ne faisais que relater les tares de la société sénégalaise. Que nous artistes, avons le droit de dénoncer comme vous les journalistes. (Il s’installe plus confortablement et enlève sa casquette). D’abord, je vais commencer par les handicapés. Moi j’ai un cousin handicapé. Ce n’est pas de ma faute s’il existe des handicapés dans ce pays. Sincèrement je ne suis pas responsable de leur infirmité. C’est Dieu qui détermine l’état de l’individu. Celui qui n’a pas atteint l’autre rive ne doit pas se moquer de celui qui se noie. Donc, il ne faut pas que les handicapés aient des complexes. Ce que j’ai dit dans la pièce est clair. Je peux même le redire. A Dakar ape exemple, il y a beaucoup de monde. Les gens se soulagent où ils veulent. Aucun civisme ! Alors que ce sont des choses qui devaient se faire en cachette. Les rapports sexuels aussi (excusez-moi du terme, si c’est osé), les gens s’y livrent dans la rue. Nous ne sommes pas des Occidentaux. Nous sommes des Africains avec une culture qui nous est propre. Dans la pièce, j’essayais de montrer ce qui se passe sur les bancs publics. Vous voyez ce jeune couple qui s’adonnait à des choses malsaines sur le banc. J’ai voulu surtout parler de la femme. Avec toute sa valeur, elle ne doit pas se mettre sur un banc public au vu de tout le monde pour se livrer à des pratiques anormales. C’est pourquoi j’ai été clair pour dire que les femmes qui le font, ne peuvent mettre au monde que des handicapés.
Et vous pensez qu’il en est ainsi de tous les handicapés?
Tout handicapé connaît ses parents. Ceux qui sont issus de bons parents savent et ceux qui ont de mauvais parents savent. Je le redis encore : j’ai un cousin handicapé (il insiste) et il a un handicap avancé. Je ne peux que respecter les handicapés car ils sont des individus comme nous. Regardez les associations de handicapés qui se réunissent en Gie, travaillent et ont des millions. Ceux-là ne font pas état de leur situation. Tout ce qui les intéresse c’est le travail pour subvenir à leurs besoins. Certains veulent se constituer comme des victimes pour m’attaquer. Je ne vais pas leur demander pardon. Je suis formel. (Il hausse le ton). Qu’ils se le tiennent pour dit. Je ne vais jamais présenter mes excuses. Je suis catégorique là-dessus. Ce que j’ai dit est clair. Je n’ai attaqué personne. J’ai parlé de façon générale. Pourquoi ils n’attaquent pas les marabouts ? Qui souvent parlent des femmes et de leur manière de se comporter. Il existe combien de marabouts qui parlent des femmes et de leurs comportements ? Les femmes doivent cacher leurs parties intimes pour avoir de bons enfants. S’ils veulent porter plainte, ils n’ont qu’à le faire contre «Yolom Guégno». Mais pas contre Mame Cheikhou Guèye. C’est le personnage de «Yolom Guegno» qui a tenu les propos incriminés dans le film. Encore une fois, je ne les méprise pas. Au contraire, je respecte beaucoup les handicapés. Je les aime. Et je suis prêt à les aider dans toutes leurs activités. Tout ce que je leur conseille, c’est d’aller travailler comme leurs semblables. Parce qu’ils sont capables de le faire. Ce sont des individus comme nous. Si j’étais dans leur situation, je travaillerais pour gagner ma vie. (Il enlève sa casquette, et assène sèchement) : encore une fois, que les handicapés de Kaolack sachent que je ne vais pas leur demander pardon ; pour rien au monde. En ce qui concerne les maures, je me dis que j’étais un peu entraîné par la fougue et je n’ai pas pu me contrôler. Il faut que les gens croient en ce qu’ils disent. Entre nous et la Mauritanie, nous sommes des frères, des cousins. J’ai dit dans le film que les maures sentaient mauvais. Mais aussitôt après, les maures ont répliqué pour dire que les Wolofs étaient des chiens. Ces derniers n’en ont pas fait cas. Et voilà que les maures se lèvent pour dénoncer. Le scandale qu’ils en ont fait m’a un peu blessé. Allant jusqu’à parler du prophète, en disant qu’il était un maure. C’est trop ! Je suis un homme de culture. Il y a huit mois, j’ai été nommé ambassadeur de la paix. Je ne peux avoir cette consécration et jeter de l’huile sur le feu à tout moment. C’est insensé. Les maures doivent se mettre dans la tête que nous sommes des cousins. Je ne les hais pas. Vous croyez que mon principal revenu provient de ces pièces de théâtre. Non. Tout ce que j’ai actuellement, je l’ai obtenu en dehors de mon métier de comédien. Je ne gagne rien dans ce métier. Bien au contraire, je dépense tout mon argent pour les productions. Pour apporter du bonheur aux Sénégalais. Les maures n’ont qu’à comprendre, une bonne fois pour toutes, que tout ce que j’ai dit, je l’ai dit dans le cadre de l’interprétation d’un rôle. D’ailleurs, une nouvelle cassette va bientôt sortir et s’appelle «Neño Bala Magnssa». Je l’ai produit moi-même. C’est le même maure qui y a joué et il est dans cette pièce mon ami.
Est-ce que dans la réalité, ce dernier est un Maure?
Oui, c’est un maure. Il s’appelle Alioune Aïdara. Vous savez, on tourne plusieurs pièces à la fois. Et au fur et à mesure, on les met sur le marché. Les Sénégalais ont l’habitude de taquiner les Maures pour leur dire qu’ils sentent mauvais. Mais attendez, les Maures en Mauritanie, nous traitent de tous les noms d’oiseaux. Mais on en rigole. Je suis partie plusieurs fois en Mauritanie, mais on nous traite de tous les noms d’oiseaux.
Je précise encore, pour les handicapés, je ne m’excuse pas.
Les Sénégalais critiquent votre langage qu’ils trouvent vulgaire à la limite de l’insolence. Alors que le théâtre est fait pour éduquer. D’autant plus que les enfants vous regardent et imitent vos moindres gestes ?
Le théâtre, c’est la vie. Nous sommes là pour faire passer le message. Nous sommes la voix de ceux qui n’ont pas de bouche. Dans ce pays, sachez bien, que tous les gens qui critiquent sont encore plus critiquables à part les valeureux hommes comme Mame El Hadji Malick, Serigne Touba ; Boucounta Ndiassane. Les Sénégalais ne ratent pas les célèbres telenovelas tels que Rubi ou Milagro. Ces gens, nous n’avons pas la même culture. Alors que devant les parents, les acteurs se mettent en string, ont des relations intimes. Et pourtant, c’est accepté dans les familles. Et pourquoi moi quand je dis «démal took sa poodiou ndeye», les gens se mettent à dire que Saneex insulte. Nous avons tendance à perdre nos valeurs. Les gens disent que mon langage est vulgaire alors qu’il nous est propre. Entrez dans le Sénégal profond, on ne te dira jamais «koula diour». Pour eux, ce terme n’est utilisé que pour les animaux. Le mot «Baye (père, en wolof académique) » est grossier pour les citadins alors que pour les gens des villages, il ne l’est pas. Même chez les animaux, c’est la femelle qui couvre ses petits. Dans les villages, pour sécuriser les gens, les grandes personnes te disaient «doxal took si sa podiou ndeye». Car l’individu se trouve plus en sécurité à côté de sa mère. Je n’insulte personne, je ne fais qu’utiliser les mots employés par les grandes personnes. Comprenez que je suis éduqué par ma grand-mère. Il faut que les gens changent de mentalité pour que le pays puissent se développer. (Il revient sur les handicapés encore). Vous voyez ce que font les handicapés, c’est de la politique. Ils veulent que l’Etat les entende et leur donne de l’argent. Ils n’ont qu’à aller travailler. Je ne leur présente pas d’excuses. Car je n’ai rien dit de grave. Je n’ai pas dit ce que les grandes personnes n’ont pas dit de toutes les façons. Comme le mot « Ndeye » (Ndrl : qui veut dire mère) est utilisé pour insulter, les gens pensent que je dis des insanités tout le temps.
Vous ne pourriez pas changer votre manière de parler puisque manifestement, vous choquez plusieurs personnes ?
Dites à Elhadji Diouf de changer sa manière de jouer au football. Ou bien toi, changes ta manière de me poser des questions ! Je suis comédien. Je fais de la comédie. Regardez Louis de Funes. Chacun à sa manière d’interpréter un rôle. Je vous l’ai dit tout à l’heure. J’ai joué un autre film avec le même maure. Il faut que les gens me regardent en tant que comédien. Qui interprète un rôle.
Il paraît que vous n’êtes même pas sorti avec votre femme. Vous êtes un poltron ?
Non. Je suis sorti avec d’autres filles. Mais ma femme est une parente à moi. Contrairement à ce que les gens disent, elle habite à Thiès. Nous habitons dans le même quartier. Je ne l’ai pas dragué en tant que tel. C’est vrai. Certes je suis sortie avec d’autres filles. Mais ces filles-là, à un moment donné de ma vie, leurs parents n’avaient pas jugé nécessaire de me donner la main de leurs filles. Car je n’avais aucun sou.
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