Marche des femmes à Kolda : Contre l’insuffisance de sages-femmes et de gynécologues dans la région

Elles ne veulent pas continuer à mourir autant, en donnant la vie, tout simplement parce que les structures sanitaires de la région n'ont pas suffisamment de sages-femmes et manquent de gynécologues. Et elles ont profité de la journée du 8 mars pour battre, hier, le macadam dans les rues de Kolda et crier leur ras-le-bol. Leur exigence prioritaire formulée dans une lettre de protestation remise au gouverneur de région et destinée au ministre de la Santé : l'affectation de sages-femmes dans chaque poste de santé, et que les centres de santé, tout comme l’hôpital régional, soient dotés de gynécologues.

(Correspondance) - Comme on s’en doutait, l’affectation des sages-femmes de l’hôpital régional de Kolda était au centre de la célébration du 8 mars au Fouladou. Des femmes membres d’une dizaine de centrales syndicales et d’organisations de la société civile, dont la Cnts, l’Afao, le Dirfel, la Csa, l’Unsas, la Fafs, le Cosef, etc., ont battu le pavé hier. Sur les pancartes, on pouvait lire, entre autres, «Pour des sages-femmes et des gynécologues dans les structures de santé». Face au gouverneur de région, Mme Taïbou Baldé, porte-parole de la procession, a révélé le contenu de la lettre de protestation adressée à Abdou Fall, le ministre de la Santé. «Le regroupement des femmes de Kolda, militantes des organisations signataires de la présente lettre, vient protester contre l’insuffisance de sages-femmes et le manque de gynécologues dans la région», peste-t-elle, ajoutant dans une tonalité plus musclée que les femmes de Kolda estiment qu’elles ont droit au même titre que celles des autres régions à une prise en charge sanitaire correcte. Et c’est «pour ne pas mourir en donnant la vie», martèle Mme Baldé.

Les marcheuses des organisations syndicales et de la société civile «exigent que des sages-femmes soient affectées dans au moins chaque poste de santé, et que les centres de santé, tout comme l’hôpital régional, soient dotés de gynécologues», poursuit Mme Taïbou Baldé.

Cette marche des femmes vient s’ajouter à la clameur née à l’hôpital régional, il y a dix jours, suite à l’affectation de deux sages-femmes de la maternité. Ainsi, le chemin de croix reprend pour la femme enceinte de la région de Kolda. Depuis une semaine, les portes de la maternité sont, en effet, fermées aux parturientes. «Le service est fermé, cela veut dire qu’il n’y aura plus de césarienne, plus d’hospitalisation ni d’accouchement et de garde de sage-femme. Les femmes enceintes fatiguées devront aller ailleurs désormais !», s’était écrié Sékouna Sané, secrétaire général de la section Syntras de Kolda, ajoutant que toutes les malades seront évacuées à Ziguinchor ou à Tambacounda, deux villes distantes respectivement de la capitale du Fouladou de 187 km et 215 km. M. Sané s’exprimait ainsi au cours du sit-in de protestation du personnel de l’hôpital régional.

La maternité a été fermée aux malades devant être hospitalisées ou subir une césarienne, faute de personnel. Deux des cinq sages-femmes de ce service ont été affectées il y a quelques jours sans être remplacées. Pire, au cours de cette semaine, une autre sage-femme sera en congé de maternité, réduisant ainsi le personnel à deux. Et comme si cela ne suffisait pas, à Sédhiou, le gynécologue est parti en formation.

Loin de se laisser abattre par la fatalité, les travailleurs ont décidé d’en découdre avec le ministre de la Santé. Et depuis hier, elles comptent, dans ce combat, de nouvelles alliées : les femmes syndicalistes et de la société civile. «Cette mesure d’affectation est inadmissible, elle n’est pas respectueuse de la gestion démocratique des travailleurs», avait alors lancé le secrétaire général de la section Syntras de Kolda, convaincu que la décision s’est faite en dehors des commissions de mutation.

«Comment un ministre qui a tant promis à Kolda, peut-il signer cette mesure d’affectation alors qu’il n’y a aucun danger ?», s’interroge le syndicaliste. «A Kolda aussi, il y a des êtres humains, des mères et des enfants à sauver parfois», tonne Sékouna Sané.

En fait, les premières évacuations ont commencé il y a près de deux semaines. Faute d’oxygène, huit patientes avaient été affectées à Tambacounda et à Ziguinchor. Une des évacuées est décédée sans avoir accouché, une autre a perdu son bébé. «Cela est inadmissible. Qu’on ferme une bonne fois l’hôpital de Kolda !», avait lancé, amer, M. Sané. La vie de l’institution devenue établissement public de santé en septembre dernier, est tout le temps jalonnée de sit-in, de grèves et de marches.

Les femmes qui ont marché hier ont également adressé une lettre de protestation au ministre de la Famille pour protester contre la non adoption de la loi sur l’autorité parentale. Le 8 mars a aussi vécu au collège Sikilo Ouest de la commune de Kolda. Les potaches ont eu droit à une conférence sur la fille en milieu scolaire, un récital de poèmes et des sketches. Deux nouvelles salles de classe ont été inaugurées.

Mariama Bâ, auteur d’Une si longue lettre et Mme Gnagna Fall Bâ, nouvelle présidente de la commission genre et droits de la femme au Craes, en sont les marraines. «Etre femme n’est plus une fatalité, mais une fierté», alerte la porte-parole des professeurs du collège citant en exemple Mme Gnagna Fall Bâ, leur bienfaitrice.