MENDIANTS DE DAKAR : Ces âmes que la campagne nourrit bien

On les appelle des mendiants . Ils vivent de la générosité des autres. Depuis prè d’un mois lur besace ne désemplit. La pré- campagne et la campagne constituent des moments de grâce

Assise en tailleur à quelques encablures du lycée Blaise Diagne en compagnie de ses deux enfants, Nogaye compte sur les passagers pour avoir de quoi nourrir sa petite famille. Son époux est un véritable « ggorgorlou » qui ne vit que de débrouillardise. Nogaye reconnaît que depuis plus d’un mois, les choses ont complètement bougé. Elle se laisse aller à des confidences : « Beaucoup de personnes véhiculées nous donnent des aumônes. C’est principalement de la cola, du tissu percal et des poulets. Ils n’oublient pas de offir des pièces sonnantes et trébuchantes. Des gens même vous disent c’est la campagne qui arrive , prie pour mon candidat » À l’en croire, elle rentre le soir sur Yeumbeul, le portefeuille plein de pièces de monnaie et de billets de banque ».

Elle s’exclame en ces termes : « vivement la campagne ». Du côté de la maison de la culture Douta Seck, des mendiants sont assis sur le trottoir. Sur une natte, un père de famille au visage ridé par le poids de l’âge dresse une montagne de pièces de monnaie. Interpellé , il éprouve le besoin de nous exposer les raisons de sa présence dans ce quartier de Médina. « C’est là que je viens demander de l’aumône depuis plusieurs années. Les recettes obtenues me permettent de subvenir de manière correcte à mes besoins » Et la campagne ? « Par expérience, çà toujours été une période de traite pour nous. Pour le mment, les choses se sont emballées. Nos revenus ont connu une hausse substancielle.

Les femmes sont les plus nombreuses à nous fréquenter. Elles vont souvent voir les marabouts pour protéger leurs maris ou leurs amants qui sont dans l’arène politique » Et renchérit Issa Faye qui officie sur le même lieu : « Les hommes politiques sont comme des lutteurs. Ils ne font rien au hasard. La superstition est très élevée chez eux. Ce qui nous arrange fondamentalement ». L’ ambiance est bon enfant au Point E . Les mendiants squattent les abords de la banque . Ils sont légion . Parmi eux se trouvent des personnes handicapées. L’une d’elles Marième Wade déclare : « À pareil moment, tous les politiques se tournent vers nous pour leurs aumônes. S’ils pouvaient penser à nous en dehors de la campagne ce serait une bonne chose. Vous n’ignorez pas que nous représentons 10% de la population sénégalaise ».

Dans la même veine, Ousseynou handicapé moteur prend la chose avec philosophie : « Nous faisons partie de l’armée des assistés. Que voulez- vous ? » S’interroge- t-il avant d’ajouter : « L’essentiel pour nous est de gérer de belle manière notre progéniture. En vérité, ces jours- ci, nous gagnons beaucoup ». Cette période de prospérité pour les mendiants est cooroborée par les propos de Pape Faye qui depuis plus de 20 ans est un militant actif : « À chaque campagne électorale, j’augmente mes libations pour ne pas être la proie des vautours. Je fréquente assidûment les marabouts ». Au rythme où vont les choses, il y a fort à parier que les mendiants voudraient que tous les mois de l’année soient des mois de campagne électorale. Momar ne dit pas autre chose : « Je prie pour que cette campagne se déroule dans le calme tout en demandant à quand la prochaine campagne ? » lâche- t-il.