Venu le week-end dernier
dans son Goudomp natal dans le cadre de ses activités politiques, le
conseiller spécial du Président Wade et «ex-Monsieur Casamance» s’est
prononcé sur la recrudescence de la violence qui prévaut dans la région,
de même que sur l’alternative que l’Etat du Sénégal doit offrir aux
rebelles du Mfdc. Pour une paix définitive en Casamance, Latif Aïdara
pense que Wade et son gouvernement doivent accepter la main tendue du
chef rebelle César Atoute Badiate pour des négociations franches et
sincères. Des négociations qui ne doivent se tenir qu’en territoire
sénégalais et non ailleurs.
Monsieur Aïdara, vous avez une
fois géré le dossier casamançais. Le chef de la branche armée «Atika»,
César Atoute Badiate, a tendu la main au gouvernement du Sénégal pour
des négociations sérieuses. Pensez-vous que cet appel est sincère ?
Je
pense que c’est un appel qui est sincère, parce qu’il émane du chef de
guerre du Mfdc. A chaque fois qu’un chef rebelle du Mouvement des forces
démocratiques de la Casamance tend la main au gouvernement, ce dernier a
l’obligation de prendre cette main-là et de l’affranchir de la tutelle
des radicaux au lieu de vouloir attendre l’unification du maquis. On ne
peut pas unifier le maquis, c’est une utopie. On restera 50 ans sans
avoir la paix en Casamance, car il y a trop de problèmes dans ce
mouvement rebelle, entre autres, les problèmes de sang et d’argent. A
mon humble avis, je pense qu’il faut négocier avec ceux qui veulent
négocier d’abord.
L’option militaire semble être
privilégiée dans cette crise vieille de plus de 20 ans. Pensez-vous que
c’est la bonne solution ?
Depuis le début de ce conflit,
l’armée n’a jamais voulu faire la guerre au Mouvement des forces
démocratiques de la Casamance. Elle a toujours assuré le maintien de la
paix et la protection des populations et de leurs biens. Mais quand on
protège des civiles contre des gens super armés, on est obligé de
s’armer comme eux, ne se serait-ce que pour équilibrer la terreur. C’est
dans ce sens-là que l’armée est intervenue en Casamance. Mais si la
menace se fait tellement pesante que même les habitants de la commune de
Ziguinchor peuvent à tout moment subir les assauts de ces éléments
armés, l’armée est obligée de sécuriser la ville en éloignant de la
capitale ces malfaiteurs qui viennent commettre très souvent leurs
forfaits dans la commune avant de se replier dans leurs bases sans être
inquiétés. Et ceci n’est que le premier aspect. Le deuxième aspect,
quand on va dans une dynamique de force, on ne peut pas aller en
négociation. L’exemple de l’Afghanistan est là, avec le Président Obama
qui a toujours opté pour la paix dans ce pays. Et pour avoir une posture
stratégique avec les talibans, il a renforcé le dispositif militaire en
Afghanistan. Conséquences : aujourd’hui, il est en train de nettoyer
certaines poches qui étaient des fiefs des talibans. L’armée ne peut pas
croiser les bras et regarder les rebelles faire des incursions et
menacer les populations. Il faut d’abord sécuriser les populations avant
d’aller aux négociations.
Est-ce que vous êtes d’avis avec
ceux-là qui pensent que les négociations doivent se tenir dans un
terrain neutre ?
Les négociations doivent se tenir au
Sénégal et non ailleurs. Le Sénégal est un pays indépendant et
souverain. Les autres pays ne sont pas venus chez nous pour régler leurs
problèmes. C’est le cas pour la Côte-d’Ivoire où le Burkina-Faso a été
choisi comme médiateur par les organisations internationales. Même si la
crise ivoirienne a été internationalisée, elle a été, néanmoins, réglée
en Côte d’Ivoire. Pourquoi devons-nous partir dans un pays limitrophe ?
Qu’est-ce que la notion de terrain neutre, si nous sommes tous dans une
même République ? Autant que je sache, les rebelles sont dans le
terroir sénégalais. Le Sénégal est un Etat indivisible. La preuve,
quand l’armée a voulu reprendre les bases des rebelles, elle l’a fait.
Quelles alternatives
préconisez-vous pour une paix définitive en Casamance ?
Tant
que les gens vivent dans l’extrême pauvreté, il sera difficile de faire
la paix dans les cœurs et dans les esprits. Mais, je pense que si on
offre une alternative crédible aux rebelles, on peut bien retrouver la
paix. Et c’est cela qu’il faut pour les jeunes et les femmes de la
Casamance. Il faut des projets de développement durable pour atténuer
leurs souffrances. L’Etat n’a pas le droit de laisser ce pays entre les
mains des rebelles qui produisent plus de 6 000 tonnes de noix de cajous
par an. Des rebelles qui cultivent de la drogue et des jeunes qui n’ont
rien à faire, sinon que de se choisir le chemin de la rébellion. Il y a
même un ami français qui m’a dit qu’en Casamance, «le Mfdc est le
premier employeur des jeunes. Parce que, avec la kalachnikov, les
rebelles peuvent s’assurer la dépense quotidienne, la fête de Tabaski ou
celle de la Korité».
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