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LE VOL, PHÉNOMÈNE DE SOCIÉTÉ - Sénégalais, avez-vous les mains baladeuses ?

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LE VOL, PHÉNOMÈNE DE SOCIÉTÉ - Sénégalais, avez-vous les mains baladeuses ?

Un délit «mal connu» - Malgré la vulgarité et l’universalité qui le cernent le vol reste un délit « mal » connu ou mal compris. Pour le ‘‘vulgum pecus’’ le vol désigne tout simplement toute atteinte à la propriété. Une conception qui ne correspond pas à la réalité, du moins à la conception juridique du délit de vol. Qui d’après les dispositions de l’article 364 du Code Pénal est défini comme «la soustraction frauduleuse de la chose appartenant à autrui.» Cette définition légale s’approche en droit romain de la notion de «furtum» désignant la mainmise frauduleuse sur la chose d’autrui. Ces différentes approches peuvent prêter à confusion entre le vol et d’autres formes d’atteintes juridiques aux biens, comme l’abus de confiance et l’escroquerie. Dans son œuvre sur les infractions contre les biens et les personnes dans le nouveau code pénal français (qui ressemble au nôtre comme un clone), Michèle-Laure Rassat établit la nuance entre les différentes formes d’atteintes aux biens que nous avons souvent tendance à mettre dans le même panier. En assimilant toute sorte de maniement frauduleux de la chose d’autrui au vol. Selon Rassat, le vol est la soustraction matérielle d’une chose appartenant à autrui sans le consentement du propriétaire, l’escroquerie quant à elle, désigne le fait de provoquer la remise de la chose par son propriétaire en le trompant par des manœuvres frauduleuses. Tandis que l’abus de confiance se réalise par le détournement d’une chose, d’abord volontairement remise par son propriétaire. Le vol se distingue ainsi des deux autres incriminations en ce qu’il est intrinsèquement une infraction de violence, par opposition à deux infractions astucieuses.

Éléments constitutifs

La définition que la loi attribue au vol implique la réunion de deux éléments : l’un moral et l’autre matériel. Ce dernier recèle trois notions que sont la soustraction (le fait, la mainmise), la chose (le bien volé) et l’appartenance à autrui (caractère privé de la chose). L’élément moral suppose que la soustraction soit commise frauduleusement, avec une intention coupable et préméditée, sans le consentement de la victime. Ainsi, un propriétaire ne peut pas voler un bien lui appartenant ; la rétention (même injuste) d’un objet par celui qui en a la possession ne peut être qualifiée de vol. Si le bien n’appartient à personne, l’idée de vol est exclue, il en est de même si le propriétaire abandonne son bien, s’il abdique son droit sur la chose. Ainsi si quelqu’un jette un bien à la poubelle publique, ne peut être poursuivi pour vol celui qui l’y ramasse. Pour qu’il y ait vol, il faut aussi que la soustraction porte sur une chose mobilière (bien corporel susceptible d’être déplacé). Ainsi, on ne peut voler une personne (au lieu de vol de bébé, on doit plutôt parler d’enlèvement par exemple), ni un immeuble mais n’importe quel bien meuble est susceptible d’être volé. La notion de l’élément moral est aussi indispensable pour qualifier un délit de vol; l’intention coupable doit être établie. Le voleur doit avoir agi sciemment, contre le gré du propriétaire. Ainsi, celui qui s’approprie un bien en pensant prendre le sien n’a pas commis de vol (à la sortie de la mosquée par exemple, celui qui confond sa paire de babouches avec celle d’un tiers, ou celui qui emporterait un sac lui appartenant et dans lequel on avait glissé à son insu un objet appartenant à autrui).

Typologie

Les cas de vols répertoriés par le Code Pénal sont divers. Ils sont jugés selon les circonstances à par trois principales juridictions, le tribunal départemental pour les contraventions, le tribunal régional pour les délits et la Cour d’Assises pour les vols aggravés qualifiés de crimes. On distingue donc dans le Code Pénal le vol simple qui concerne les vols ou tentatives commis sans circonstances particulières. Il est réprimé par l’article 370 qui prévoit une peine correctionnelle (emprisonnement d’un à cinq ans et une amende de 20.000 à 200.000francs). Il y a aussi le vol aggravé qui est constitué d’une circonstance particulière parmi les onze cas prévus. Que sont la pluralité d’auteurs, le port d’armes, l’usage de menaces-violences ou voies de fait, l’utilisation de véhicule. Mais aussi l’usage d’effraction-escalade-sape (tranchée creusée sous un mur ou un ouvrage) ou de fausses clés, lieux publics fréquentés par des voyageurs, lieux privés fréquentés par des voyageurs, lieux de culte, la qualité de salarié (vol au préjudice de son employeur), la nuit, la qualité de l’agent (fonctionnaire public, officier civil, militaire…). Mis à part les quatre premières circonstances aggravantes citées, il ne pourra être prononcé le sursis à l’exécution de la peine. Il y a enfin le vol aggravé qualifié crime. Ce dernier cas est séparé par la loi en deux parties, la première est relative aux circonstances (deux parmi celles-ci pluralité d’auteurs, véhicule, port d’armes, menaces, violences ou voies de fait), tandis que la seconde est relative aux résultats (mort d’homme, infirmité permanente, incapacité de plus de 15 jours, violence commise avec usage d’arme), du forfait. Les sanctions encourues dans ces cas peuvent aller jusqu’aux travaux forcés à perpétuité et les circonstances atténuantes ne pourront être accordées.

Des statistiques ahurissantes - Plus de 60% de la criminalité apparente

Un simple coup d’œil dans la page «faits-divers» des journaux suffirait à témoigner de l’ampleur du phénomène. Le vol est la première des infractions à laquelle s’adonnent nos délinquants. De même, le délit de vol constitue une plaque tournante dans les statistiques des services policiers. Dans son cours de Droit Pénal Spécial à l’Ecole Nationale de Police, le Commandant Marc Rosier révèle que le vol représentait en 1999 près de 60% de la criminalité apparente si l’on examine les statistiques de la police judiciaire. Aujourd’hui, ce chiffre doit être revu à la hausse de façon considérable. Car le phénomène croît quelles que puissent être les conditions. Le nombre de vols augmente «simplement et automatiquement parce que l’industrie produit de plus en plus de biens susceptibles d’être volés» (cf. Le Vol, J.F.Gayraud et D. Sénat, Paris Puf 2001, QSJ) ; le vol de bétail est développé dans les zones où l’activité agricole et pastorale est dense. De la même manière, les cas de vols augmentent aussi à cause des conditions précaires dans lesquelles vivent le voleur et sa victime; illustration en est donnée dans le mémoire de Dea de sociologie de Ousmane Ndong sur le vol de bétail à Ndiaganiao (Département de Socio, Dakar 2004). Qui s’interrogeant sur l’ampleur des événements, montre que c’est le système social qui est responsable de sa recrudescence. Par là, le vol (de bétail) est causé principalement par la précarité, avec les conséquences de la sécheresse de 1973. La corrélation entre les civilisations croissantes (qui offrent plus de «choses à voler») et la multiplication des délits de vols est la même que celle entre la rareté des «choses à voler» (pauvreté) et la multiplication des vols, la propriété privée étant rare et recherchée, donc exposée au vol. Dans le document sur la Situation Economique et Sociale du Sénégal (Édition2005), publié par le ministère de l’Economie et des Finances, le vol occupe la première place des infractions faites par la population carcérale : 2744 détenus pour vol sur un total de 6616 détenus ! Encore que ces chiffres sont éloignés de la réalité sociale car il existe un gap profond entre les cas de vols réels et ceux traités par les services judiciaires. Quelle est l’ampleur du «chiffre noir» des vols? Combien de vols sont ignorés des services de police, combien sont réglés à l’amiable avant que le procureur ne prenne connaissance du dossier et combien de dossiers de vols ont été classés par le ministère public?

Qui sont « nos » voleurs ?

Dans le même document, un tableau portant sur la répartition selon l’âge et la nature de l’infraction, laisse percevoir sans surprise, que l’écrasante majorité des voleurs sénégalais (cas traités par la justice), sont des hommes. Près de 2676 hommes contre seulement 68 femmes sur un total de 2744 détenus pour vols, soit 98% contre 2%. En outre, il ressort aussi de ce tableau que les jeunes âgés entre 19 et 35 ans sont «les plus grands voleurs», contrairement aux personnes de plus de 46 ans, la maturité ayant sûrement fait ses effets. Les victimes sont très souvent repérées en fonction de leur vulnérabilité; elles sont des femmes, des étrangers, ou des gens pris dans la densité d’une foule ou d’un bus. La nature des objets volés varie souvent en fonction des caractéristiques des zones concernées. Par exemple, les villes «économiques» ou touristiques comme Dakar, Thiès, Mbour ou St Louis sont souvent sujettes aux vols de matériels électroménagers, de bijoux, de portables, d’argent, etc. Par contre les zones où l’activité agricole et pastorale est développée, comme les milieux ruraux, les régions du Sénégal oriental et du centre, sont écumées par les voleurs de bétails.

La kleptomanie… c’est quoi?

Certains voleurs, pour justifier leur forfait, se cachent souvent derrière l’alibi de kleptomanie, alors que selon une statistique (en Europe), moins de 5% seulement des voleurs en souffrent. Une pathologie qui permet dans certains cas, d’échapper aux affres des geôles. C’est quoi la kleptomanie?

On la classe parmi les troubles du contrôle des impulsions; elle entraîne souvent des problèmes socioprofessionnels et juridiques. Elle est rare mais surtout présente chez les femmes. Le patient est atteint d’une impulsion obsédante à voler des objets sans pouvoir même en définir l’utilité. Les objets volés ne le sont donc ni pour un usage spécifié, ni pour leur valeur monétaire. Généralement, ils sont ensuite donnés ou jetés, mais certains kleptomanes les collectionnent ou essaient discrètement de les restituer. Malgré de multiples arrestations, la pathologie peut toujours se manifester. Une sensation croissante de tension précède le vol. Au moment du larcin, cette angoisse est calmée et le sujet ressent même un plaisir et un sentiment de gratification. Par contre, après le vol, la personne se sent souvent coupable et anxieuse. Dans la kleptomanie, le vol n'est pas commis par vengeance ou sous l'effet de la colère. Il n’est pas non plus lié à des hallucinations, à des idées délirantes, ou à une autre maladie psychiatrique. Certains kleptomanes ont tendance à vouloir se faire prendre, ils cherchent à assouvir un besoin d’expiation tandis que chez d’autres, l’acte de dérober entraîne une excitation comparable à celle de certains pervers sexuels.



1 Commentaires

  1. Auteur

    Anonyme

    En Mai, 2015 (08:57 AM)
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